A Daulatabad, le gaz n’a pas d’odeur, tout comme l’argent des subventions européennes
par E-fred
mardi 29 avril 2008
Le 15/04/2008 selon Ria Novosti : le Turkménistan fournira à l’Union européenne 10 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an à partir de 2009, a annoncé la commissaire européenne aux relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner. « Le président (turkmène) nous a assuré que l’Europe bénéficierait de 10 milliards de mètres cubes de gaz en plus des possibilités qui s’ouvrent dans de nouveaux domaines et pour lesquels des appels d’offres seront organisés », a-t-elle déclaré au Financial Times.
En 1992, Carlos Bulgheroni, un homme d’affaires argentin (Bridas) qui a flairé le coup de loin, prend contact avec le gouvernement Turkmène. Il réussit en 1995 à signer un accord avec les dirigeants pakistanais et turkmène pour la construction d’un pipeline traversant l’A-stan. Bulgheroni prend alors contact avec Unocal, dirigée par R. Beach qui va rapidement laisser tomber l’Italien et sollicite un autre groupe, le Saoudien Delta Oil. Le 21 octobre 1995, les dirigeants d’Unocal et ceux de Delta Oil signent un accord avec le président démocrate du Turkménistan, Saparmurat Niyazov, portant sur des exportations de gaz évaluées à 8 milliards de dollars pour la construction du pipe-line. Par contre, en 1996, le président afghan, Rabbani, signe lui un accord avec Bridas pour la section principale du pipeline (1 350 km). Malheureusement pour lui, il doit fuir son pays ! Tout comme une autre personne, B. Bhutto, qui a soutenu le pipeline proposé par la compagnie pétrolière d’Argentine Bridas, et s’est opposée au pipeline d’Unocal. Ceci a contribué à ce qu’elle soit chassée du pouvoir en 1996, et au retour au pouvoir de Nawaz Sharif.
Les talibans prennent facilement le contrôle de l’A-stan (ISI) et seront reçus par Unocal au Texas en février et décembre 1997. Suite aux attentats des ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie (1998), les Américains se retirent du projet de construction du pipeline. S’ensuivent la mort de Massoud le 9 et les attentats du 11-Septembre 2001.
Il faut attendre 2002 pour que le projet revienne sur la table sous le nom de TAPI (Turkménistan-Afghanistan-Pakistan-Inde) à l’initiative de la Banque asiatique de développement « BAD » (tout un programme) sous couvert d’aide au développement dans la région. Le projet aurait aussi l’appui des Etats-Unis qui voit en “ TAPI ” une façon de torpiller le projet de gazoduc “ IPI ” auquel travaillent l’Inde, le Pakistan et l’Iran, et de plus fait pression avec l’ILSA (Iran-Libya Sanction Act).
Un autre projet est aussi en cours : exporter du gaz vers l’Europe par la conduite Nabucco, longue de 3 300 kilomètres, destiné à acheminer le gaz de la mer Caspienne ainsi que celui des pays tels que la République d’Azerbaïdjan, le Turkménistan, le Kazakhstan, et l’Irak vers l’Europe, via, la Turquie, la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie, la Hongrie et l’Autriche. Il reste cependant de nombreux obstacles à lever avant d’entamer ces livraisons. A noter que ce gaz serait en effet le même que celui qui a été promis à la Russie et la Chine. Rappelons que Pékin et Achkhabad ont signé en avril 2006 un accord pour la vente de 30 milliards de mètres cubes de gaz, de 2009 à 2039, à un prix à déterminer selon les cours mondiaux. Les observateurs internationaux restent toutefois sceptiques quant à la capacité du Turkménistan d’honorer ces différents engagements internationaux de fourniture de gaz.
L’Union européenne s’approvisionnera donc en gaz auprès de la jeune démocratie du Turkménistan. Une émission de télévision avait été faite pour fêter la gloire du président démocrate : « Une vraie-fausse émission à la gloire de Saparmourad Niazov, président à vie du Turkménistan, enregistrée en 1996, dans les studios de TF1, mais jamais diffusée en France. » Et dans un article très documenté d’Anne Guion : « Bouygues s’en porte bien : depuis qu’elle est implantée dans le pays, l’entreprise a déjà réalisé plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires (87 millions uniquement pour l’année 2004, selon le rapport annuel du groupe). Le tout avec l’assentiment des autorités françaises. Et qu’importe si celui qui se fait appeler « Turkmenbachi », le père de tous les Turkmènes, a tendance à confondre les caisses de l’Etat avec son propre portefeuille... et préfère s’offrir de gigantesques statues plaquées or à son image plutôt que de construire des infrastructures pour son peuple ». Surtout qu’un accord de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et le Turkménistan, paraphé en mai 1997, encadre les relations. L’Union européenne intervient par le biais de l’aide humanitaire (Echo) et du programme Tacis. Le Turkménistan peut, par ailleurs, bénéficier de l’enveloppe annuelle de 50 M€ allouée aux programmes d’infrastructure régionaux Inogate (hydrocarbures) et Tracassa (transport). Les subventions européennes sont toujours bien (s)u(b)tilisées.