Vers une loi française anti-burqa ?

par Blaise
mercredi 8 octobre 2008

Au lendemain du refus d’accorder la nationalité française à une femme marocaine portant la burqa, refus motivé en raison de la pratique radicale de sa religion et qui avait réuni l’approbation de tous les camps politiques confondus, Jacques Myard avait réclamé l’intervention du législateur pour prohiber son port. C’est donc en toute logique que, le 23 septembre 2008, le député a présenté une proposition de loi pour interdire cette pratique, la motivant pour des raisons laïques et d’égalité entre les sexes, notamment.

"Le port du voile intégral, explique-t-il, constitue la forme la plus extrême des dérives communautaristes, et porte directement atteinte au vouloir vivre ensemble dans une société diversifiée et démocratique, fondée sur l’égalité des sexes."

Rappelons d’abord ce qu’est une burqa. Il s’agit d’un vêtement ample qui recouvre entièrement celle qui le porte, des pieds à la tête, ne laissant qu’une légère fente au niveau des yeux, parfois avec de petites grilles les cachant eux aussi, là où le voile plus "classique" ne couvre que les cheveux et le cou. C’est ce que le député met en avant : "Si le port du foulard islamique constitue un signe distinctif montrant l’appartenance à une religion, la forme la plus extrême de cette pratique consiste à couvrir entièrement le corps de la femme en masquant totalement son visage, de façon à la rendre méconnaissable en public." La burqa est plus particulièrement portée en Afghanistan, notamment.

Et Jacques Myard va plus loin dans la motivation de sa demande, il explique : "Cette pratique va bien au-delà d’un signe distinctif et prosélyte, il s’agit de la négation même de la personne dans la sphère publique. La femme devient un objet nié voire méprisé dans sa personnalité. N’ayant plus de visage, la société ne peut la reconnaître comme personne, mais uniquement comme objet anonyme d’un groupe communautaire. Elle se trouve dans l’impossibilité d’établir le moindre contact humain en dehors de sa famille. Ce type de voile ou de vêtement (...) crée une barrière infranchissable entre la personne qui le porte et la société dans son ensemble. Cette déshumanisation de la femme constitue une violation grave de la dignité humaine. Elle est inacceptable."


Cette proposition de loi veut s’inscrire en droite ligne de l’interdiction du port du voile dans les établissements scolaires également et c’est par là que le député commence sa présentation, tout en rappelant l’attachement des Français aux principes de la laïcité. Mais l’objectif en est clair : il s’agit d’interdire sous peine d’amende le port du voile lorsqu’il s’apparente à la burqa, c’est-à-dire lorsqu’il couvre tout le corps de la femme, au point de la rendre méconnaissable dans les rues.

"L’article premier pose comme principe l’interdiction de cacher totalement son visage sous couvert d’un prétexte religieux ou culturel. L’article 2 définit cette pratique aussi bien que l’incitation à cette pratique comme un délit, passible dès lors d’une amende et d’une peine de prison. Enfin l’article 3 permet à l’autorité administrative d’expulser tout étranger qui se rendrait coupable de ce délit."

Le rapport au voile semble avoir évolué avec le temps. Il n’était pas rare autrefois de s’entendre dire qu’il n’a rien à voir avec l’islam, mais qu’il est juste affaire de coutume régionale. Puis le temps passant, le discours s’est radicalisé, l’expliquant ensuite comme un rempart contre les agressions masculines, là où les textes le recommandent pour éviter d’éveiller la concupiscence. Dans la pratique, il est difficile de savoir si le voile revêt un caractère obligatoire puisqu’il est possible, dit-on en islam, d’être bonne musulmane en allant tête nue. Tout au moins, le CFCM ne s’est jamais prononcé clairement sur le sujet.

La Hollande, autre pays du fromage, mais aussi d’une certaine "permissivité", avec un modèle de société original et permissif en Europe, avait aussi envisagé une loi semblable, avant de se limiter à interdire ce type de voile dans les écoles uniquement. La très tolérante Hollande aurait en effet vu ses citoyens musulmans se radicaliser avec le temps, et le meurtre de Théo Van Gogh n’a certainement pas arrangé la situation. Rappelons-nous qu’il s’agit aussi du pays de Geert Wilders et de Ayaan Hirsi Ali...

Cette proposition n’a pas fait grand bruit et pourtant elle touche à des principes essentiels, comme la liberté de conscience et de culte. Elle aurait, pour le moins, le mérite de clarifier certaines positions si elle était mise en application. Ainsi nous refusons sur le territoire l’excision, laquelle est parfois encouragée dans la pratique de l’islam, à travers un hadith (« Enlève une partie (du clitoris) sans faire souffrir, car cela embellit le visage et comble le mari » [12]. Rapporté par Al-Hakim, At-Tabarani et d’autres), généralement contesté. La burqa elle-même n’est généralement pas de mise au Maghreb, mais semble être tolérée en Europe.

Faut-il tolérer toutes les pratiques dès lors qu’elles se parent de la raison religieuse, même lorsqu’elles sont contraires à nos propres convictions humanistes ?

Il faut s’étonner de certaines réactions sur la toile internautique. Jacques Myard n’a pas forcément bonne presse auprès de tous les courants d’opinion. Il est le député qui s’est opposé au Pacs, mettant en avant son aspect de mariage civil entre homosexuel. Il a souhaité que soit rétablie la peine de mort envers les auteurs d’actes terroristes, ce qui en fait, pour les esprits simples, un partisan de la peine de mort tout court. Il est aussi l’un des deux députés ayant voté contre la loi autorisant la "modification de la Constitution en vue de la ratification du Traité de Lisbonne".

Mais comme souvent en notre pays, héritier de la Révolution et par conséquent de la Terreur, il est difficile d’évoquer sereinement un sujet de société, en mettant de côté les divergences politiques. Ainsi dans les deux seuls "posts" (voir et aussi) consacrés à cette proposition de loi, l’on s’insurge, tout en faisant mine de venir à l’aide des "pauvres" musulmanes, qui seraient contraintes d’ôter leur voile, manifestant ainsi une certaine incompréhension de la proposition de loi. En effet, il ne s’agit pas de légiférer contre le "voile" en lui-même, mais contre celui qui constitue un enfermement pour la femme qui le porte et l’isole totalement du monde, la rendant méconnaissable, anonyme, lui enlevant de cette façon toute identité et partant, toute relation saine avec le reste de la population.


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