Urgence démocratique, halte à l’état d’urgence permanent

par Jean François KIBLER
samedi 3 octobre 2020

Simples citoyens attachés au fonctionnement de notre démocratie et au respect de nos droits fondamentaux, nous avions déjà alerté les parlementaires en mai 2020 lors de la première prolongation de l’état d’urgence sanitaire adoptée de façon précipitée et puis en juin 2020 sur la loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire.

La prorogation de la sortie d’état d’urgence sanitaire : un état d’exception

Bien qu’elle n’en ait pas le nom, la loi du 9 juillet 2020, dite de « sortie de l'état d’urgence sanitaire » organise dans les faits la prolongation de cet état d’urgence, se caractérisant par la possibilité pour le Premier ministre et les préfets de prendre des mesures exceptionnelles restreignant les libertés au nom de l’intérêt général, sans passer par le Parlement.

Les mesures liberticides et ses conséquences

Ceci s’est traduit par la multiplication de décrets et arrêtés préfectoraux. Ces mesures se sont multipliées depuis la fin août, avec la généralisation de l’obligation du port du masque dans tout l’espace public dans un certain nombre de départements, la fermeture de bars et de restaurants à certaines heures, des limitations de rassemblements de trente voire dix personnes, l’interdiction de danser dans les lieux ouverts, etc. Ces mesures portent atteinte aux libertés  : liberté de réunion mais aussi liberté d’aller et venir, liberté d’entreprendre, droit au respect de la vie privée et familiale, et le droit de chacun au respect de sa liberté personnelle (1).

Par ailleurs, elles ne sont pas sans conséquences sur le plan sanitaire et socio-psychologique(2), créant de nouvelles peurs et tensions dans la population (3). De ce fait, elles fragilisent la reprise économique qui s’amorçait (notamment en renforçant l’épargne de précaution des français, inquiets pour leur avenir et aggravant l’incertitude et les difficultés de millions de personnes en situation d’emploi précaire ou travailleurs indépendants).

Face à l’impact important de ces décisions de l’Exécutif, il est essentiel qu’elles fassent l’objet d’un débat démocratique au sein du Parlement, garantissant une réflexion plus approfondie sur la proportionnalité des mesures face à d’autres considérations essentielles et la possibilité pour les citoyens de partager leurs opinions avec leurs élus.

Le Parlement doit reprendre la main pour exercer son rôle de délibération sur les choix collectifs de façon sereine, responsable, et sans précipitation.

Depuis le 22 juin 2020, le Parlement a repris son mode de fonctionnement normal. Le principe de séparation des pouvoirs devrait donc reprendre sa place dans notre vie politique. Par conséquent, le pouvoir élargi laissé à l’exécutif ne se justifie plus.

Pourtant, malgré la reprise de l'activité parlementaire, le gouvernement continue de déposer des projets de loi en procédure accélérée alors même que la date d'échéance de la précédente loi était connue depuis le 10 juillet et que le texte aurait tout à fait pu être examiné selon une procédure classique, laissant ainsi pleinement s’exercer la délibération, temps nécessaire à la démocratie.

La question qui se pose est la suivante : face aux incertitudes (sanitaires aujourd’hui, climatiques peut-être demain ?), allons-nous systématiquement choisir une amputation de notre démocratie ? Allons-nous vers un état d’urgence permanent ?

 Nous demandons aux parlementaires de porter ces inquiétudes et nos propositions suivantes :

1. Nous demandons aux parlementaires de voter contre la prolongation de cette loi d'urgence qui ne dit pas son nom et qui ampute les pouvoirs du Parlement.

2. Si une majorité de députés/sénateurs décidait néanmoins de voter sa prolongation, nous leurs demandons d’organiser un suivi et contrôle effectif de l’ensemble des mesures d'exception par le Parlement « en temps réel et transparent », en associant la société civile et d’organiser un débat public contradictoire en auditionnant des experts et scientifiques d’opinions diverses, ainsi que des représentants de toutes les parties prenantes de cette crise multiforme.

3. Nous proposons également que soit mis en place, au niveau des départements des mécanismes d’information, de débats contradictoires et de délibération associant la société civile et les parlementaires concernés, visant à éclairer et contrôler les décisions préfectorales concernant la gestion de la situation sanitaire dans les territoires et le respect des droits fondamentaux.

Notre démocratie est menacée, mais pas encore morte ! A nous de lui redonner son sens.

Rejoignez notre appel lancé le 23 septembre :

https://www.mesopinions.com/petition/politique/urgence-democratique/106413

Les Citoyens en alerte 

 Amélie Castellanet, Sara Melki, Aline Hubert, Christian Castellanet et Jean-François Kibler

Le fil de l’histoire sur Le Blog des citoyens en alerte : https://blogs.mediapart.fr/sara-melki/blog

 

Références :

[1]  Le TA de Strasbourg, saisi en référé liberté sur la généralisation du port du masque, a jugé que « l’arrêté en litige porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et de venir, à celle d’entreprendre, au droit à la protection de la santé et au droit au respect de la vie privée. » voir également les propos de la Défenseure des droits, Claire Hédon. https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/09/24/la-defenseure-des-droits-s-inquiete-d-une-prolongation-de-l-etat-d-urgence-sanitaire_6053492_3224.html

2 https://www.liberation.fr/debats/2020/09/17/la-sante-mentale-grande-absente-dans-la-gestion-de-cette-crise-sanitaire_1799743

3 https://www.leparisien.fr/societe/covid-19-nous-ne-voulons-plus-etre-gouvernes-par-la-peur-la-tribune-de-chercheurs-et-de-medecins-10-09-2020-8382387.php?utm_campaign=facebook_partage&utm_medium=social&fbclid=IwAR1MhGCaSwvdLxqeu6HKC_h-3SUehxZIziBDJsFoyhamhBnfS5y6pl_V50


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