Tour de vice !

par C’est Nabum
samedi 24 janvier 2015

La République des apparences ...

La mise en scène d'une tragédie …

Comme l'affirme le bon Jacques Attali, expert s'il en est, en filouteries et en arguties, le Président et son gouvernement ont formidablement géré la mise en scène de la tragédie qui vient de frapper de plein fouet notre bon pays. Fermons le ban ; la suite n'est que le déroulement d'un scénario simplement destiné à redorer une image bien ternie jusqu'alors.

C'est du moins ainsi que notre merveilleux décrypteur de la société nationale nous le laisse supposer. Il y aurait donc une évidence nationale qui voudrait qu'il y ait plus de sécurité et d'ordre. Alors, sans hésiter une seconde, ce qui, jusqu'alors, ne devait pas être dit est proclamé avec des mots si forts que les maux s'effondreront d'eux-mêmes.

Notre premier ministre en personne parle d' « apartheid social ». Le mot est si fort qu'il faut immédiatement prendre des mesures. Le Président prend la parole lors de la cérémonie des vœux (toujours cette absurde pratique qui occupe tout le mois de janvier) au corps enseignant. Et là, c'est l'artillerie lourde de la communication qui est sortie.

Il n'y aura plus un seul manquement au respect dû aux enseignants qui ne sera pas repris et, le cas échéant, sanctionné. La discipline et les valeurs de la laïcité seront défendues avec une extrême fermeté. Nous devons applaudir et nous extasier devant enfin tant de clairvoyance. Bravo, tout va rentrer dans l'ordre républicain : marseillaise et unité nationale en prime …

Ben voyons ! Qu'est-ce qui va nous faire croire que, d'un coup de baguette médiatique, les vingt dernières années vont soudain être abolies ? Serait-ce la fin des consignes données aux chefs d'établissement d'étouffer les incidents, de ne pas faire remonter l'état calamiteux des relations dans certains établissements dits « difficiles » ?

Va-t-on enfin appeler un chat un chat au royaume de la bureaucratie rayonnante ? Je n'en veux pour preuve que le récent discours officiel sur les incidents lors de la minute de silence. Au début, il n'y eut que des incidents isolés, rares, menés par quelques individus. Puis les témoignages des enseignants se répandant sur la toile, il a fallu reconnaître des manifestations plus inquiétantes qu'on ne voulait bien l'avouer. Maintenant, le délabrement moral est susurré du bout des lèvres …

Ne nous y trompons pas : les marques d'irrespect ne seront sanctionnées qu'à la marge, pour l'exemple et une bonne publicité politique. Il faudrait si souvent punir que cela est devenu strictement impossible. Le président évoque, sans jamais sans doute s'être penché sur le dossier, les travaux d'intérêts généraux dans nos établissements pour remettre dans le droit chemin les égarés des valeurs républicaines. Sait-il que ce type de sanction est, dans la plupart des cas, parfaitement impossible à mettre en place ?

Bien sûr que non. Au pays de la communication, l'essentiel est de tenir des postures et non de les appliquer. L'annonce sera encore d'autant plus douloureuse qu'elle ne sera pas suivie de mesures réelles. Qui évoque la souffrance des enseignants qui sont exposés chaque jour aux quolibets d'une jeunesse en rupture idéologique avec eux ? Qui s'en souciera dans les bureaux des ministères, si bien protégés des réalité d'un terrain où ils n'ont jamais mis les pieds ?

Ce fameux tour de vis n'est qu'un tour de vice, un effet de manche, un joli assemblage de mots et de convictions de circonstance. Il faudrait bien plus pour remettre au travail dans le respect républicain des jeunes qui n'ont plus foi dans notre République, qui ne croient plus à l'égalité des chances, qui ont des modèles qui ne sont pas des exemples de vertu.

L'argent de la drogue, la violence des paroles du rap, les ravages des réseaux sociaux, la toute puissance de l'adolescent, l'absence d'alternative au collège unique, l'engorgement de la justice des mineurs, la désespérance des familles, le racisme qui progresse dans ce pays et bien d' autres facteurs encore, vont anéantir un discours de pur affichage.

Il faudrait un plan Marshall des banlieues et des établissements scolaires. Il faudrait des moyens et des personnes. Il faudrait du courage et des convictions ; c'est bien là ce qui manque le plus parmi une classe politique soucieuse, uniquement, de sa préservation. Les mesurettes annoncées ne changeront rien fondamentalement à l'effondrement du niveau scolaire pour les enfants issus des groupes sociaux défavorisés.

Elle seront poudre de perlimpinpin en ce qui concerne la prise en compte des incivilités. Nous savons tous que l'Etat n'a pas les moyens de faire ainsi les gros yeux. Il faudrait changer de paradigme vis-à-vis de l'école obligatoire. Dans l'état actuel des choses, ce sont les caïds qui mettent en échec l'institution et non l'inverse. Les paroles du Président resteront lettre morte, une fois encore.

Mais ce n'est pas bien grave, l'essentiel n'est-il pas de continuer à bien mettre en scène les tragédies à venir ?

Tragiquement leur.

 

http://www.leberry.fr/france-monde/actualites/a-la-une/national/2015/01/21/hollande-aucun-incident-a-l-ecole-ne-sera-laisse-sans-suite_11299632.html


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