2020 – 2025 – 2050 : la thèse d’une douce torpeur

par karl eychenne
mardi 4 février 2020

Une croissance économique qui ralentit, une inflation qui ne réagit plus, des rendements des marchés qui baissent. L’idée d’une douce torpeur pour les années à venir fait son chemin. Ce scénario est-il crédible ? Oui, sous certaines conditions.

Il est difficile de penser demain lorsque le présent nous glisse entre les doigts. Imaginons quand même que le Coronavirus fasse déjà partie du passé, et projetons-nous dans un an, 5 ans, et même 30 ans. Nous présentons un scénario considéré hier encore comme peu probable, et qui semble désormais faire partie de l’inventaire des possibles : ce scénario serait celui d’une mollesse durable et généralisée de nos économies et de nos marchés. Moins grave qu’une récession, plus troublant qu’une stagnation, ce scénario décrirait une forme de douce torpeur. Quelles sont les conditions pour qu’un tel scénario se réalise ? Nous proposons une histoire en 3 étapes : 

 

- 2020 : un retour de la confiance avorté

- 2025 : une normalisation du cycle retardée

- 2050 : un potentiel dégradé

 

2020 : retour de la confiance avorté

Nul besoin d’évoquer une crise financière ou une récession économique. Il suffit d’observer que déjà ce début d’année oblige à rebattre les cartes : double montée des incertitudes avec la dégradation du climat géopolitique et une psychose possible liée au Coronavirus. Et même en admettant que ces 2 tensions s’apaisent, il y aurait au moins 2 autres raisons d’anticiper un rebond avorté des indicateurs avancés (confiance des industriels) premiers symptômes de rechute :

 

Heureusement, il restera les deux soupapes de sécurité que sont les politiques monétaires et gouvernementales : les Banques Centrales resteront ultra-accommodantes (puisque l’inflation reste sage), et les politiques gouvernementales n’oseront pas envoyer de signaux restrictifs ou ambigus (élections américaines, climat social européen).

 

Dans ce scenario, les marchés financiers pourraient faire du surplace. Cet immobilisme serait d’ailleurs résumé par celui des indicateurs avancés, qui après un léger rebond reviendraient aux niveaux de départ. Il faut savoir que ces indicateurs avancés sont les variables les plus surveillées par les investisseurs, ce que l’on vérifie empiriquement en constatant que les mouvements de ces indicateurs expliquent près de la moitié des mouvements de marchés (d’un point de vue statistique).

 

 

 

 

2025 : une normalisation du cycle retardée

A cet horizon, les déséquilibres économiques ou financiers sont censés se résorber. C’est d’ailleurs un horizon prisé par les études empiriques qui travaillent sur la prévision. Ainsi, lorsque le PIB est supérieur à son potentiel, l’inflation sous sa cible, les taux d’intérêt directeurs sous leur niveau requis, un horizon proche de 5 ans laisse un temps suffisant à tous ces déséquilibres pour se résorber.

 

Mais cela fait presque plus de 10 ans que la crise des subprimes est terminée, un peu moins pour la rise de la dette souveraine en Europe, et pourtant la normalisation ne semble toujours pas achevée. Tout a déjà été dit sur ce retard à l’allumage : stagnation séculaire, économie zombie, etc… Mais, si l’on ne retient que les faits, ils semblent clairs : avec les mêmes méthodes de soutien à l’économie, on ne produit plus les mêmes résultats. Parmi les faits les plus troublants, les deux plus connus sont :

 

 

 

Ainsi, on ne voit pas bien ce qui permettrait de dire que cette fois, la normalisation fonctionnera, d’autant que les politiques semblent désormais bien désarmées : des taux directeurs proches ou déjà à 0 %, et des ratios de dettes publique sur PIB proches ou supérieurs à 100 %.

 

 

Dans ce scenario, les performances des marchés financiers seraient décevantes, mais pas alarmantes.

 

 

 

 

2050 : un potentiel dégradé

En termes économiques et financiers, un horizon supérieur à 10 ans est souvent décrit comme celui où se réalisent toutes les potentialités : le PIB évolue alors en fonction de son potentiel démographique et technique, l’inflation est désormais calée sur la cible de la Banque Centrale, les prix des actifs ont enfin convergé vers leur valeur dite intrinsèque.

 

A notre horizon 2050, 3 incertitudes particulières seraient susceptibles de peser sur les fondamentaux et le cours des actifs : l’incertitude climatique (impact ?), technique (révolution technologique ?), et démocratique (montée du risque illibéral ?). En supposant que ces 3 incertitudes sont gérées sans pertes et fracas, à quoi pourrait ressemblait le paysage économique à cet horizon ? Il pourrait être défiguré par la réalisation de deux scenarios encore aujourd’hui considérés comme alternatifs :

 

 

 

Si l’on retient ces deux thèses alternatives, on peut alors justifier d’une croissance économique et d’une inflation bien inférieure à celles anticipées par le consensus à cet horizon. En termes de chiffrages, on imagine alors une croissance économique en valeur proche de 3 % aux Etats – Unis, de 2 % en zone euro, 1 % au Japon, 4 % en Chine…

 

 

Les conséquences pour les marchés financiers seraient doubles :

 

 

 

 

 

Conclusion : l’art de la prévision

L’objectif de cet article n’est pas de défendre un scénario de douce torpeur pour les années à venir, mais de trouver quelles pourraient être les lettres de noblesse d’un tel scénario… même s’il ne se réalisait pas. 

 

En effet, de mauvaises prévisions ne sont pas forcément des prévisions stupides. Il peut exister des croyances (prévisions) qui soient fondées (par des modèles testés et validés), mais qui se révèlent fausses. Par exemple, prévoir que les marchés d’actions vont monter parce que les bénéfices sont anticipés à la hausse et que les taux d’intérêt sont anticipés à la baisse est rationnel, mais pourra s’avérer faux si Donald Trump nous livre quelques tweets agressifs.

 

Peut-on dire pour autant qu’une prévision qui semble justifiée mais s’avère fausse, est de même valeur que la prévision d’un singe à priori moins fondée mais qui s’avère juste ? Peut-être pas : savoir que l’on ne sait pas n’est pas équivalent à ne pas savoir que l’on ne sait pas.


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