Voile intégral : la question est tranchée clairement depuis 1984

par Regis Tence
vendredi 9 avril 2010

Voile intégral  : un peu d’information, pour changer...

Plutôt que d’échanger sans fin des arguments politiques ou d’opportunité, il est temps de traiter la question de façon factuelle et non pas affective, juridique et non idéologique. Nous emploierons pour être clair le terme de "voile intégral", de préférence à l’une ou l’autre de ses formes régionales, burqua, niquab, et autres, dont les moins perverses ne sont pas les variantes "soft" qui sont une obligation non écrite dans certains quartiers. Les arguties sur le caractère plus ou moins masquant, plus ou moins coranique, etc, dont on débat doctement pour amuser la galerie, sont des écrans de fumée pour une même réalité, et celle-ci porte un nom : discrimination.

Un vêtement, un accessoire, sont des signes d’appartenance religieux lorsqu’ils concernent la totalité des croyants. Pas s’ils n’en concernent qu’une partie : dans ce cas il s’agit de signes de différenciation sociale, et c’est tout autre chose. On pourra croire que le voile est un signe religieux lorsque les hommes le mettront aussi. En attendant, ils n’ont pas à décider à la place de l’autre moitié de l’humanité. Mais la pudeur, alors ? Le mot, qui claque dès que s’entame le moindre débat sur le sujet, est très révélateur : c’est sûr, la pudeur, c’est bien. Mais alors, si c’est important, si c’est une valeur, pourquoi seulement les femmes ? La vérité, c’est que depuis des millénaires, dans les sociétés de type tribal, on exige des femmes qu’elles soient plus "pudiques" que les hommes. Le plus débutant des ethnologues sait que ça tient à la nécessité pour ces sociétés de garantir qu’il se fait le maximum d’enfants, car le groupe doit survivre, et des enfants que quelqu’un d’identifié doit nourrir, donc d’enfants "légitimes". Dans ce contexte, toute tentation du mâle, à qui visiblement on ne fait pas plus confiance qu’à la femme, doit être rendue impossible. La pudeur n’a rien à faire là-dedans, ou plutôt n’est utile que comme prétexte, pour masquer la spécialisation de la femme à la fonction reproductrice. Porter le voile intégral aujourd’hui dans une société non tribale, en tout cas qui ne se veut pas telle, c’est décider unilatéralement que cette société est de type tribal, et en imposer la marque quotidienne. Ce n’est pas différent de l’imposition qui serait faite à un groupe ethnique ou social de porter un signe distinctif. Que celui ou celle qui porte ce signe soit "d’accord", n’est pas pertinent dans ce débat, qui relève non de la "conscience" mais de l’ordre public. Le voile est l’étoile jaune de la femme.

Or, il existe des politiciens, et même hélas des juristes, pour avoir des états d’âme au sujet de l’interdiction des signes discriminatoires, lorsqu’ils se cachent sous le manteau de la religion. Passons sur les politiques, leur position vient de la clientèle qu’ils ont choisi de flatter, et ne reflète donc aucune pensée. Passons même sur le Conseil d’Etat, qui se trompe sur le sujet depuis le début : son avis calamiteux et flou sur les signes ostentatoires à l’école s’est avéré politiquement catastrophique (dix ans de perdus) et juridiquement faux, comme le prouve une situation aujourd’hui claire et apaisée, loin des dangers de "stigmatisation" dont on nous menaçait déjà à l’époque. En revanche, la Commission Européenne et la Cour Européenne de Justice représentent une source d’erreur plus sérieuse en raison de leur pouvoir supra-national, échappant à tout contrôle populaire pour l’une, à toute instance d’appel pour l’autre. Si elles se trompent aussi, ça devient la loi, et tout est perdu. Eh bien non ! Car si c’est un principe constitutionnel constant que les traités dûment ratifiés l’emportent sur les lois nationales, il existe justement un traité supra-européen, qui dit clairement le droit sur cette question : La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée et ouverte à la signature, à la ratification et à l’adhésion par l’Assemblée générale des Nations unies dans sa résolution 34/180 du 18 décembre 1979. Elle a été ratifiée en 1984 par la France, ce qui lui donne depuis cette date force de loi. Aucun autre traité n’est venu la contredire, et elle a été ratifiée par les autres pays de l’Union, comme par la plupart des nations du monde... sauf quelques-unes, devinez lesquelles. L’Iran, au hasard ? Gagné !

Et ce texte est parfaitement clair :

Le voile intégral constitue bien une "distinction" sociale qui entre sans contestation possible dans la catégorie des "coutumes et pratiques" relevant du domaine "social, culturel ou civil" ; notons également que pour être hors la loi une telle pratique n’a pas besoin d’avoir explicitement pour but de compromettre les droits quotidiens et l’égalité : il suffit que ce soit un de ses effets.

Les obligations de la Convention Internationale sont donc claires pour les états qui l’ont ratifiée : la France n’a pas que le "droit" de légiférer sur ces bases, elle y est tenue -et même déjà un peu en retard. Elle doit d’urgence éliminer sur son sol, par des dispositions législatives, une coutume et pratique contraire aux droits de la femme, quelles que soient les arguties qui puissent être avancés pour la justifier.

A l’intention des éventuels chicaneaux, rappelons qu’il ne s’agit pas d’un texte énonçant des voeux à réaliser dans douze siècles si on y arrive, ni d’une "charte" non contraignante qui n’engagerait que l’O.N.U elle-même : c’est un accord international en vigueur, dont la valeur découle de la ratification par les Etats qui l’ont accepté et signé en tant que traité, et dans lesquels il prend statut légal, voire constitutionnel dans la jurisprudence française.

La Commission Européenne et la Cour de Justice seraient donc bien avisées de ne pas se mettre en travers d’une loi qui les dépasse, et si d’aventure elles le font, leur obstruction devra de toute façon être considérée comme nulle de plein droit.


Lire l'article complet, et les commentaires