A Londres et Washington, la reprise en trompe-l’oeil

par Laurent Herblay
jeudi 21 mai 2015

Les chiffres de croissance du premier trimestre aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne ont beaucoup déçu. Londres affiche seulement 0,3% de croissance quand Washington atteint à peine 0,2% en rythme annuel. Dans une série de papier, The Economist donne une perspective intéressante à leur reprise.

 
Les cycles des marchés du travail
 
Outre-Manche, on débat beaucoup du manque de productivité, qui fait dire à l’hebdomadaire que « les Français pourraient ne pas travailler le vendredi et toujours produire plus que les britanniques. Au contraire des stéréotypes, les Italiens sont 9% plus productifs  ». En effet, si le taux de chômage britannique a beaucoup baissé, c’est grâce à des emplois peu qualifiés et peu payés, et notamment des immigrés puisque le pays compte un demi-million de travailleurs immigrés de plus depuis 2010, un tiers de la croissance du nombre d’emplois. Le PIB par heure travaillée est le même qu’en 2007, alors qu’il a progressé de 5% dans les autres pays du G7. La reprise est loin d’être brillante.
 
 La situation outre-Atlantique est proche. Des économistes ont montré que la crise a d’abord frappé les bas salaires, premières victimes des licenciements, quand les hauts salaires étaient davantage épargnés, au point que le salaire médian a bondi de 4% de 2008 à 2009. Depuis, il a perdu 3% puisqu’environ la moitié des emplois créés sont à bas salaires, contre 10 à 20% pendant la crise. Cela se retrouve également dans les statistiques du temps partiel, passé de 3 à 6% des emplois, et revenu à 4% aujourd’hui. The Economist note également que la réduction des allocations chômage (passées de 53 à 25 semaines) pèse sur la capacité des travailleurs à négocier de meilleurs salaires.
 
 
Crise inégalitaire pour reprise inégalitaire
 
Au final, la description des mécanismes de la crise et de la reprise apporte encore de l’eau au moulin de ceux qui dénoncent les inégalités grandissantes de nos sociétés. The Economist montre que les pauvres sont les premiers à perdre leur emploi et que, s’ils le retrouvent après, c’est dans de mauvaises conditions. Et d’autres chiffres montrent que ce sont les plus riches qui en profitent : depuis 2009, plus de 90% de la croissance des revenus est allée à 1% de la population aux Etats-Unis. Les classes populaires sont les variables d’ajustement de nos sociétés modernes. Pile, elles perdent. Face, d’autres gagnent ! Car les hauts revenus perdent moins dans la crise et profitent à plein de la reprise.
 
Un des mécanismes à l’œuvre est expliqué par The Economist dans le papier « la taille grandissante des entreprises pourrait expliquer l’augmentation des inégalités  ». Les grandes entreprises automatisent plus, ce qui met la pression sur les bas salaires, qui sacrifient leur rémunération sous cette pression et l’espoir d’une promotion. En revanche, les hauts salaires gagnent une plus grosse rémunération, même s’ils gagnent aussi une pression accrue du capitalisme actionnarial à courte vue, comme le montre la hausse des épuisements professionnels. Mieux, le nombre d’employés des 100 plus grandes entreprises a progressé de 53% de 1986 à 2010 aux Etats-Unis, et de 43,5% en Grande-Bretagne.
 
 
Merci donc à The Economist de démontrer une nouvelle fois à quel point l’organisation économique actuelle est profondément inégalitaire et injuste. Ce faisant, il permet à ses lecteurs de tirer des conclusions inverses de celles qu’il tire puisqu’ici il appelle seulement à plus de concurrence

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