L’école des conférenciers…

par C’est Nabum
samedi 27 avril 2024

 

Du pontifiant à l'affranchissement.

 

Se rendre à une conférence peut devenir une aventure pour le malheureux spectateur qui tombe inopinément sur une séance durant laquelle, les divers intervenants se font un malin plaisir d'accumuler les chausse-trappes, les travers, les maladresses et les pièges de cet art délicat de la vulgarisation grand-public. Sans dévoiler l'occasion durant laquelle il me fut permis d'assister à ce numéro de haute voltige accumulant une grande partie des éléments qui vont suivre, je me dois d'en narrer les grandes lignes afin d'éclairer les béotiens en la matière.

À tout seigneur tout honneur puisque nul conférencier qui pense se respecter ne s'en prive, abordons le délicat problème du matériel. Le couple ordinateur – vidéo projecteur est la clef de voûte de la prestation qui se respecte, c'est du moins devenu l'alpha et l'oméga de la pratique. Le préalable incontournable est d'essayer les connexions, vérifier le matériel et s'assurer que la projection permet à tous de voir les images. Je vous fais grâce des possibles en la matière jusqu'à voir des conférenciers se contenter d'une clef USB pour découvrir un peu tard que son logiciel n'est pas compatible avec le matériel local…

Se faire entendre et donner à voir et à comprendre. Ce devrait être la clef de voûte d'une prestation qui s'adresse à un public d'amateurs qu'il convient d'éclairer. Là nous touchons du tympan le roi des écueils de la pratique : le microphone semble être un objet totalement inconnu dans le cursus d'un universitaire (c'est souvent le diplôme qui fait le conférencier invité).

Rares sont ceux qui savent le tenir, plus rares encore ceux et celles qui ne le perdent pas de vue quand ils manipulent autre chose. Le spectateur doit se contenter de bribes d'explications, attendant que par miracle le micro passe à portée de voix. Enfin, lorsqu'il y a des questions dans le public et bien sûr, aucun autre microphone, seul une partie de la salle entend la question et doit se satisfaire éventuellement d'entendre la réponse.

Mais tout ceci ne serait que broutille s'il n'y avait pas les défauts rédhibitoires de la pratique et pourtant pratiquement systématiques. Commençons par l'ouverture de l'ordinateur, outil qui attesterait sans nul doute, de la modernité de l'utilisateur si la suite ne semait pas le doute dans les esprits. Parfois, la page s'ouvre en plein écran sur une photographie personnelle, souvent les petits enfants, ce qui pose un problème éthique.

Puis, il convient de trouver le précieux document, celui qui va mettre en scène les carences techniques et organisationnelles de l'opérateur. La recherche peut conduire le spectateur, bien malgré lui, à découvrir la forêt primaire que constitue l'arborescence d'un bureau et l'impréparation patente de la séance.

La fameuse présentation trouvée, c'est alors la porte ouverte à une présentation en arcane avec une souris qui n'en fait qu'à sa tête pour ouvrir les documents dans un ordre souvent aléatoire quand, cerise sur le gâteau, nous découvrons mais un peu tard, que c'est une ancienne version incomplète qui est apparue par mégarde (mais si, ça arrive !).

Pour fermer le sujet inépuisable de l'incontournable et détestable PowerPoint, les spectateurs auront bien souvent droit à une redite en écho entre les textes affichés à l'écran et ce que dira un conférencier cousin humain du Gris du Gabon. C'est là un exercice qui finit par lasser d'autant plus quand le présentateur, pour lire à haute voix ce que nous voyons tous, nous tourne le dos !

Puis il y a ceux qui parcourent à la lettre une feuille placée devant eux. Dans ce cas, c'est la samaritaine de la lecture à haute-voix. Il y a les lectures expéditives pour boucler une présentation trop dense dans le temps imparti. Il y a les bafouilleurs chroniques, les erreurs de lecture, les changements inopinés de ligne, les erreurs de page pour des documents qui n'ont pas été pensé pour l'exercice en question : police trop petite avec un éclairage insuffisant. Ces pratiques supposent la position assise d'un intervenant qui relève essentiellement du répétiteur.

Tout ceci ne serait rien si la confusion ne venait s'ajouter aux imperfections. Il y a le grand spécialiste qui oublie de tenir un langage simple compréhensible par tous. Il a au moins le mérite de nous en apprendre même si nous ne parvenons pas toujours à saisir l'essentiel. Il y a encore celui qui a perdu de sa superbe, qui s'emmêle les pinceaux, multiplie les bafouillements, présente un exposé sans structure et se perd dans des détails tandis que personne n'ose lui signifier l'immense ennui d'une intervention sans cohérence ni intérêt.

Tout cela ne serait rien s'il y avait les erreurs manifestes, les informations erronées, les commentaires manifestement faux à propos d'une image prise pour une autre ou la regrettable confusion entre une projection entre amis et une conférence prétendument sérieuse. Dans ce contexte, quand survient une personne qu'on presse de finir pour laisser la place aux sommités soporifiques et qui s'adresse au public face à lui, debout, sans lire ses notes et en détaillant des images sans lire les légendes, on en vient à regretter que son brillant exposé soit si court.

Mais hélas, cette personne n'a pas à se prévaloir de publications scientifiques, d'une thèse savante, d'un professeur à la grande notoriété et de distinctions honorifiques dans le monde des lettres et des sciences. Seuls les importants neurasthéniques peuvent ainsi occuper la parole et nous tenir un crachoir des plus mal maîtrisé.

À bout de patience, le spectateur à qui pourtant les organisateurs avaient réclamé un droit d'entrée, se sauve en maugréant sans même avoir la possibilité de réclamer un légitime remboursement. Proposer des conférences exige au minimum que celles-ci soient à la hauteur des prérequis élémentaires de la pratique. J'ai vidé mon sac à venin après une journée où tout ce que j'ai décrit maladroitement s'est effectivement déroulé.


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