134 ans après, le Mont redevient une île

par Michel DROUET
jeudi 8 août 2013

En 1879, l’édification d’une digue-route avait mis fin à l’insularité du Mont Saint-Michel et au fil du temps un parking, pas du meilleur effet, avait été installé au pied de la merveille.

Afin de préserver cet environnement et ne pas le défigurer ce site fréquenté par de nombreux touristes français et étrangers, il devenait indispensable d’en revoir les conditions d’accès.

Le problème, c’est que le projet mis en œuvre avait pour grande ambition dans le même temps de « rendre au Mont Saint Michel sont caractère insulaire », d’où de nombreux travaux : suppression de la digue route et remplacement par un pont sur pilotis, construction d’un barrage-retenue sur le Couesnon engrangeant l’eau à marées hautes et provoquant un phénomène de chasse à marée basse pour entraîner au large les alluvions qui ont tendance à s’accumuler naturellement dans la baie.

Le premier résultat est là, après plus de 220 Millions d’euros de travaux, le 24 juillet dernier, le Mont est redevenu une île le temps d’une grande marée. Victoire, direz-vous ! Sauf que ce caractère insulaire ne sera effectif qu’environ 40 heures par an, lors des grandes marées, lesquelles n’ont toujours pas le bon goût de survenir uniquement de jour et lorsque les touristes sont là.

Tout ça pour ça, pourrait-on dire. Et encore ; le phénomène naturel d’ensablement de la baie, qui donne des polders où sont élevés les fameux agneaux de pré-salé, ne sera sans doute pas effrayé par ces travaux gigantesques et continuera son travail. Un jour plus ou moins proche, le pont construit sera vraisemblablement pris dans la gangue et le Mont Saint Michel ne sera plus du tout une île : c’est un phénomène naturel et inéluctable.

Alors pourquoi ces travaux gigantesques ? Le Mont et la commune de La Caserne située à l’entrée de l’ex digue route n’est pas seulement un monument remarquable, c’est également une formidable machine à cash, une tirelire qu’il convenait de conserver et de faire fructifier.

Les promoteurs du projet et les différents lobbies commerciaux n’ont-ils pas eu les yeux plus grands que le ventre et ainsi dénaturé un objectif minima – rétablir le caractère insulaire du Mont - à supposer que ce fut le bon à l’origine, en privilégiant le commerce de bimbeloteries, les visites de pseudo musés et la bouffe formatée pour les touristes qui font le tour de l’Europe en 8 jours ?

Les marchands du temple ne se sont-ils pas fourvoyés et tué la poule aux œufs d’or d’une célèbre restauratrice du Mont qui nourrit le touriste avec ses omelettes ?

On peut le penser, en effet, puisque les nouveaux parkings n’étaient pas, à l’origine, desservies par les navettes destinées à conduire les touristes au Mont. Il fallait à ceux-ci parcourir 900 mètres à pied pour les trouver, en passant, ô miracle, devant les commerces de La Caserne. Les tours opérateurs et les personnes à mobilité réduite ou les familles avec enfants, c’est-à-dire une grande partie des visiteurs n’ont pas du tout apprécié la situation et l’ont fait savoir : on constate une baisse de fréquentation du Mont.

Des concessions se sont donc avérées nécessaires et les navettes partent désormais des parkings (au grand dam, sans doute, des commerçants). Des concessions, certes, mais pas pour le concessionnaire des navettes, à savoir Véolia, qui n’oublie jamais de facturer ses prestations supplémentaires. Résultat, le prix du parking, comprenant le passage en navette vers le Mont a augmenté de 41 % (de 8.5 € à 12 €). Belle performance qui attirera sans doute davantage de touriste…

"C'est un nouveau pas vers l'approche qualitative que ce site exige", a estimé Laurent Beauvais, le président du syndicat mixte qui gère le site et président PS de la région Basse-Normandie qui comme beaucoup de politiques manie allègrement la langue de bois.

J’ai eu la chance de visiter plusieurs fois le Mont, avant que ce projet ne le range désormais aux côtés des lieux de pèlerinage où l’arnaque du visiteur est la règle.

Je n’irai plus et me contenterai de le voir de loin, d’endroits encore accessibles et non soumis au racket. Encore ne faut-il pas désespérer de la cupidité des marchands du temple : bientôt il faudra régler un péage pour pouvoir accéder à ces endroits encore libres. Ne restera plus que la longue vue…
 


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