5G en France : des enjeux financiers, technologiques et écologiques

par steph
samedi 17 octobre 2020

Il y a deux semaines, les enchères pour l’acquisition des bandes de fréquences 5G par les opérateurs battaient leur plein. L’enjeu était de taille avec notamment l’objectif pour les principaux opérateurs, à savoir Orange, SFR, Bouygues Télécom et Free, de savoir qui obtiendrait les si convoités blocs de fréquences. En parallèle de ces enchères, un débat faisait toutefois rage, de nombreuses associations et collectivités territoriales s’inquiétant du sort de la planète et de l’impact écologique de l’installation de la 5G. Entre les performances du réseau mobile de cinquième génération et ses conséquences sanitaires, la 5G est au centre de divergences d’opinions.

Les enchères pour l’acquisition de la 5G

Déroulement des premières enchères

Ces dernières semaines, les acteurs français du paysage des télécommunications étaient suspendus aux résultats quotidiens des enchères organisées par l’Arcep. Ces dernières, très attendues, avaient pour but de statuer sur l’attribution des bandes de fréquences 5G aux opérateurs retenus par le gendarme des télécoms. Dans cette course à l’acquisition de blocs de fréquences 5G, Orange, SFR, Bouygues Télécom et Free se faisaient face. Les quatre opérateurs s’affrontaient ainsi pour déterminer la répartition de onze blocs de fréquences de 10 MHz chacun. Des blocs intéressants pour compléter les blocs de 50 MHz dont disposent déjà les différents opérateurs. La compétition pour l’attribution des blocs de fréquences vacants s’est ouverte le 25 février 2020, date à laquelle l’Arcep a clôturé le rendu des appels d’offres. Les dossiers des quatre opérateurs en lice ont ensuite été validés le 11 juin 2020. Compte tenu du contexte sanitaire, les retards accumulés aux différents niveaux des procédures n’ont permis à l’enchère de ne débuter que le 29 septembre 2020.

À la fin de ce premier volet, les blocs de fréquences 5G ont été répartis en fonction des offres des opérateurs. 90 MHz sont ainsi revenus à Orange, contre 854 millions d’euros. Si l’investissement est colossal, le PDG d’Orange, Stéphane Richard, a expliqué dans un communiqué de presse qu’ « avec 90 MHz de spectre 5G, Orange sera en mesure de conforter son leadership dans les réseaux mobiles et développera un réseau 5G performant, gage d'attractivité et de compétitivité pour la France ». Concernant les autres opérateurs, SFR a pour sa part obtenu 80 MHz, soit 728 millions d’euros d’investissement. Enfin, Bouygues Télécom et Free ont tous deux fait l’acquisition de 70 MHz, pour un montant respectif de 602 millions d’euros.

Fin des enchères et enjeux

En ce qui concerne la deuxième partie de la vente aux enchères, elle s’est tenue début octobre et a eu pour but de placer les blocs de fréquences 5G sur la bande électromagnétique allant de 3,4 à 3,8 GigaHertz (GHz). Cette deuxième vague d’enchères visait à permettre aux opérateurs (Orange, SFR, Bouygues Télécom et Free) de définir les emplacements qu’ils convoitaient, à savoir bénéficier des extrémités de la bande électromagnétique ou être placé en son centre. Ce choix n’est pas anodin car le placement sur la bande de fréquences permet de se protéger plus ou moins des interférences. Si un opérateur obtient une place au centre de la bande électromagnétique, il sera alors moins voire pas affecté par les interférences évoquées. Ce point est donc particulièrement stratégique, notamment pour la qualité des services à proposer.

Les ondes électromagnétiques qui composent les blocs de fréquences appartiennent à l’Etat français en tant que patrimoine immatériel. Le gain de la vente à l’issu de ces enchères revient donc à l’Etat. Un bloc était fixé à 70 millions d’euros au départ des enchères. À la fin de ces dernières, le prix pour un bloc était 126 millions d’euros. À cela s'ajoute les 350 millions correspondant au prix unitaire des blocs déjà attribués à chaque opérateur en juin 2020. Au total, l’attribution des bandes de fréquences 5G représente un total de 2,8 milliards d’euros versés à l’Etat. Pour régler les montants associés aux blocs de fréquences dont ils ont fait l’acquisition, les opérateurs bénéficient d’un étalement du paiement sur 15 ans pour les blocs de 50 MHz et sur 4 ans pour ceux de 10 MHz. Conséquence de ces investissements, les forfaits 5G risquent de voir leurs prix augmenter de manière significative pour permettre aux opérateurs de s’y retrouver. L’investissement consenti se répercutera donc probablement sur les consommateurs, mais pas seulement. C’est de manière plus générale l’environnement qui pourrait en effet pâtir du déploiement de la 5G à grande échelle.

La 5G, une question de technologie et d'écologie

Antennes relais et matériaux de construction

L’arrivée de la 5G en France soulève de nombreux débats auprès des écologistes qui s’inquiètent de l’impact de cette nouvelle technologie sur la planète. En parallèle de la mise aux enchères des bandes de fréquences 5G, de nombreux élus ont d’ailleurs demandé un moratoire contre la 5G. Selon Nicolas Guérin, le président de la Fédération Française des Télécoms, il n’y aura pas de déploiement de nouvelles antennes dans un premier temps car l’installation des équipements 5G se feront sur ceux de la 4G. Mais les équipements pour la 5G sont construits à partir de matériaux de pointe ce qui augmente la consommation d’énergie en eau et en métaux rares.

Après la première vague d’installation, une seconde, prévue pour l’horizon 2022/2023, verra l’arrivée de nouvelles antennes, les « small cell », afin d’utiliser les fréquences millimétriques. La portée de ces nouvelles antennes étant moindre que les anciennes, il faudra alors en placer davantage sur le territoire français.

Augmentation des ventes de smartphones et réseaux mobiles plus sollicités

L’arrivée de la 5G oblige les opérateurs à construire de nouveaux terminaux compatibles 5G et donc de vendre de nouveaux mobiles équipés de cette nouvelle technologie. La construction d’un seul smartphone nécessite à elle seule 70 matériaux différents et une consommation de 10% de la production mondiale de cobalt. Alors que des millions de consommateurs voudront s’équiper des derniers mobiles, la 5G pourrait tout simplement conduire à l’épuisement des ressources. Selon l’ADEME les rejets toxiques et l’émission de gaz à effet de serre dans l’environnement constitueront par ailleurs un cocktail détonnant portant atteinte à la biodiversité.

Si les avantages techniques sont réels, bien que non nécessaires dans la sphère privée, la 5G assurera aux utilisateurs plus de débit et moins de latence. Ce combo, similaire à la transition entre la 3G et la 4G, devrait pousser les usagers à consommer plus de data et à utiliser des applications plus avides de bandes passantes (jeux vidéo, streaming, réalité virtuelle). De ce fait, la 5G augmenterait le niveau d’exposition aux ondes, les français utilisant de nouvelles bandes de fréquences.

Le gouvernement face à l’impact écologique de la 5G

Le 24 juin 2020, le Sénat a proposé 25 solutions pour que le numérique réduise son impact sur l’environnement. Parmi ces mesures figurent notamment l’interdiction de forfaits illimités en data, le renforcement des sanctions concernant l’obsolescence programmée ou encore la création d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe. Cédric O, secrétaire d’Etat chargé de la transition numérique et des communications électroniques promet, en juin 2020, l’organisation d’un débat public rassemblant les associations, les opérateurs et les collectivités territoriales. 

Bien que de nombreux mouvements se soient soulevés, le Président de la République, Emmanuel Macron, a finalement décidé de « prendre le tournant de la 5G ». En réponse aux peurs des écologistes et des scientifiques, qu’il juge infondées et non contemporaine, comme le rapporte Libération, le chef de l’État à décrété : « J’entends beaucoup de voix qui s’élèvent pour nous expliquer qu’il faudrait relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile ! Je ne crois pas que le modèle Amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine ». Une fois de plus, l’attractivité du territoire, dans la continuité du Plan France Très Haut Débit, semble donc primer sur l’impact environnemental et sanitaire.


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