Yahvé, Jésus, Ursula et les autres

par Jacques-Robert SIMON
mercredi 3 juillet 2024

 

Un dirigeant souhaite diriger. Il n’a que deux moyens à sa disposition : vaincre ou convaincre. Le premier nécessite de déterminer puis d’utiliser les failles de l’ennemi, il en devient un identique. L’autre nécessite une extraordinaire puissance de l’exemplarité couplée avec de constantes tentatives pour élever le niveau de conscience de tous.

La vie est à la fois robuste et fragile, elle est détruite aussi bien par des excès d’ordre que de désordre comme l’eau qui se fige ou qui s’évapore. La tentation est grande de peinturlurer le réel afin qu’il ressemble à ce que l’on croît.

Yahvé, le maître absolu, celui dont le nom ne peut même pas être prononcé, a édicté une suite de commandements et de directives que ses fidèles devaient suivre sous peine de châtiments nombreux et cruels. « Je suis celui qui suis » fit savoir les règles que l’on devait suivre sans même toujours les comprendre. Voici les animaux terrestres que vous pourrez manger. Tout animal qui a un sabot fourchu, fendu en deux ongles et qui rumine, vous pourrez le manger. Vous tiendrez pour impur le chameau, bien que ruminant, car il n’a pas le sabot fourchu tout comme le lièvre. Le porc qui a pourtant le sabot fourchu est impur car il ne rumine pas. Voici les oiseaux que vous tiendrez pour immondes : le vautour-griffon, le gypaète, l’orfraie, le milan noir (et certains rouges), le corbeau, l’autruche, le chat-huant, la mouette, les éperviers.

Les sanctions, toujours sévères, peuvent être brutales selon le sujet. Tu ne laisseras pas en vie la magicienne. Celui qui s’accouple avec une bête sera mis à mort. Qui blasphème le nom de Yahvé devra mourir, la communauté le lapidera. Les instances divines ne fournissent pas seulement un sacré, un arbitraire indépassable pour tous, elles donnent aussi un prêt-à-porter pour le comportement de tous les jours : les préconisations sont précises, quantifiées et constituent beaucoup plus qu’une norme, des obligations absolues. L’Homme n’a qu’à suivre les préceptes, toute réflexion personnelle est non seulement inutile mais interdite.

Autres temps, autres mœurs, peut-on dire ! Pas tant que cela ! Il suffit de jeter un coup d’oeil sur ce qui est imaginé puis imposé par une commission aussi prolixe qu’insaisissable tant elle réside dans un Monde que personne ne connaît, celui des chiffres, des nombres, des tableurs, des algorithmes, des petites compromissions et des grandes lâchetés. Un exemple est donné, insignifiant en soi, mais illustratif de ce qui se passe dans tous les autres domaines réels ou imaginaires.

Une haie est une unité linéaire de végétation ligneuse de longueur et de largeur variables, de largeur inférieure à 10 mètres. La haie jouant un rôle important pour la prévention des risques naturels et la nidification, ceci exclut toute taille entre le 1er avril et le 31 juillet. Toutefois, la taille d’une branche est possible, si elle touche une clôture électrique par exemple. Le non-respect de taille entraîne une réduction de 3 % sur le montant des aides PAC (Politique Agricole Commune). Les infractions sont également passibles de 3 ans de prison et d’une amende pouvant aller jusqu’à 150 000 euros. En dehors des périodes citées, l’arasement des haies ne peut se faire qu’après réflexion ( études d’impact, possibilités de coulées de boue…). Le 24 janvier 2024 une directive visant à bannir les mensonges écologiques a été promulguée.

Le pur et l’impur sont donc définis avec toute la précision nécessaire. Un habillage par les chiffres est fait pour le rendre suffisamment inaccessible au commun des mortels. On n’essaie pas de faire en sorte que les citoyens soient instruits et suffisamment éduqués pour être autonomes, ils devront être obéissants en appliquant des directives faites par plus intelligents qu’eux, mieux documentés qu’eux, même si ces nouveaux prêtres n’ont jamais mis les pieds dans un champ. Cette passion de la quantification ne recule pas à traiter les Hommes. On paye pour les kurdes se battent à notre place contre une armée terroriste, on paie des ukrainiens pour qu’ils fassent vivre et prospérer les idées que l’on chérit, on verse des subventions à des turcs pour qu’ils contiennent des foules dont on ne veut pas. A cet égard, le prix du migrant a été fixé à 20 000 euros si un pays décide de ne pas l’accueillir.L’argent peut tout acheter sauf l’honneur, le courage, la probité et tout ce qui relève de l’âme.

Il y a cent façons de nommer les deux phénomènes essentiels et indissociables qui permettent de donner une image du réel : le quantitatif vs le qualitatif, le temporel vs l’éternel, le matériel vs le spirituel, le visible vs l’invisible… ou d’une façon plus correcte mais qui attire les sarcasmes, l’Amour et l’Argent. Ce dernier peut permettre de tout construire mais il laisse dans ‘inconnu quoi : le comment sans le pourquoi ! Dans les deux textes qui précèdent, bien que découlant d’idéologies n’ayant rien à voir, il ne s’agit que d’imposer à l’Homme une volonté jusque dans les plus petits détails, la seule éducation qui subsiste consiste à formater les esprits pour qu’ils s’adaptent aux contraintes imposées. L’intelligence personnelle est une gêne pour enrégimenter les troupes, on fera appel aux sentiments, aux émois, aux peurs pour que les masses aillent dans le sens désiré, le nombre doit l’emporter sur le bon sens. Pourtant plutôt que de croire aux vertus de la soumission, à la pertinence sans égale des chiffres pourtant si facilement falsifiables, on peut croire en l’Homme… même si on se trompera souvent.

La Bible réunit ancien et nouveau testament dans un même sacré. Pourtant ils n’ont rien de commun. Jésus ne se distinguait en rien des autres juifs dans sa quête spirituelle. Son frère Jacques le Juste fut d’ailleurs pendant longtemps le chef de l’Église de Jérusalem. Et il était un porte-parole écoutée du judéo-christianisme.Ce même frère observait très rigoureusement les préceptes de la Torah. Malgré tout, le nouveau message porté n’avait rien de commun avec l’ancien : il s’agissait de faire confiance en l’Homme en lui rendant sa Liberté, ses libertés de choix, ce qui n’est pas sans risques, mais la liberté est à ce prix. C’est certain que tendre l’autre joue lorsqu’on est frappé demande une certaine maîtrise de soi, mais si l’on se bat on deviendra aussi cruel et sanguinaire que son adversaire. Bien entendu les riches ne se préoccupent que fort peu de ne pas pouvoir passer par le chas d’une aiguille, mais ils doivent comprendre que le sacré ne s’accommode pas de la goinfrerie.Le non-désir est la seule voie vers le bonheur même si cela ne signifie pas que l’on renonce aux jouissances accessibles.

Le salut de tous par l’élévation personnelle de chacun constitue cependant une menace pour son confort. Tout est de sa propre faute et il n’est pas possible d’accuser les structures, le système, de ses insatisfactions, de ses frustrations. Les bienfaits de l’immatériel sont infinis, ne connaissent pas de limites, chacun peut en récupérer une part, à condition de faire les efforts nécessaires vers ce que les croyants appellent la sainteté. Il est entendu que les Hommes de pouvoir ont tôt fait de comprendre que se draper dans la vertu pouvait très substantiellement contribué à conforter leurs privilèges, ce qui ne laissait que l’espoir aux autres. Les grimaces de vertu sont la norme mais il laisse une place aux esprits originaux et féconds capables d’enrichir les Arts et les Sciences. Deux millénaires d’histoire illustrent cet état de fait.

Il est toujours difficile d’obéir à des ordres, mais c’est encore plus difficile d’obéir à des gens qui disent posséder toutes les clés du réel. Ils en sont même tellement certains qu’ils peuvent le chiffrer.

 


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