Al Qaida créateur d’emplois et de points de croissance

par Georges Yang
lundi 30 avril 2012

Certes, ce ne sont pas les quelques djihadistes qui se font exploser aux quatre coins de la planète en gueulant Allah Akbar qui vont endiguer le chômage endémique en France et inverser la récession. Il ne s’agit là que de quelques CDD à durée très limitée, pas même des intérimaires. Merah n’était en fin de compte qu’un petit artisan. Mais la peur panique irraisonnée ou non de l’attentat qui a envahi la planète depuis une vingtaine d’années, mais surtout depuis le 11 Septembre, a développé des réactions de protection souvent symboliques et inefficaces comme le plan Vigipirate, mais aussi toute une industrie du matériel sécuritaire, de la protection des individus et de la protection de l’espace public. Cette crainte du terroriste supposé barbu a permis de voir fleurir toute une série de compagnies spécialisées dans la fouille, la détection d’armes, d’explosif ou de colis suspects, la surveillance des lieux publics et de certains établissements sensibles susceptibles d’être pris pour cible. Que l’on soit en France ou aux Etats-Unis, à Londres, à Nairobi ou à Kampala on ne peut désormais échapper au contrôle corporel et de ses sacs ou bagages et plus seulement dans les aéroports. Partout dorénavant, la fouille est systématique avant l’accès dans les bâtiments officiels, les musées, les administrations et dans certains pays, cela s’étend aux bars, dancings, discothèques et même aux supermarchés et aux centres commerciaux. A Kampala, cette vigilance concerne même les pork joints, ces petits restaurants populaires où l’on se délecte de brochettes de porc accompagnées de bière fraiche. C’est bien connu, les islamistes n’aiment pas les mangeurs de cochon ! Un vigile avec un détecteur de métal vous fait sonner à la moindre clé et parité oblige, il existe aussi des fouilleuses pour les dames ; une femme en hidjab ne se laissant pas palper par un mâle à l’entrée d’un magasin ou d’une banque.

Voltaire avait amplement raison quand il fit dire au Docteur Pangloss, « A quelque chose, malheur est bon  » car si Christophe Colomb n’avait pas découvert l’Amérique, nous n’aurions certes pas eu la vérole en cadeau, mais non plus le chocolat. Le chocolat du péril islamiste s’appelle création d’emplois dans la sécurité et le développement du matériel de prévention (détecteurs de métaux ou d’explosifs, portails automatiques, caméras de surveillance et autres scanners). Derrière chaque portique, chaque écran, chaque entrée surveillée, il y a un homme ou une femme, c’est-à-dire un salarié. Sans Al Qaida, voilà des milliers de travailleurs sur le carreau et des chômeurs supplémentaires se retrouvant au Pôle Emploi. A l’échelle de la planète, cela devient un marché énorme. Alors on a envie de dire, merci Monsieur Ben Laden, papa à enfin un boulot !

La peur de l’attentat fait que les mesures de sécurité deviennent de plus en plus astreignantes sans pour autant être efficaces, mais cela occupe du monde et rassure les naïfs. La poudre aux yeux fait office de poudre à canon et les gogos se sentent rassurés alors qu’un individu et a fortiori un petit groupe décidé peut faire un carnage en quelques minutes sans que les forces de sécurité puissent s’y opposer ; on a vu le résultat avec Breivik et les multiples massacres sur des campus américains. Pourtant, vous les avez tous remarqué ces militaires patrouillant Gare du Nord, l’arme bien visible, déambulant au milieu des voyageurs. En fait, si deux ou trois terroristes, islamistes ou non, nous refaisaient le coup des Japonais à l’aéroport de Lod et sortaient brusquement des armes automatiques d’un sac de sport pour arroser la foule, ces militaires qui sont loin d’être de tireurs d’élite, (les tireurs aguerris sont dans les forces spéciales, au RAID ou préparent les Jeux Olympiques. Ils ne patrouillent pas dans les rues. Ceux qui y sont seraient totalement inefficaces, paralysés par la peur de commettre une bavure en abattant des civils courant partout dans l’affolement, s’ils étaient confrontés à une situation critique. Ce n’est pas les quelques centaines de balles tirées au mieux par an à l’entrainement sur cible fixe par ces militaires en patrouille qui en font des tireurs d’élite. Et puis, tirer au milieu d’une foule sur des cibles mouvantes sans se payer un passant lambda, ça ne s’improvise pas. Le plan Vigipirate est donc une coûteuse démonstration de force totalement inopérante et inadaptée. Ce n’est pas la propagande qui protège contre un lanceur de grenade, mais des tireurs expérimentés fondus dans la foule, en civil et non paradant en uniforme avec des chargeurs dans le treillis et non engagés pour une riposte immédiate. Le temps de charger un Famas et il y a déjà une dizaine de corps au sol ! La militarisation de l’espace urbain n’a jamais protégé du terrorisme, en France ou ailleurs.

La lutte contre le terrorisme, c’est avant tout le renseignement en amont, l’infiltration, pas des mesures de visibilité pour rassurer les gens dans les gares, aéroports ou devant les grands magasins. Mais revenons à la création d’emplois induite par la crainte du terrorisme. Les complotistes peuvent très bien imaginer, qu’Al Qaida n’existant pas, un lobby industriel du matériel de sécurité qui au niveau planétaire brasse des milliards et génère des millions de profit puisse commanditer de temps en temps un petit attentat à la bombe ou au colis piégé pour continuer à faire pondre la poule aux œufs d’or. On peut le subodorer quand les revendications sont écrites en mauvais arabe avec des références erronées ou inappropriées au Coran. Le but inavoué de cette engeance serait de mettre tous les habitants des pays riches en gilet en kevlar et de multiplier les détecteurs de métaux et les caméras dans les lieux publics. Selon le SNES, le marché de la sécurité présentait un chiffre d’affaires de 5.3 milliards d’euros en 2009 pour 147.000 salariés, ce n’est pas une paille ! Dans quelques années, il y aura plus d’agents de sécurité privé et de vigiles que de policier et de gendarmes (250.000). Et il est fort probable que les chiens renifleurs soient plus efficaces sous les jupes des femmes qu’au milieu d’une foule à la recherche de terroristes. Mais, crise économique et dette abyssale aidant, (Vigipirate coûtant environ un million d’euro par jour en période calme), avec la nécessité de faire des économies, le gouvernement va peut-être être obligé de revoir sa politique de sécurité en dépensant moins et mieux, en favorisant le renseignement, qui s’est montré piteux en amont lors de l’affaire Merah, plutôt que de continuer les patrouilles, les gardes statiques et les fouilles systématiques qui coûtent fort cher sans garantie probante. Ne rêvons pas, que le terrorisme islamiste soit une menace réelle en France ou simplement un fantasme, le domaine professionnel de la sécurité a un bel avenir devant lui, d’autant que l’opinion publique, sensibilisée par les médias demande de plus en plus à être sécurisée et rassurée. Et nous continuerons à dépenser des centaines de millions sans aucune garantie de parade face à une action déterminée bien organisée. Il va donc falloir là aussi produire français pour ne pas déséquilibrer la balance commerciale en achetant du coûteux matériel américain, israélien ou chinois. Combien de stand de fabricants français à la foire internationale de la sécurité ? Voilà une question à laquelle devraient répondre Sarkozy, Hollande et surtout Bayrou.

PS : faute de temps, je n’ai pas illustré mon article de photos de drones, d’armes de guerre ou de portail de détection avec une fille en bikini en compagnie d’un Russe qui ressemble à s’y méprendre à Viktor Bout, d’autres s’en sont déjà chargé à ma place. J’aurais pu cependant tenter le téléphone Thuraya, un bel objet !


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