Tirage au sort et Front de Gauche : une possible convergence ?

par citoyenrené
mercredi 20 février 2013

Un sénat citoyen tiré au sort peut trouver sa place dans le projet démocratique du Front de Gauche, intégrant une partie de la pensée du plan C d’Etienne Chouard. Le but de cet article est de marier les deux concepts.

Ainsi, page 24 du programme Front de Gauche « l’Humain d’abord » :

"Nous proposerons la suppression du Sénat ou sa réforme profonde pour devenir une chambre relais des collectivités locales et des initiatives citoyennes"

puis page 25 : "L’initiative d’une loi sera ouverte aux citoyennes et aux citoyens, aux organisations syndicales et aux associations.".

Si l’abstention est le fléau, la perspective de l’implication populaire est le moyen de ramener aux urnes le grand nombre de ceux qui boycottent les élections. Car les gens aiment voter, ce qu’ils n’aiment pas, c’est qu’aucun compte ne soit tenu de ce qu’ils ont majoritairement exprimés.

Entre parenthèses, un sénat citoyen impliquerait à un moment ou un autre la refonte du conseil constitutionnel. Il devrait y avoir au « conseil des sages », plus de Pierre Rabhi que de Sarokzy et Roland Dumas réunis ! c’est autre sujet, vaste et entier.

Si la constituante prime, et la nature des constituants l’enjeu fondamental, la précision du projet démocratique du Front de Gauche pensé, dessiné et proposé avant dans l’imaginaire collectif, d’une part pourra influencer positivement les constituants, d’autre part parlera aux abstentionnistes et aux déçus. Rappelons au passage la pertinence et l’argumentation pour la constituante du Front de Gauche d’un côté et de l’autre le considérable travail de Chouard sur les ateliers constituants.

On peut vite répondre : « c’est vain, les pouvoirs sont ailleurs ! à Bruxelles dans d’obscures bureaux, ou dans des coulisses opaques du pourvoir, pouvoir de l’argent et des lobbies, le politique n’est qu’un théâtre creux, une vitrine entretenant la mystique (mystification ?) Républicaine », voir par ailleurs aussi la fougue européiste et atlantiste en cours.

Certes, le pari est simplement de miser sur l’advenue d’un pouvoir politique citoyen suffisamment fort pour être étanche à ces dépossessions, faire barrière aux intérêts supranationaux autres que l’intérêt général.

L’intérêt général humain, donc écologique car devant préserver la biosphère terrestre, qui appelle l’écososialisme, est pour certains bouleversant de pertinence, de même que la règle verte, mais pour les autres, une pratique démocratique réelle peut et doit les assoir à la même table décisionnelle.

Si la démocratie citoyenne est trop abrupte pour ceux qui pensent leurs congénères abrutis et inaptes à appréhender et à exprimer l’intérêt général, le bicamérisme d’un sénat citoyen et de l’Assemblée parlementaire « classique » pourra calmer leur crainte (irrationnelle).

Au passage, un mot sur la « représentativité » de l’Assemblée parlementaire actuelle : au sein de l’Assemblée Nationale élue l’année dernière, 2,6 % des députés sont des employés (pour 28,6 % dans la population) et 0,2 % des députés sont des ouvriers (pour 23,1 % de la population). A l’opposé, 81,5 % des députés sont cadres ou catégories supérieures (pour 15,5 % dans la population).

Or une représentativité réelle donnerait 65 députés-employés, 133 députés-ouvriers... ça aurait de la gueule ! ça ferait surtout 298 députés issus du bas-peuple sur une majorité absolue à 289... passons.

 

On pourrait craindre qu’un sénat citoyen au pouvoir équivalent à l’assemblée parlementaire ‘classique’ bloque ou réduise la radicalité du profond concept d’écosocialisme, ou sur la fiscalité, si la majorité d’entre nous peut entendre cette limite à l’accumulation à 30 000 € par mois, les 14 tranches progressives d’imposition feraient grincer des dents.

Cette crainte oublie un argument fondamental : le désaccord des deux chambres mènerait au référendum, la question serait alors arbitrée par le peuple français, par ce même peuple qui aura porté majoritairement le Front de Gauche au pouvoir ! idem sur la composition idéologique du sénat citoyen.


Creusons un instant cette idée de Sénat Citoyen, en cas de désaccord entre ce sénat et l’Assemblée Parlementaire, au terme des navettes, référendum pour départager.

Ce sénat pourrait aussi s’occuper de traiter les demandes de Référendums d’Initiatives Citoyennes, conjointement au nouveau conseil constitutionnel, 45% de son temps, il travaille et donne son avis sur les propositions et projets de loi du parlement et du gouvernement, 45% de son temps restant, il émet ses propres propositions.

Pour les sénateurs, mandat de 3 mois, renouvelable une fois, avec l'interdiction de licencier le salarié désigné législateur, nourri et logé sur Paris. Sur la base du volontariat (après désignation, possibilité de refuser), combien se désisteraient ? très peu sans doute, et il n’est point nécessaire d’aller jusqu’à une amende de 3 750€ comme pour le refus de juré de cour d’assise.

Ce sénat réformé serait l'endroit adéquat pour devenir la chambre de relai citoyenne, et ici le tirage au sort prodiguerait ses merveilles de représentativité du grand nombre. Tirage au sort qui arrive, qui s’impose, au bout du raisonnement, une fois acté l’implication directe des citoyens, le non-cumul des mandats, la déprofessionnalisation, autant que possible, de la fonction politique.

La rotation des charges est un parallèle à la nécessité de rotation des cultures sur une terre pour ne pas l’appauvrir, pour lui permettre de se régénérer sainement.

En outre, cette potentialité de mandat citoyen, sans soutien financier et médiatique privé, est un formidable vecteur de paix sociale, d’implication aux affaires publiques.

Comme écrivait Rousseau : "Sitôt que quelqu’un dit des affaires de l’État : que m’importe ? on doit compter que l’État est perdu."

Ce même Rousseau écrit, toujours dans « Du contrat social » :

 "Quoi qu’il en soit, à l’instant qu’un peuple se donne des représentants, il n’est plus libre, il n’est plus

Mais il est impossible de réduire une pensée si élaborée en deux phrases.

En tout cas, on peut sentir que l’implication populaire est le sang vital du corps démocratique, voire le cœur.

 

Une remarque annexe sur la personnalisation du pouvoir :

La commune de Paris de 1871 (d’où vient au passage le titre d’affiche « Place au peuple »), révolution involontaire et précipitée, a échoué, entre autres, faute de figure emblématique, capable de cristalliser l'élan populaire, et si la grand révolution de 1792 a fonctionné une ou deux années, c'est entrainée, impulsée, accompagnée par un homme-cristal.

Ainsi, la personnification du pouvoir semble un temps, en une phase initiale ou secondaire, nécessairement incarnée par un porte-drapeau, un porte-voix (en cela JL Mélenchon, Pierre Laurent et tout les autres sont brillants de pertinence et de clarté).

si donc la personnalisation du pouvoir est un temps nécessaire, le référendum révocatoire est la protection populaire à toute dérive personnelle, totalitaire.

 

La question se pose de savoir pourquoi JLM, et Maxou avant lui, ont écarté d’emblée le tirage au sort, pour JLM, ce n’est pas fini…mais pour Robespierre, il en connaissait l’usage à travers « l’esprit des lois » de Montesquieu et « Du contrat social » de Rousseau.

La réponse est, à mon avis, assez simple, Robespierre le glorieux déclare le 17 Avril 1792 :

« Le ciel qui me donna une âme passionnée pour la liberté, et qui me fît naître sous la domination des tyrans, le ciel qui prolongea mon existence jusqu’au règne des factions et des crimes, m’appelle peut-être à tracer de mon sang la route qui doit conduire mon pays au bonheur et à la liberté ; j’accepte avec transport cette douce et glorieuse destinée »

Et voilà, le tirage au sort réduit la probabilité d’accomplir « cette douce et glorieuse destinée »…la grande révolution aurait-elle pu avoir lieu, sous cette forme, sans Robespierre ? on ne refait pas l’Histoire au conditionnel.

Sommairement donc, la personnalisation du pouvoir semble nécessaire, dans des temps initiaux, pour porter un système qui saura in fine s’en écarter, reste à savoir si les personnes sauront s’en écarter de leur propre chef, le pouvoir semble exercer une gluante attraction sur tout humain !

A cela, le Référendum Révocatoire du Front de Gauche est la plus solide des protections, répétons cela pour les craintifs du bonhomme. De même, un sénat citoyen et une assemblée parlementaire classique se prémunissent mutuellement de toute dérive, de tout excès.

 

Place au peuple ?

 

Notes :

Le programme du Front de Gauche « l’humain d’abord »

http://www.placeaupeuple2012.fr/telechargez-le-programme-populaire-partage/

le site du plan C, « instituer une vraie démocratie par une Constitution d’origine Citoyenne d’Etienne Chouard

http://etienne.chouard.free.fr/Europe/

 

sur l’idée démocratique, le livre de Bernard Manin : « Principes du gouvernement représentatif »

http://books.google.fr/books/about/Principes_du_gouvernement_repr%C3%A9sentatif.html?hl=fr&id=ksg8PQAACAAJ

 


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