Un vote blanc reconnu plutôt qu’une abstention

par Jean-Luc Van Gheluwe
jeudi 4 mars 2010

Les niveaux de participation, tous scrutins confondus, sont tels que les élus peinent à rassembler une majorité de citoyens. Ainsi aux dernières présidentielles, Nicolas Sarkozy a-t-il recueilli au second tour un peu plus de 53% des suffrages exprimés. C’est-à-dire que compte tenu de l’abstention et des votes nuls et blancs, il n’a finalement été élu que par à peine 43% des électeurs. Encore ce résultat ne tient-il pas compte des non-inscrits !
 
Des élus généralement minoritaires
 
Que dire des élections locales, qui connaissent une désaffection plus prononcée, sinon que Martine Aubry, apparemment brillamment réélue avec plus de 66% des voix, n’a en réalité recueilli qu’un bon 28% du total des électeurs inscrits.
 
La tendance à l’abstention s’affirme depuis plusieurs décennies. Parallèlement, le vote nul ou blanc, bien que marginal, s’est élevé progressivement à un niveau généralement compris entre 3 et 5%.
 
Plutôt que de nier son existence en ne le comptabilisant pas parmi les votes exprimés, peut-être faudrait-il lui reconnaître des vertus, ce qui supposerait également d’oser considérer le « parti de l’abstention » comme un phénomène politique déterminant. En effet, il est probablement réducteur d’associer le fait de ne pas voter à du je-m’en-foutisme où à de l’incivisme. Il s’agit là d’une posture possible mais il en est d’autres, qui vont du rejet du système à la défiance à l’égard de la classe politique, en passant par la volonté de sanctionner ou par un désarroi face à des partis qui apparaissent interchangeables ou extrémistes.
 
De l’abstention comme rejet…
 
Si les abstentionnistes systématiques sont minoritaires, les votants systématiques se font moins nombreux, c’est donc que de plus en plus de citoyens se laissent tenter par l’abstention occasionnelle. Fondamentalement, la démocratie représentative semble avoir atteint ses limites. La confiance aveugle en un parti n’est plus de mise. Le blanc-seing accordé à un élu se fait rare.
 
Loin de manifester du désintérêt, l’abstention peut révéler un positionnement à l’égard de la sphère politique. En matière de civisme, elle ne semble pas forcément moins honorable que d’autres attitudes. Voter systématiquement pour un parti parce qu’on y est attaché affectivement confine à l’aveuglement. Voter aux extrêmes pour punir relève de la facilité mais peut conduire au pire. Choisir un candidat sur sa bonne tête n’est souvent qu’un substitut à l’indécision.
 
Si les électeurs qui ne veulent plus voter ou qui ne savent plus pour qui voter sont de plus en plus nombreux, leur abstention reste perçue comme un acte négatif ou stérile. Ceux qui votent se rassurent en culpabilisant les abstentionnistes. La propagande officielle confond volontairement le droit de vote avec le devoir de voter. La plupart des commentateurs ressassent des regrets quant aux faibles taux de participation, évacuant ainsi un peu facilement le sujet.
 
…au vote blanc d’opposition constructive
 
Or le vote blanc apparaît comme une possibilité de transformer un acte de rejet en opposition constructive, à condition de le considérer comme un vote exprimé. En termes de démocratie, les avantages pourraient être multiples, tant sur le plan individuel que sur le plan collectif.
 
En votant blanc, le citoyen exprime dès lors ouvertement une insatisfaction ou un mécontentement. Si les raisons n’en sont pas clairement identifiables, du moins la reconnaissance pleine et entière de son vote lui redonne-t-elle des raisons d’espérer en la chose publique. Au niveau du corps social, l’ampleur du vote blanc constitue en quelque sorte un baromètre reconnu du degré d’adhésion au système politique, que les élus ne peuvent pas ignorer. Contrairement à l’abstention actuelle qui reste sans effets, le vote blanc officiellement exprimé oblige les élus à se remettre en cause.
 
Un rééquilibrage démocratique
 
Cette influence peut devenir déterminante à partir du moment où un système de seuils est mis en place, de façon à assurer une véritable légitimité aux élus. Le cas de figure extrême d’une élection empêchée par un niveau trop élevé de votes blancs ne doit pas faire peur. Il pourrait s’agir au contraire d’un ferment de réconciliation entre les citoyens et les élus. Les premiers se verraient reconnaître une forme de souveraineté, les seconds tireraient leur crédibilité d’une confiance retrouvée dans le système électoral. Cette forme de rééquilibrage encouragerait une action politique susceptible d’entraîner l’intérêt, l’adhésion, voire l’appropriation par des franges non négligeables de citoyens.
 
 
© Van Gheluwe 2010
 

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