Pouvoir d’achat ou pouvoir de consommation ?

par maltagliati
jeudi 9 février 2012

En parlant pouvoir d'achat, les politiques ne se préoccupent nullement de vos difficultés quotidiennes, ils se posent avant tout la question de la survie du système, qui dépend du maintien (ou de la croissance) de la consommation !

Le débat sur le pouvoir d’achat en cours cette semaine n’a rien à voir avec ce qui pourrait être un objectif raisonnable d’un gouvernement : promouvoir une qualité de vie et faire en sorte qu’étant moins empêtrés dans les questions de survie quotidienne, les humains puissent consacrer plus de leur énergie à leur développement individuel et collectif.

Non, non et non. L’importance du pouvoir de consommation résulte pour les politiques (de gauche comme de droite) uniquement sur le fait que depuis quelques dizaines d’années, en Europe occidentale et aux États-Unis, cette consommation est le seul élément qui maintienne tant soit peu notre « croissance ».

D’une part la consommation des familles, qui a évolué considérablement par la création de nouveaux « besoins » et transformé en « nécessaire » l’inutile ou le nuisible : chauffage à 25°, téléphone portable, viande à tous les repas, laitages et sucreries à volonté, dictature de la mode vestimentaire, jouets et gadgets en amas, etc. etc. A tel point que, devant assumer une part de ce nouveau « nécessaire », les humains se retrouvent dans l’incapacité de subvenir à leurs besoins essentiels : logement, nourriture de base, santé, et se retournent à cet effet en nombre impressionnant vers les associations de secours.

D’autre part la consommation débridée des collectivités régionales et locales, qui se sont faites le moteur de la « croissance » ces vingt dernières années par une inflation de leur personnel propre et de leurs commandes au BTP. Le moindre village est aujourd’hui orné de ronds points, parterres, jeux d’enfants et parcours de santé. Toute ville doit avoir ses stades, piscines, courts de tennis, salles de spectacles et de réunion qui en démontrent la vitalité. Toute municipalité, tout département, toute région se doivent de s’auto-louanger dans de luxueux magazines ou feuilles de choux (dites aussi trobinoscopes) pour la promotion de leurs réalisations prestigieuses et souvent bien inutiles. Toutes réalisations qu’il faut alors entretenir, un mot qui rime mal avec administration mais engendre néanmoins une inflation de personnel, une flotte de véhicules, etc. etc.

La consommation en panne

Consommation privée. Tout le monde est au courant : la vie quotidienne devient de plus en plus dure. Impossible pour les plus défavorisés, la survie actuelle interdit à la population (smicards, chômeurs,…) ces petits dérivatifs qui permettaient d’accepter la pression quotidienne. Et les classes moyennes sont aussi durement touchées que les autres. Même avec deux bons salaires, pour faire vivre une famille, il s’agit de bien calculer pour arriver en fin de mois… Alors à quoi bon ? Tenez, à ce propos, avez-vous vu le scandale dans la presse française cette semaine à propos d’une augmentation sérieuse de l’impôt sur le revenu pour tout le monde, par une simple mesurette d’indexation des barèmes… Ni vu, ni connu, incolore, inodore et insipide, personne n’en parle,…

Consommation publique. La vie des collectivités locales va se trouver chamboulée cette année. Les intérêts sur les endettements passés ont énormément augmenté, de nouveaux emprunts sont quasi impossibles vu la fermeture du robinet par les banques, sommées de se restructurer. Il faudra s’habituer soit à voir les impôts locaux suivre une courbe exponentielle, soit à se contenter de gérer l’existant au mieux, avec un personnel réduit ou limité à de « faux emplois » (emplois jeunes et autres calamités) – et encore dans le meilleur des cas ! Au pire, il faudra s’habituer à slalomer entre les trous sur la chaussée, ne pas sortir en cas de gel, voir fermer la cantine scolaire ou supprimer la garde scolaire etc. Cette croissance négative des dépenses régionales et locales va évidemment nuire considérablement au secteur du bâtiment duquel on le dit très bien : « quand il va, tout va ».

Voilà le contexte dans lequel nos hommes politiques s’intéressent à notre pouvoir de consommation ! On trouve même dans la presse spécialisée des experts économiques s’en prenant à notre voisine allemande pour avoir trop misé, dans le développement de son économie, sur l’exportation, pas assez sur la consommation et le fameux « pouvoir d’achat ».

Pays producteurs et "surconsommateurs"

A ce propos, je m’en voudrais d’oublier de vous signaler que la partition entre Europe du Nord (pays producteurs) et Europe du Sud (surconsommateurs) se fait bien sur cette question. Nombreux sont ceux qui estiment inévitable la création prochaine de deux cours de récréation en Europe, avec des règles différentes, une pour les grands et une pour les petits. C’est dans ce contexte bien sûr que se situe actuellement le tam-tam autour de la question grecque. Il est d’ores et déjà certain que le Portugal (en état d’alerte en ce moment) sera comme la Grèce du côté des petits. Sûr que l’Italie et l’Espagne y seront aussi. C’est parce que la question ne se pose pas qu’on ne parle pas trop d’eux pour le moment ! Mais la France… la France ? Elle est bien, comme je vous le disais il y a deux mois, en première ligne (La France en première ligne, 14 novembre 2011). M.Sarkozy voudrait, cela se comprend, rejoindre la cour des grands, M.Hollande a choisi sans équivoque la cour des petits et une relance… de la consommation ! (On ose espérer qu'il ne choisira pas la voie de l'hostilité à l'Allemagne !)

Dans ce contexte, je crois que M.Sarkozy (ou son alter-ego M.Fillon, car même si tout le monde en est certain, Nicolas a plus d’un tour dans son sac et n’est pas encore candidat !), M.Sarkozy, disais-je, joue sa campagne sur la probabilité d'une grave tension économique internationale en mars-avril. Il développerait alors un programme d’urgence fait d’à-propos et de « courage », laissant loin derrière lui les « rêveries socialistes ». Quand on sait que de son côté, Madame Merkel est poussée par une opinion allemande de plus en plus tentée par l’expérience du vide (laisser tomber la Grèce et générer le Défaut), je ne suis pas si sûr que cette option ne finira pas par l’emporter prochainement, même si le surconsommateur grec devait ces jours-ci avaliser verbalement les conditions absolues du tandem franco-allemand.

MALTAGLIATI

p.s. Dans El Mundo (Madrid) d’hier 7 février, une attaque honteuse contre les Grecs sous le titre Les Grecs se moquent de nous. Un coup de poing qui pourrait bien revenir en pleine face des Espagnols d’ici peu ! D’une manière générale, la tentative d’intimidation sur le thème « Vous avez trop consommé » est une manœuvre grossière et scandaleuse. Déjà lors de la seconde guerre mondiale, George Orwell constatait bien que les informations britanniques diffusaient une année que la patate fait grossir, l’année suivante que c’est un aliment essentiel, non en fonction des besoins de la population mais de l’état des réserves en pommes de terre de Sa Majesté ! Il en va de même aujourd’hui de notre consommation en général, aussi indispensable que débile !


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