Airbnb est-elle devenue le temple de l’économie informelle ?

par Carole
jeudi 3 août 2017

Airbnb, première plateforme de location de meublés touristiques mondiale, est souvent présentée comme une plateforme collaborative entre particuliers. Pourtant, pour favoriser sa croissance, elle accueille un nombre de dérives et de fraudes qui lui valent d’être devenue la nouvelle bête noire des municipalités.

Les sites de location entre particuliers ne font pas que des heureux – à l’image de Airbnb, qui s’est récemment attiré les foudres de la ville de Paris. En cause, le nombre croissant de multipropriétaires qui achètent des appartements et les louent à l’année. Une pratique qui inquiète Ian Brossat, élu parisien : « [Ils] achètent des appartements dans l’unique perspective d’en faire des machines à cash via la location touristique. Ceux-là louent de façon industrielle et frénétique ». Ce recours croissant aux locations de courte durée, très rentables, prive en effet les riverains de nombreux appartements, augmentant sensiblement la pression immobilière dans la ville.

« Si nous ne faisons rien, Paris va se vider de ses habitants pour se transformer en Venise, où il n'y a plus que des touristes », s’alarme Ian Brossat. La tendance aurait en effet déjà fait sortir au moins 20 000 logements du parc locatif accessible pour les riverains selon la mairie de Paris. Une dynamique déjà bien perceptible : entre 2009 et 2014, « les arrondissements du centre (le Marais et Saint-Germain-des-Prés en particulier) ont vu leur population diminuer ». Plus globalement, le nombre de Parisiens est passé de 2 234 105 à 2 220 445 sur la même période. Soit 13 660 habitants de moins en cinq ans.

Les décrets pour encadrer l’activité d’Airbnb se multiplient dans toute l’Europe

Même son de cloche à Nice, où en juin dernier, le conseil municipal a voté une nouvelle obligation pour les propriétaires de meublés touristiques de se déclarer en ligne auprès de la mairie. « Il ne s’agit pas de pénaliser le Niçois qui loue son appartement l’été pour mettre un peu de beurre dans les épinards mais ceux qui ont fait d’Airbnb un business juteux », nuance Fabrice Decoupigny, conseiller municipal Europe écologie-les Verts. Cette mesure devrait faciliter les contrôles visant à empêcher ces particuliers de louer plus de 120 jours par an leur résidence principale. Pas suffisant pour EELV, qui appelle à lutter contre la « spirale de la spéculation » qui s’est installée et « augmente les loyers ».

« Toutes les grandes métropoles souffrent. Elles ont légiféré : Berlin a interdit la location d’une habitation entière, la limitant à des chambres », poursuit-il. En effet Airbnb est aujourd’hui devenue une véritable multinationale, présente dans pas moins de 34 000 villes et 191 pays. Et force est de constater que l’accueil réservé à la plateforme est de plus en plus mitigé. En France, le nombre de jours de location annuels a été limité à 120 jours pour éviter les abus. A Barcelone, la municipalité qui a décidé de « faire la chasse aux logements pour touristes ne disposant pas d'une licence spéciale », a sommé Airbnb de retirer de sa page web 1 036 appartements touristiques illégaux.

Pour Airbnb, ces contrôles vont à l’encontre du respect de la vie privée de ses hôtes

Malgré la polémique, Airbnb ne se montre pas toujours coopératif. A Bruxelles, la plateforme a contesté la taxe régionale sur les établissements d’hébergement touristique (3 euros par nuitée et par chambre à charge des locataires) au motif d’une violation de leur vie privée. L’article 12 de l’ordonnance impose en effet de fournir les données de chaque exploitant (coordonnées de leur(s) établissement(s) et le nombre de nuitées à l’année), sous peine d'amende administrative. De fait, Airbnb demande à collecter et reverser cette taxe pour le compte des hôtes – ce qui rendrait tout contrôle des fraudes impossibles.

« Airbnb dit collecter la taxe de séjour. Mais ils donnent un chèque qui vient de nulle part pour s’acheter la paix politique. Aucune vérification n’est faite » souligne Laurent Duc, président de l’UMIH (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie). Le syndicat dénonce « un phénomène de grosse ampleur avec des gens qui échappent à la fiscalité ». « C’est pour cela que nous demandons que les meublés soient enregistrés et identifiés. C’est une question d’équité », poursuit-il. Pour lui – et pour un nombre croissant de municipalités, il ne s’agit pas simplement d’un réflexe de protection, mais bien la volonté de jauger un phénomène inquiétant.

Un aimant à activités illégales

Parallèlement, une forme de négligence dans les contrôles a amené une tout autre forme de population sur Airbnb.

Certains réseaux criminels profitent désormais des contrôles peu sourcilleux du site pour héberger leurs activités illégales – à l’image du proxénétisme et de la prostitution qui ont connu sur le site un essor inquiétant. Plusieurs réseaux en région parisienne ou au Canada ont été démantelés alors qu’ils « séjournent dans des appartements Airbnb aux côtés de leurs ‘filles’ » et s’en servent pour y organiser des passes. « Pour ces groupes, faire affaire avec des particuliers comporte au moins deux avantages : c’est moins cher et l’endroit sera moins surveillé qu’une chambre d’hôtel », souligne le Journal de Montréal.

Plus généralement, les sites de location touristiques sont désormais la cible d’une variété de systèmes d’arnaques : « Au-delà des faits de proxénétisme, les organisateurs de ce réseau multipliaient les escroqueries en réglant les chambres avec des cartes prépayées, alimentées avec d’autres cartes bancaires frauduleusement obtenues », explique la brigade de répression du proxénétisme.


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