Alerte à la déflation sur l’Europe

par Laurent Herblay
lundi 16 juin 2014

Ce n’est pas pour rien que la BCE a fini par céder à la pression des marchés et assouplir sa politique monétaire la semaine dernière, même si ses mesures sont illusoires. Contrairement aux dires de Mario Draghi il y a une semaine, la déflation menace bien dans la zone euro.

La déflation en marche dans le Sud
 
Si l’inflation moyenne de la zone euro est tombée à 0,5%, contrairement à d’habitude, c’est l’Allemagne qui fait monter la moyenne globale, puisque certains pays sont rentrés dans une phase de baisse des prix. En Grèce, où ils baissent depuis un an, la chute des prix a atteint un nouveau sommet en mai, pas moins de 2% sur un an (ce qui signifie aussi que le poids de la dette augmenterait mécaniquement de 2% en un an, même avec un déficit nul). La baisse des prix semblent se généraliser à la majorité des secteurs, à quelques exceptions près (tabac, alcool, santé). Et les prix ont également baissé de 0,2% en mars en Espagne, une première depuis 2009 et ils baissent au Portugal depuis février.
 
Bref, le processus déflationniste est bien entamé dans une partie de la zone euro, et notamment dans sa 4ème économie, sachant que l’Italie n’en est pas très loin. Ceci est une conséquence directe de la monnaie unique puisqu’auparavant, en cas de déficit de compétitivité, un pays pouvait dévaluer, mais aujourd’hui il faut jouer sur le niveau des salaires, comme l’ont montré ces pays qui ont baissé leur SMIC. Certes, cela permet de rééquilibrer la balance commerciale, mais en jouant principalement sur la baisse des importations et en produisant un cataclysme social, illustré par un taux de chômage au-delà de 25% et une descente aux enfers d’une majorité de la population, que l’histoire jugera durement.
 
La France est-elle à l’abri ?

Le pire est que la France semble entrer dans la même logique, même si cela est à une échelle moindre. Il faut bien noter que le PS, après 10 ans d’opposition n’a donné qu’une minuscule obole au SMIC, trois fois inférieure à celle donnée à Jacques Chirac en 1995 et ne se soucie que de la baisse du coût de travail. Pire, avec la persistance d’un fort déficit commercial, et alors que certains de nos partenaires baissent le coût du travail chez eux, la pression risque de continuer, une illustration horrible mais concrète de la folie de cette unification monétaire et de la quête perpétuelle d’une compétitivité qui pousse à une horrible casse sociale dans les pays qui rentrent dans cette folle logique.

Xerfi vient de pointer le danger qui existe en France en notant que si l’inflation est tombée à 0,5%. Il note que les prix à la consommation ne sont qu’un indice partiel puisqu’ils prennent en compte la marge de la distribution. Si on considère le déflateur de la valeur ajoutée, on constate que les prix sont en baisse de 1,3% dans l’industrie sur un an, comme au pire de la récession en 2008-2009. La légère reprise des volumes camoufle une détérioration des prix. Et la situation se corse dans les services où les prix sont proches de la zone rouge. Pour Xerfi, « de proche en proche, c’est bien tout le tissu économique qui est contaminé (…) un piège qui nous rapproche toujours plus d’un scénario japonais et pourrait casser nos velléités de reprise » au moment même où Tokyo s’en sort.

Bref, le risque de déflation semble se préciser et les mesures de la BCE ne seront pas suffisantes étant donné le cours de l’euro. C’est toute la logique même de la monnaie unique qui pousse les pays à baisser leurs salaires et les prix pour être compétitif, et donc à entrer en déflation.


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