Vote électronique : s’il est fiable, on saura pour qui vous votez !

par Philippe Hajdenberg
jeudi 19 avril 2007

De fortes suspicions planent autour du vote électronique pour la présidentielle, au moment où près de 1,5 million d’électeurs sur 44,5 millions d’inscrits dans 82 communes françaises s’apprêtent à presser sur un bouton. A Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), le député-maire UDF André Santini, rallié à Nicolas Sarkozy, a lancé le vote « 100% électronique ». Selon le journal « Le Monde », leurs ordinateurs de vote ont été remplacés lundi parce qu’ils n’étaient pas agréés par le ministère de l’Intérieur : un premier dérapage ?

Les experts en sécurité informatique connaissent le vieil adage selon lequel il n’y a pas de système d’information qui soit parfaitement inviolable. Mais au-delà de possibles fraudes, bugs ou défaillances techniques, c’est surtout la question du secret du vote qui pose problème. Comment l’électeur peut-il être sûr que son choix ne sera pas connu ? Le secret et la fiabilité du vote électronique sont-ils vraiment compatibles ?

Ce secret dépend essentiellement de la méthode utilisée pour comptabiliser les votes. Il est préservé uniquement s’il n’y pas d’enregistrement d’un lien entre l’électeur et son vote, autrement dit si aucune traçabilité ne peut être faite par la suite. En principe, le résultat du scrutin sera fiable même si ce processus d’identification et de vote n’est qu’en partie enregistré. Mais dans la pratique, les experts s’accordent à dire que pour sécuriser et garantir pleinement le scrutin, il est nécessaire d’informatiser toute la chaîne de processus et d’ainsi permettre effectivement la traçabilité de l’acte posé par l’électeur. Sans celle-ci, il est impossible de vérifier qu’à chaque vote correspond bien un électeur réel. C’est le classique « a voté » quand l’enveloppe tombe dans l’urne et que l’assesseur nous fait signer à côté de notre nom : l’anonymat est préservé car les deux actions ne sont pas reliées, et cela est très sûr.

Dans les conditions de conformité du ministère de l’Intérieur pour l’agrément des bornes de vote électronique, on peut lire cette exigence : « Secret : aucun vote ne peut être rapproché de l’identité de son auteur » (§ 1.2.3). C’est donc qu’il n’y a aucune traçabilité prévue en ce sens. On peut faire confiance au ministère de l’Intérieur, mais pour les experts, ne pas rendre public le modèle de la base de données, le code source du programme utilisé pour comptabiliser les votes, c’est ne pas garantir que le secret sera effectivement observé. A contrario, si cette exigence de secret est respectée, le scrutin ne sera pas pleinement garanti pour les raisons évoquées plus haut.

Conclusion : avec le vote électronique, seuls deux choix s’offrent à nous : la préservation du secret ou la garantie de sa fiabilité. Ensemble, les deux sont incompatibles.

L’isoloir a le mérite d’être le seul à connaître notre choix, d’être parfaitement discret et de ne pouvoir être piraté : il reste le moyen le plus sûr. A Bruxelles, les électeurs ont une carte sur laquelle tous leurs votes sont enregistrés : adieu les vieux tampons noirs qui ne révélaient rien et qui nous rappelaient, non sans une certaine nostalgie, nos dernières victoires ?

Idéalement, nous devrions tous pouvoir voter par Internet (ce qui aurait aussi l’avantage de réduire le taux d’abstention, notamment pour les personnes qui ont du mal à se déplacer) mais pour toutes ces raisons, ceux qui n’ont pas réellement confiance dans le vote électronique ont sans doute bien raison.


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