Vue de Russie, la France de la « diversité » et des « chances pour… » est-elle encore la France ?

par eric
vendredi 8 juillet 2011

Gros plans sur le Paris de la “diversité”. Où sommes nous ? N’importe ou dans le monde ? Le tiers monde ? Non ! Mais il faut zoomer sur la tour Eiffel pour que l’on devine. « Croyez le ou pas », nous disent les commentateurs Russes, « d’où que vous veniez, quelle que soit la couleur de votre peau, votre religion, en théorie, si vous avez un passeport Français, vous êtes français, à part entière. Mais en réalité », ajoutent-t-ils, « ce n’est pas si simple… »

 Ainsi débute une série d’émissions de la première chaîne nationale de la télévision russe : la France et Qu’est-ce qu’être français ? Le Tour de France, avec Vladimir Posner et Ivan Ourgant, en 12 épisodes de 52 minutes. Pour eux la réponse est assez claire. Nous sommes envahis et la France est en train d’être défigurée…..

Faute d’une version traduite, les images des premières minutes sont parfaitement parlantes.
 
La traduction du titre russe de l’article - ‘’Понаехали в бедным французам черно..пые бездельники’’ - est en revanche difficile. Elle résume en jargon populaire le sentiment profond de nos amis russes….Dans cette riche langue slave, le terme Понаехали Po naiehali, fait référence à « des étrangers arrogants et désinvoltes qui viennent s’installer chez vous sans faire grand-chose et en s’asseyant avec mépris sur vos traditions et votre culture… ».Il se prononce avec une nette nuance d’exaspération. (« Indignés ? ») On pourrait traduire littéralement, « Pauvres français, les c… noirs paresseux occupent la France ».
 
Pourquoi cette insistance sur le « français a part entière » ?
 
En Russie il y a deux mots différents pour les détenteurs de passeports. Les russes (Ruski) et les « Rossianin, » ( russiens ?), Intraduisible aussi. C’est pire que « français de souche ». Vous pouvez ne parler que russe, avoir une famille présente en Russie depuis toujours, être orthodoxe et boire de la Vodka, si vous vous appelez Satouiev, Naibourov ou Noureev (Noms Tatares) aucun russe ne vous confondra avec un russe. Preuve de respect pour la « diversité » ? Pas vraiment. Les russes se considèrent comme de la « glaise » par opposition aux français, plus « grains de sable ». Ils distinguent les « nôtres » (nashi) et les « pas nôtres ». En Russie aussi, en pratique, il vaut mieux appartenir aux premiers qu’aux seconds.
 
La France vue par l’ethnologue et le Persan
 
Vladimir Posner est une star de la télévision sovieto russe. Il est né en France en 1934 dans la clandestinité d’une mère au passeport français et d’un père juif apatride et espion soviétique. La famille fuit aux Etat Unis pendant l’occupation. Chassé par le Mac Carthysme, refusée en France, elle quitte l’Amérique pour Berlin Est. Posner passera les années suivantes en Union soviétique. Il fut le porte parole médiatique du pays pendant la guerre froide puis un symbole télévisuel de la perestroïka. Il ne remettra les pieds en France que 30 ans plus tard. Posner a donc au moins une quadruple culture, Française américaine soviétique et russe. Dans la série, il est le « passeur » : celui qui maîtrise les deux cultures et l’analyste : le journaliste d’investigation formé à l’américaine. Urgant est un jeune animateur TV et acteur de Saint Petersbourg. Il joue le rôle du Russe de base aux réactions spontanée et naïves. Le Persan.
 

 
Au delà des stéréotypes, la confrontation de deux visions impériales.
 
On n’échappe pas à un certains nombre de clichés : Champagne, Mode, Fromages et Saucissons, et avec des majuscules partout s’il vous plait ! Mais c’est néanmoins passionnant parce que l’URSS était, elle aussi, un empire multinational. On rabâchait à ses peuples qu’ils étaient tous des citoyens soviétiques, mais ils ne le croyaient pas vraiment. Pourtant, dans une certaine mesure, c’était assez vrai. Il existait un « Homo Sovieticus ». Les français sont restés longtemps convaincus qu’effectivement, dés lors qu’on avait un passeport, on était un français à part entière, alors qu’effectivement, en pratique, ce n’était sans doute pas si simple. 
 
Les uns et les autres donnent aujourd’hui le sentiment de découvrir les limites de leurs modèles respectifs. C’est sans doute le regard qui a changé plus que la réalité. La confrontation de ces deux visions a la fois impériales, universalistes et, aujourd’hui, doutant d’elles mêmes, est vivement intéressante.
 
Chacun pourra y butiner. « Si même les étrangers trouvent que nous avons trop d’étrangers, alors , oui, nous avons un réel problème ! » Ou, au choix, « si les étrangers de passage sont fascinés par des modes de vie qu’ils nous envient, par la force et la richesse de notre culture et de notre identité, au combien plus encore ceux qui vivent chez nous devraient ils finir par les adopter ! »
 
Quelques fils directeurs de la série
 
Les comparaisons avec la Russie, évidemment, mais aussi avec les Etats-Unis.
 
La précédente série se déroulait aux USA. Dans l’ensemble, elles nous sont plutôt favorables. La France apparaît aux russes comme un « milieu d’or ». D’un coté, le monde anglo saxon ou chacun vit dans des règles claires et assez strictes, y compris intérieurement. De l’autre la « liberté intérieure russe » qui fait qu’on ne peut jamais savoir ce qu’il y a au fond d’un russe.
 
C’est une des dernières russes blanches encore née en Russie qui le leur révèle.
« Pourquoi ces affinités entre la France et la Russie ? » 
« C’est une histoire de proximité intellectuelle mais aussi de caractère. Mais, êtes vous américain ou français ? »
« Quelle différence ? Disons américain ».
 « Elle est énorme ».
 
Sous entendu, un américain ne saurait comprendre la liberté russe. Un français, lui, pourrait la soupçonner ?
 
Nous voila fixés. Pour les russes, nous sommes quelque part a mi chemin entre l’est et l’ouest !
 
Truisme géographique me direz vous, mais encore ?
 
Suivant le principe du pessimiste et de l’optimiste et de la bouteille à moitié pleine ou vide, toute la série peut se comprendre de deux manières.
 
Les déclinistes pourront comprendre que nous sommes presque aussi bureaucrates et bordéliques que les russes mais à coût plus élevé et sans le gaz. Presque aussi ultra libéraux que les américains avec la richesse en moins et la sécurité sociale en plus.
 
Les optimistes au contraire, concluront qu’il fait globalement bon vivre en France, pays de la mesure, du juste milieu et de l’équilibre. De l’Art de vivre et du Savoir Faire…..
 
Les russes, eux, ont fait leur choix. Mais pour ne pas tomber dans un optimisme excessif, signalons que pour eux, le type même du génie français, alliant une fantaisie débridée à une logique rigoureuse, c’est l’invention du Velib…..
 
Au temps pour la France des droits de l’Hommes ! Mais il est vrai que pouvoir mettre des vélos en libre service dans la rue, sans qu’ils soient immédiatement volés ou dégradés, comme ce serait peut être le cas en Russie (les russes le pensent) donne l’image d’une société globalement apaisée et policée.
 
Les souvenirs d’enfance de Posner.
 
Sa naissance dans le 16 eme, ses vacances à Biarritz, sa fuite depuis Marseille. Quand il explique aux russes l’occupation, le Vichysme, quand il échange avec Juliette Greco, Marek Halter, il est de plain-pied avec l’histoire de France et avec son histoire personnelle. Cela donne une touche intimiste mais aussi un poids particulier à ses questions comme à ses propres réponses.
 
La fraîcheur du ton. Le politiquement correct n’en est qu’a ses tout débuts en Russie.
 
On sait que les babushka orthodoxes (grand mères) ratonnent les Gay Pride à grand coup d’icônes, sous l’œil attendri des OMONs (sorte de CRS locaux, dont l’appellation en cyrillique, déchiffrée dans un rétroviseur se lit HOMO !) et avec l’approbation des autorités pour lesquelles l’homosexualité, je cite : « n’est pas favorable au redressement démographique du pays »...
 
Dans l’ensemble, les russes restent assez éloignés des grandes modes intellectuelles occidentales. Ils disent les choses comme ils les voient et les pensent.
 
Les deux animateurs portent donc sur notre pays un regard, neuf pour nous, amoureux certes, mais dans l’ensemble sans complaisance.
 
Ce qui surprend quand on a l’habitude des medias français, ce sont des questions qu’on a pas le droit de poser, des réponses qu’on a pas l’habitude d’entendre, des images qu’on a pas l’habitude de voir.
 
L’écologie et le multiculturalisme ne les convainquent pas.
 
Les Enfants de Tchernobyl, sont fan du nucléaire à la française !
 
La fine équipe va visiter La Hague, puis interviewe un militant anti nucléaire. Conclusion, les français sont très fort. Leur système nucléaire est remarquable. Ils ont le sens de l’anticipation à long terme. Les écolos ne sont pas convainquant. Pourquoi se battent ils contre les centrales quand la voiture tue plus, directement et indirectement ? Ah, si nous avions en Russie une filière nucléaire aussi sure et performante !
 
Il y a trop d’étrangers !
 
Le Marseille de 2009, n’est plus celui de 1942. Posner n’est clairement pas enthousiasmé par la différence. « Les français peuvent dire ce qu’ils veulent, et faire semblant d’y croire, nous ne sommes pas persuadés des beautés du multiculturalisme ».
 
Les russes qu’ils rencontrent, Les jeunes étudiants sibériens à Polytechnique par exemple, sont sur la même longueur d’onde « Zeymourienne ». "Il y a trop d’étrangers d’où, vols, insécurité et dégradation culturelle"….Sainte Marie de la mer : (sur un ton de tranquille évidence) « tous le monde sait que les Tziganes ne travaillent pas. Donc c’est qu’ils volent. Et en plus, les français leur financent des places de camping…. !
 
Une exception : un Légionnaire russe : pas de français, pas d’étrangers, que des légionnaires ! » Un modèle pour une société harmonieuse ?
 
Les russes furent très frappés par les images de nos émeutes urbaines plus ou moins ethniques. Tous les touristes russes vous font des réflexions sur « l’envahissement » de la France. Chez eux, un africain dans la rue, cela reste d’un exotisme torride. Ils reviennent de Paris atterrés et ils nous plaignent ! Posner confirme. Pour lui, la France n’a pas su décoloniser pacifiquement comme l’Angleterre, elle a été virée par ses colonies. Pour se faire pardonner, elle a ouvert grand ses portes et elle se perd elle-même.
 
Toutes ces opinion sont d’ailleurs largement partagées par la plus part des nombreux migrants qu’ils interviewent. Ils se sentent français. Posner est un peu sceptique. Et pourtant ! Un animateur social d’origine algérienne lui explique qu’il ressent profondément l’insécurité. « Le fait d’être Arabe ne change rien. Ce sont les « jeunes » qui sont intenables…. » Bel exemple d’intégration…Un français d’origine africaine lui fait part de ses difficultés. « Oui, il y a du racisme ». Ses filles se sentent françaises, mais elles doivent à chaque fois faire leur preuve et elles fréquentent surtout des noirs… Mais incidemment, on apprend que ses 4 garçons sont mariés à des compatriotes blanches. Un président Noir ? Peut être demain, un de mes petits enfants métis…
 
La France, un modèle pour la Russie ?
 
En attendant, les, russes, sont confrontés à leurs propres « diversités » : La résurgence de l’Islam chez certains des « russiens ». L’arrivée de travailleurs des anciennes républiques soviétiques. Ils se demandent comment réagir. Cela est très nouveau pour eux dans la forme actuelle. D’ailleurs, ils utilisent souvent le mot allemand faute d’un équivalent soviétique. « Gestarbeiter ».
 
Les longues explications enthousiastes sur les tenants et aboutissants des lois successives sur le voile laissent penser qu’il y a de fortes chances qu’une fois de plus, la Russie cherche l’inspiration auprès de la « France des lumières….. ». D’autant plus paradoxal, que la bonne russe orthodoxe se ballade souvent en foulard et ne saurait en aucun cas pénétrer dans une église sans son « voile »
Evidemment, « quid de la tradition de la liberté en France ? » Mais on sent que là aussi c’est presque un nouveau reproche aux étrangers. « A cause d’eux, la France est contrainte de renier ses propres traditions d’ouverture et de tolérance…. »
 
 La Russie un modèle pour la France ?
 
En matière de « diversité », les russes sont très en avance sur nous. En gros, je ne connais pas un russe qui ne soit mâtiné d’autre chose. Même, surtout, les plus racistes. En dehors de la vodka et de la bouillie de sarrasin, et encore, il n’est pas une spécialité dite « russe », qui ne soit d’origine « étrangère » du bortsch ukrainien a la salade Olivier française, en passant par le chachlik caucasien. Tout le monde cohabite, mais cela ne saurait se concevoir que dans un strict respect de la « grande culture du grand peuple frère russe et de sa grande langue ». Y mettre un minimum d’obséquiosité ne nuisant nullement au caractère chaleureux des relations interethniques. Sur bien des églises orthodoxes, cela est symbolisé par la présence d’un croissant islamique sous la croix. L’islam a toute sa place en Russie, qu’on se le dise : A la botte !
 
 La recherche du religieux leur parait être une étape obligée de la définition de l’identité nationale.
 
 Pour des russes, c’est une évidence, la religion est liée à l’identité nationale et vice versa ! L’émission s’attarde donc volontiers dans les lieux de culte. Posner est un adepte d’un « athéisme positif ». Il nie être vraiment militant, mais il réaffirme régulièrement ses convictions. Passage à Notre Dame de Paris ou il fut baptisé..., la tombe de Thomas d’Aquin à Toulouse, mort sur le chemin d’une éventuelle réconciliation avec l’orthodoxie. 
 
Lourdes ! Posner est physiquement mal à l’aise face aux souvenirs et autres Saint sulpiceries, l’argent, les « superstitions ». Il ne le cache pas. Mais il montre aussi la somme des dévouements, donne la parole aux pèlerins, aux malades, aux prêtres. Quel contraste avec nos propres medias !
 
Comme tout français, j’ai entendu parler du pèlerinage de Lourdes. Jamais je n’avais vu, en France, un reportage montrant à quel point c’est un événement de masse.
 
La manière dont les problématiques religieuses sont maniées avec des pincettes, voire occultées dans les medias et les débats publics français contraste très fortement, et pas en bien, avec la place qui leur est accordée dans les débats équivalents en Russie, même par des journalistes plutôt hostiles. Oui, ce sont de vraies questions et les censurer ne pourra qu’entraîner leur résurgence dans des termes pas nécessairement apaisés.
 
L’attachement des français à leur histoire nationale et familiale : mémoire, continuité ou stagnation ?
 
En URSS, tout a été fait pour éradiquer le passé physiquement comme symboliquement
 
Il est rare qu’un russe ait des idées précises sur sa famille au delà de la troisième génération. Posner est fasciné par l’attachement des français à leur histoire. On navigue de musée en artisanat d’art, de célébrations en son et lumière, de souvenirs de famille en espoir de transmission. La leçon récurrente pour le téléspectateur russe : Pour avoir un avenir, il faut connaitre son passé. Pour le français ? Qu’est ce que nous le connaissons bien ! Peut être gagnerions nous même à nous tourner un peu plus vers l’avenir ?
 
Mais ce n’est pas tant en réalité l’histoire qui est en jeux que la continuité. Etre russe aujourd’hui, c’est ne pas savoir de quoi demain sera fait. Vivre dans l’instant avec tous les charmes mais aussi l’insécurité que cela implique. A Blois, Posner retrouve un café ou il est passé il y a 30 ans lors de son premier retour en France. C’est toujours la même famille. Ah ! Ce n’est pas Moscou ou les enseignes changent en permanence !
 
Stabilité et continuité ou immobilisme et conservatisme ?
 
 Le faible niveau de matérialisme des français…. !
 
L’URSS fut philosophiquement matérialiste. La Russie l’est désormais économiquement. La France le serait peu. Ils n’en reviennent pas. D’autant que l’idéologie officielle, c’est que « l’âme spirituelle russe » s’oppose au matérialisme occidental ».
 
Pour le vigneron, ses vignes sont moins une réalité économique qu’une passion. Les deux russes essayent d’évaluer la valeur du vignoble et Urgant ne comprend pas que le propriétaire continue à travailler. Il pourrait vendre et vivre très largement, lui et ses descendant.
 
Les « femmes françaises s’intéressent a l’argent, comme toutes les femmes (sic) », mais elles préfèrent encore un « homme qui parle bien » à un « homme riche ». « Les français jouent, mais pas pour de l’argent, juste pour la tournée ».
Cela pourrait paraître positif, mais dans l’esprit russe, il y a aussi le sentiment d’une certaine mesquinerie, voir avarice. Avare comme un français est un proverbe russe…. (En réalité, c’était pour ne pas dire radin comme un juif, mal vu en l’URSS. On nous explique que comme « la loi interdit les anecdotes sur les juifs les noirs et les arabes », les français eux, en sont réduits à raconter des histoires belges…)
 
 Modeste et de bon goût.
 
Les russes adhèreraient bien au bon goût, mais ne sont pas vraiment adeptes du modeste. Depuis une « Grrande Rrrussie », ou tout est « grrand », ils ne comprennent pas vraiment comment avec leur « petites voitures, leur petites maisons leurs petites villes leurs petites femmes, leur petits plats, leur petits salaires, les français peuvent globalement donner l’impression d’être heureux.
A quoi cela sert il de gratter à longueur de journée une terre qui vaut 90 millions d’euro si c’est pour ne même pas rouler en Rolls ? Interview de Bocuse : vous êtes un grand artiste !? Non, je suis un modeste artisan qui aime le travail bien fait.
 
Les russes rêveraient d’une France plus bling bling ? Peut être. D’ailleurs, ils cherchent vainement un vrai d’Artagnan, flambeur et flamboyant, un Portos avec son baudrier plaqué or. France Rollex ! Ou es tu ?
 
 Des interviews, de personnalités comme d’inconnus, mais d’une grande variété et qui parlent (presque) vrai :
 
Au nombre des personnalités, que du beau monde, Sophie marceau, Alain Dominique Perrin, Marek Halter, Juliette Greco, Chevènement, des maires, des députés, des artistes, des entrepreneurs, des militaires des journalistes
 
Les français aiment les russes. Du coup, on a le sentiment qu’ils se « lâchent » et sortent un peu des langues de bois habituelles. Assez rafraîchissant. Le propriétaire de la Romanée Conti leur ouvre ses portes, parait il pour la première fois a une télévision. « Recevrez vous un jour la TV française ? » « Jamais, ou en dernier ! » Les choses importantes, on ne prendrait pas le risque de les raconter à des journalistes français. Qu’est ce qu’être française ? Pour Sophie Marceau, c’est être, à la fois une bonne maman, une bonne maîtresse de maison et une bonne épouse…L’aurait elle dit dans ces termes sur une chaîne nationale ?
 
Une constante : tous, ne sont pas peu fiers d’être français….
 
L’art de vivre et le savoir faire. Cela revient en boucle. C’est très vrai. Mais par moment, cela en devient presque gênant de nombrilisme et d’autosatisfaction. D’auto persuasion ? On veut apprendre aux « barbares russes » comment il est de bon ton de vivre. Comment boire son Champagne….
 
Un producteur de vin porte un toast. Aux honorables hôtes étrangers, comme en Russie ? Pas du tout, c’est à la Bourgogne et à ses vins ! Qu’ils vivent à jamais !
Même en faisant la part du coté dépliant touristique, on a parfois l’impression que les français sont de bons vivants qui passent leur temps à faire la fête, et à picoler. Mêmes nos manifs donnent un peu cette impression ! C’est vous dire !
 
Plus d’un interviewé, quand on lui demande ce que sont la France et la culture française, répond par le pinard. Par moment, on en viendrait à penser que la passion gastronomique et viticole cache peut être d’autres vides plus existentiels comme l’amour du passé pourrait cacher une appréhension de l’avenir.
 
La meilleure définition est donnée par un Héritier de la Maison Hermès. « Etre français, c’est être persuadé qu’il n’est pas de sort plus enviable dans le monde, vouloir le faire partager au reste de l’humanité et être capable de rire de cette conviction ». A la fin, c’est l’humour qui nous sauverait d’une certaine arrogance. Problème : ce n’est pas vraiment le fort des russes. Mais ils nous aiment tellement qu’ils nous pardonnent, même si ils n’en pensent sans doute pas moins…
 
 Tous fiers ? Oui !
 
Les basques, les bretons, les marseillais. Et les migrants ! Du reste, preuve de leur intégration, ces derniers résument l’ambiguïté de leur double appartenance dans des termes parfaitement français. « Nous faisons le ramadan, nous ne mangeons pas de porc, mais nous buvons du vin ! Comme si les différences théologiques culturelles et civilisationelle entre islam et occident étaient avant tout question de gastronomie !
 
A la fin cela tourne au modèle systématisé. On est Basque, Breton, russe, algérien ET français. Le deux compères finissent même par croire, au vu des doubles noms des rues, que l’occitan existe encore vraiment et que les toulousains sont occitans et français.
 
C’est vrai que cela ne conviendrait pas mal à la Russie. Le problème, c’est que les tatares sont tatares et « rossianin », pas tatares et Russes.
 
 Un bémol la Femme Française : ne pas nous endormir sur nos lauriers.
 
Consensus : En Russie, ce n’est pas le grand amoureux français qui fait rêver, mais La Française. Bon, sur le terrain qu’en est-il ? « Elles sont quand même en moyenne moins grosses que les américaines ». « Comparées au Russes ? Pas terribles ». « Oui, mais quel Charme ! » Notre propagande fonctionne encore pas mal. Et de partir à la chasse aux « charmantes »…
 
A grand peine, ils en trouvent deux qui auraient le profil. Ce sont des italiennes…
Peut être vivons nous un peu trop sur nos acquis ?
 
Paradoxalement, alors que les observateurs russes semblent avoir des positions très sensiblement à droite de celle du front national, ils nous montrent une France dotée d’une identité en béton armé et ou au final, les choses ne se passent pas si mal.
 
Et puis vient le moment de vérité. Et les russes dans tous cela ? Et Posner ?
 
Parce que tant que l’on parle des autres, on peut se permettre approximations et interprétations. Mais quand on parle de soi même…
 
Trois moments forts.
 
L’orchestre de balalaïka des russes blancs quatrième génération.
 
Ils parlent tous russe. « Vous vous sentez russes ou français ? » Longue hésitation, « Russes oui russes. Mais nous sommes français, juste pas tout à fait comme les autres et c’est très important ». « Oui mais vous parlez français entre vous ? » « Oui, mais on est russes quand même ! ». Et puis la question centrale, celle qui révèle tout, qui dissipe tous les faux semblant, les réponses de circonstance ou de courtoisie. « Dans les matche de foot, vous êtes pour la France ou pour la Russie ? » « Pour la Russie pour la Russie ! ».
 
 Oui mais voila. Au match France Russie, ils jouaient de la balalaïka dans la tribune VIP. Quand la Russie a gagnée, ils étaient pour la Russie, certes, mais en même temps, ils se sentaient coupable d’avoir battu la France…
 
Cela rappel le moment de bravoure dans « la promesse de l’aube » de Romain gary. Un juif polonais critique devant lui les officiers polonais patriotes, leur « honour polski » et leur antisémitisme congénital. Dans son polonais sans accent, hérité d’une enfance a Varsovie, Gary, lui-même juif, le remet vertement a sa place : « Etant lui-même un patriote polonais, il ne saurait tolérer que l’on dise du mal de cette grande nation amie de son pays, La France. »
Un peu de mal à s’y retrouver ?
 
Tous les autres russes blancs interviewés quand on leur demande si ils vont en Russie, si ils souhaiteraient y vivre, disent en substance avoir pas mal fréquenté ce pays de toutes leurs espérances dans les années 90. Par la suite, ils ont pris progressivement leurs distances. Ils sont un peu déçus par les évolutions…. Tu parles ! Je les ai vu arriver et repartir. En réalité, pour beaucoup d’entre eux, ils ont découvert que même sans le communisme, la Russie ne deviendrai pas la France et ils ont fait un choix…
 
Si l’Algérie avait gagné le match ou fut sifflé la Marseillaise, je soupçonne que certains beurs auraient été fiers pour elle, mais malgré tout, au fond, sans le dire peut être, un peu triste pour la France. Leur pays. Mais bien sur, je peux me tromper.
 
Et Posner et Urgant ?
 
Les votes les plus convainquant sont ceux que l’on exprime avec ses pieds. Sur les bords de Loire et dans la « douceur angevine », Posner se confesse. Il veut achever son chemin en France.
 
Oui mais pourquoi ? Il cite Du Bellay, « France, mère des Armes des Arts et des Lois ». Il aurait aussi bien pu citer « Heureux qui comme Ulysse », car en vérité, il a fait un beau voyage. Il a traversé le 20eme siècle au cœur des grandes cultures mondiales et a la fin, il choisit la France. Même réputée en passe d’être défigurée par les « invasions barbares ». Il reconnaît encore sans peine son visage…. Plus son petit Lyré que le mont des oiseaux (ex mont Lénine a Moscou) ?
 
Mais est ce pour les arts et les lois ou parce que la France est, somme toute, une confortable maison de retraite ?
 
Et Paris ?
 
Assis à la terrasse d’un café, Posner résume : « c’est cela être parisien, prendre son petit noir le matin avec ses voisins de quartier et bavarder. Urgant :
« Vladimir Vladimirovitch, Eh ! Vladimir Vladimirovitch ! Est ce que j’ai l’air d’un vrai parisien ? » « Montrez vous de profil ? », « Non ! (Sans illusions et légèrement agressif) de profil, je sais très bien à quoi je ressemble. Mais de face ? » « Oui, toute personne qui est assise le matin dans un café est parisienne, c’est cela Paris, la France ! ».
 
Pour nous, cela n’a l’air de rien. Mais avec ou sans passeport, baptisé ou non a Notre Dame, il n’y pas un russe qui ne sache qu’Urgant et Posner, de face comme de profil, ne sont pas russes et ne sauraient l’être. Ils sont juifs. Et, circonstance aggravante, membre de l’élite intellectuelle juive.
 
Et oui, sans doute, ils sont des vrais parisiens, comme d’ailleurs les « diversités » (si on est de gauche) ou les « chances pour la France » (si on est d’une certaine droite) qui sont attablés à la même terrasse. D’ailleurs, ils ne les remarquent même plus. Pas plus que chez FonFon, ( « spécialité ancestrale de Bouillabaisse ») ils ne semblaient avoir remarqué que si le patron est bien un descendant du fondateur, le cuisinier, lui, est africain…
 
A la fin du voyage, le regard russe s’accommode à la réalité française ?
A chacun de décider si la bouteille est a moitié pleine ou vide.
 
Paris sera toujours Paris !
 
C’est, entre autre, le titre d’une BD d’anticipation de Gérard Lauzier, ou l’on voit des parisiens, aux prix de grands efforts et difficultés, parvenir a s’intégrer…. a la culture émigrée…(« depuis que mon mari s’est convertit a l’islam, ses ouvriers musulmans n’essayent presque plus de le sodomiser dans les vestiaires… »).
Mais Lauzier est aussi le scénariste du film, « Le plus beau métier du monde » dont la thèse lucide et optimiste est que « oui, c’est dur, parfois même très dur, mais qu’on y arrivera ! » (À vivre ensemble).
 
 Des russes, issus de l’homogénéité culturelle de façade soviétique, portent sur une France qu’ils jugent envahie, un regard inquiet. Personnellement, j‘ai trouvé dans leur émission, beaucoup de raisons de voir l’avenir avec optimisme. En deux trois générations, nous avons « bouffé » une élite intellectuelle russe armée d’une riche culture et « d’une âme tellement différente de la notre ». L’émigration actuelle arrive avec un faible bagage de diplômes. Elle oublie généralement sa propre langue des la seconde génération. Elle se trouve très vite fascinée par nos habitus et notamment nos fixations alimentaires. Même les manifestations pour le voile sont peut être un signe d’intégration. Ou, dans un pays arabe, des fondamentalistes enverraient ils des femmes défiler dans les rue, même bien encadrées, pour exiger un libre choix, fusse-t-il celui d’être voilées ?
 
 Contre les partisans de la « diversité », contre ceux des « chances pour », contre les russes, je crois que la France, avec toutes les difficultés qu’implique le processus pour tous le monde est bien partie pour réussir l’intégration.
Passeport ? Double nationalité ? Triple appartenance ? Nos russes, comme beaucoup de français sont passé à mon avis à côté de l’essentiel. Lino Ventura n’a jamais voulu être français. Amilakvari a toujours souhaité rester apatride. Qui douterait qu’ils furent des « nôtres » (nashi) ?
 
 Oui ! Paris sera toujours Paris mais, n’en déplaise aux russes, pas principalement par la grâce de la Tour Eiffel….
 
http://en.wikipedia.org/wiki/Vladimir_Posner
 
http://en.wikipedia.org/wiki/Ivan_Urgant

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