Un îlot resté à l’extrême droite
par Dominique LIN
mercredi 12 mars 2008
Nous avions connu la vague du Front national en 95. En 2002, suite aux scandales et aux mauvaises gestions dans les villes, il ne restait que quelques points noirs. A l’image du célèbre village gaulois, une petite ville du Sud fait de la résistance... et pas des moindres.
Orange, presque 30 000 habitants, son arc de triomphe et son théâtre antique unique au monde, classés monuments Unesco, vient de battre un record dont certains auraient bien voulu se passer.
Son maire, Jacques Bompard, élu en 95 et 2002 sous l’étiquette FN, passé sous le giron du MPF, qui maintenant se déclare sans étiquette, mais entretient des relations étroites avec le monde royaliste et catholique intégriste, vient de réussir haut la main un 3e scrutin dès le premier tour à... 61%.
Rare ville à utiliser les machines à voter (machines à tricher disait De Villier), les résultats sont remis en cause par les trois autres candidats pour causes de faits troublants tels que la similitude des résultats dans des quartiers très différents en termes de profils d’électorat (centre-ville/cités).
Jean Gatel pour le PS (21,86 %), Pascal Vielfaure pour l’UMP (12,05 %) et Michel Benlian, le chef de file de la droite dissidente (5,13 %), ont tenu une conférence de presse côte à côte pour s’en expliquer. « Nous sommes tous les trois républicains. Nous respectons donc le verdict des urnes même s’il est douloureux, mais ce sont les résultats quasiment identiques dans 21 des 22 bureaux de vote qui nous interpellent. Nous sommes troublés par ces similitudes entre le nombre de voix obtenues par chacun et par le fait que Jacques Bompard a affirmé tout au long de la campagne qu’il serait réélu avec 60 % des voix. Il citait également les chiffres de nos listes respectives et il s’avère que ses prévisions sont exactes. Nous n’accusons pas, nous constatons et nous nous étonnons. »
Pour Jacques Bompard, les arguments de ses adversaires ne sont pas recevables. « Ces machines étaient en place pour la présidentielle. Elles ont enregistré 70 % pour M. Sarkozy. Les battus devraient avoir l’honnêteté intellectuelle de reconnaître leur défaite. Les Orangeois ont choisi en toute liberté. Remettre en cause leur décision, c’est les insulter. C’est aussi se ridiculiser. »
Sur Le Vaucluse matin d’aujourd’hui, il y a une information étrange titrée "L’urne s’était perdue". Je cite :
"L’urne contenant les résultats des élections municipales d’Orange, transportée à la fin du scrutin et comme le veut la loi par la police nationale en préfecture de Vaucluse, à Avignon, avait été égarée. Elle a finalement été retrouvée hier matin."
Si mes propos peuvent sembler amers, c’est que la situation d’Orange est catastrophique car isolée de tous les liens territoriaux sur lesquels une ville peut compter. Seule ville à ne pas avoir de mission locale pour les jeunes. De nombreux scandales ont pavé le chemin du maire depuis treize ans.
La médiathèque s’est vue vidée du son contenu philosophique, intellectuel. Les associations de quartier ont été réduites au silence. La population n’ose pas s’exprimer librement. De nombreux procès ont été intentés par la mairie pour faire taire l’opposition, quitte à les perdre, elle a réussi à faire peur. Les Conseils municipaux sont le théâtre d’insultes méprisantes...
Pas une entreprise créatrice de richesses et d’emploi n’est venue s’installer. Le centre meurt, plus de culture ni d’associations culturelles dynamiques. Bref, une caricature dont on ne perçoit pas la gravité en passant. Les monuments romains, un cours bien refait avec une fontaine fleurie et l’illusion est bonne.
A Orange, on est pour le maire ou... on est contre. On l’apprend vite et les gens se taisent.
Un blog de résistance l’apprend chaque jour un peu plus. Menaces, appels téléphoniques anonymes, coups dans la porte du domicile la nuit, la panoplie de la démocratie dans toute son expression.
Non, vous ne rêvez pas, nous sommes à Orange, porte de la Provence, sur la N7 qu’a chanté Trenet, encerclée par Vacqueyras, Chateauneuf-du-Pape et Gigondas... un pays où il fait si bon vivre...
Nous sommes loin des combats de ministres ou de personnalités. Aucun enjeu médiatique, mais un enjeu pour une ville, c’est le quotidien de ses 30 000 habitants.
Dominique