Vol de fachos en Bretagne

par Damien Perrotin
vendredi 1er mai 2009

La Bretagne a, depuis les années 70, développé un modèle identitaire original fortement ancré à gauche et qui a aboutit en 2004 à l’élection au Conseil Régional de trois membres de l’Union Démocratique Bretonne. Il serait exagéré de prétendre que les relations entre le Parti Socialiste, qui tient la présidence de région sont perpétuellement au beau fixe – ici comme ailleurs l’union est un combat et des groupuscules nationalistes comme le MRC ou l’ineffable Parti Ouvrier Indépendant essayent parfois de faire parler d’eux. Dans l’ensemble, cependant, progressisme, identité et écologie font bon ménage à l’ouest du Couesnon.

Naturellement, cela ne plaît guère à une extrême-droite qui réalise ici ses plus mauvais scores – moins de 3% aux dernières élections législatives. Non seulement la Bretagne est pour elle une terre de mission mais, plus grave encore, elle démontre qu’on peut être enraciné sans sombrer dans des délires racialistes ou islamophobe.

On comprend que l’extrême-droite ait essayé, à plusieurs reprises, de mettre un terme à cette exception bretonne en détournant à son profit le militantisme culturel. Le moins que l’on puisse dire c’est que cela n’a pas été un franc succès.

Ce manque flagrant de réceptivité aux thèses xénophobes ne l’empêche cependant pas de persévérer. Deux de ses initiatives – par ailleurs indépendantes l’une de l’autre – ont récemment fait parler d’elles.

La première a été la constitution à Guerlesquin, dans le Trégor, d’un groupe qui se fait appeler "Jeune Bretagne" mais qui n’est, en fait, que la branche locale des Identitaires. Pour ceux qui ne seraient pas adeptes de la groupusculologie fascistoïde, les Identitaires, mouvance qui regroupes les Jeunesses Identitaires et le Bloc Identitaire, ont été créés après l’attentat de Maxime Brunerie contre Jacques Chirac en 2002. L’organisation à laquelle il appartenait – Unité Radicale – a été dissoute et une partie de ses membres ont constitué autour de Guillaume Luyt une organisation qui allait devenir le Bloc et les Jeunesses Identitaires.

Nous sommes là à la droite de l’extrême-droite, dans le monde des croix celtiques et du grand méchant look. L’organisation développe des thèses ouvertement racialistes et ruralistes. Ils veulent une Europe unie autour des "Patries Charnelles", Europe blanche, cela va sans dire. Leur discours se teinte parfois d’un gauchisme qui peut un temps faire illusion mais qui retombe très vite dans le refus de l’autre et l’islamophobie qui, de Riposte Laïque aux Soraliens est devenue la marque de reconnaissance de la droite dure, affichée ou non.

Le groupe s’est fait remarquer dans le passé en organisant des distributions de soupe au cochon aux sans-abris, histoire d’être bien sure que seuls les "vrais français" en profiteraient. A Saint-Brieuc, ils ont scandé "30,000 expulsions c’est la honte, il en faut 300,000" devant une assistance clairsemée et passablement hostile.

A Guerlesquin, ils ont créé une sorte de centre culturel et associatif dans un ancien moulin et tenté de s’implanter dans les associations locales. Heureusement ces tentatives ont fait long feu. La gauche s’est mobilisée et c’est désormais une franche hostilité qui monte des campagnes avoisinantes.

L’espérance de vie de ce groupuscule sera probablement imitée, d’autant plus qu’ils ont choisi de s’installer au coeur de la Bretagne Rouge, dans le Tégor où l’UDB est fortement implantée et où le Parti Communiste a longtemps été dominant.

Plus dangereuses sont les tentatives du groupuscule d’extrême-droite Adsav pour se racheter une virginité politique. Contrairement aux Identitaires, qui sont des pièces rapportées, Adsav est une création locale, même si la plupart des locaux s’en seraient volontiers passés.

Adsav est né en 2000 lorsque Patrick Montauzier, un ancien membre du FLB a quitté le POBL, un petit parti nationaliste de droite, pour fonder sa propre organisation. Adsav était dés le départ beaucoup plus radicale que les groupuscules droitiers mais soucieux de respectabilité qui l’ont précédé. Il a naturellement sacrifié au folklore des marches en forêt et des serments aux flambeaux et s’est ouvertement réclamé de l’héritage du PNB collaborationniste des années 40.

Depuis le parti a changé de président et son nouveau dirigeant suprême Frederic le Boulder, ayant compris que le folklore scout nuisait à sa popularité a adopté un discours apparemment plus modéré. Bien sûr cette modération n’est qu’apparente. Lorsqu’on lit sa dernière interview sur le site de l’Agence Bretagne Presse on y retrouve tous les poncifs et toutes les références de l’extrême-droite, depuis les "patries charnelles" – jamais vous ne verrez un homme de gauche utiliser ce genre de vocabulaire – jusqu’à la célébration de la mémoire d’Olier Mordrel, le vieux chef collaborationniste compagnon de toutes les extrêmes-droites, du Kelc’h Maksen Wledig au GRECE.

Adsav a décidé de présenter un candidat à l’élection cantonale partielle de Redon, sans doute pour affirmer sa présence face aux Identitaires qui, s’ils n’ont pas le même style, chassent sur les mêmes terres. Les autonomistes démocrates ont semble-t-il décidé de le contrer et de renvoyer définitivement cette relique des années 30 dans les poubelles de l’histoire. C’est l’intérêt de tout le monde qu’ils y parviennent.


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