Allemagne : les non-dits du retour économique

par leptitbenji
mardi 28 août 2007

Depuis plusieurs mois, la politique allemande est citée comme un exemple en matière économique, à la fois par les médias et par de nombreux politiques. On parle du chômage en baisse, de la croissance sur la bonne pente, des exportations florissantes, de la balance commerciale qui penche très fort du côté positif... Mais on oublie souvent certains détails importants au sujet de l’économie allemande et de ses réformes, qui pourraient pourtant refroidir plus d’un Francais. En voici un aperçu.

Tout d’abord au niveau du chômage : il reste toujours au-dessus des 9 %, soit plus qu’en France. Et les chômeurs allemands le sont pour la moitié d’entre eux depuis plus d’un an, contre 40 % en France et 20 % en Grande-Bretagne. Mais les Allemands sont depuis quelques années sur la bonne pente en la matière, et il faut le justifier par la réforme du marché du travail, lancée sous Schröder. Cette réforme s’est traduite par une succession de lois, les lois Hartz, visant à favoriser la flexibilité et la mobilité des travailleurs et à améliorer les services d’aide au retour à l’emploi. L’Agence fédérale du travail a donc été réformée : elle est désormais plus décentralisée et autonome (notamment au sujet des indemnités à verser), mais aussi plus proche de ses demandeurs d’emploi (1 agent pour 70 chômeurs maximum). En réponse, les demandeurs d’emploi allemands doivent être plus ouverts et volontaires : un chômeur dispose désormais de 12 mois d’allocation chômage. Passée cette période sans trouver un emploi, l’allocation sera abaissée à 345 euros. Autre exigence, la mobilité : ainsi, tout demandeur d’emploi célibataire et sans enfant se doit d’être mobile à travers toute l’Allemagne. Aussi, les chômeurs doivent accepter un emploi même s’il est moins bien rémunéré que le marché, sous peine de baisse des allocations. Cette politique encourage bas salaires et temps partiels. Et elle est efficace : le salaire moyen allemand a par exemple baissé de 2 % en 2005 ! Dans le même temps, les coûts salariaux baissaient de 6 %. Cette baisse des salaires a provoqué une baisse du pouvoir d’achat, et donc l’atonie de la consommation, problème d’envergure que nous connaissons peu en France pour l’instant.

Mais si la demande intérieure stagne, les exportations vont bon train : l’Allemagne est "championne du monde des exportations" et sa balance commerciale est largement bénéficiaire (+160 milliards, contre -30 milliards en France et -70 milliards en Espagne). Cependant, nos voisins ont connu et connaissent encore de larges vagues de délocalisations à l’est, notamment dans le domaine de l’industrie. Du coup, l’Allemagne doit importer des biens intermédiaires d’Europe de l’Est (14 % contre seulement 5 % en France), le marché étant conquis à 50 % par ces entreprises étrangères. Ainsi, une partie des exportations est faite à partir de biens importés. Pas étonnant que le rapport valeur ajoutée/exportation ait baissé. Cette baisse des bénéfices dégagés par les exportations s’exprime dans cette comparaison avec la France : entre 2001 et 2004, croissance des exportations allemandes par rapport aux exportations françaises : +16 %. Dans la même période, croissance comparée des PIB des deux pays : +3,6 % pour la France ! Ainsi, l’idée allemande de baisse des coûts de production, notamment par le biais de délocalisations, semble être un échec au niveau comptable.

Comme la France, l’Allemagne instaure une fiscalité moins lourde. On a notamment vu les charges sociales passer de 39 % à 30 %. Outre l’accentuation de la pression fiscale sur les autres pays européens, ces types de réformes ont creusé des déficits. Alors l’Allemagne fait depuis quelques années la course aux gaspillages et aux "surdépenses" publiques. Les Allemands ont aussi vu changer leurs systèmes de santé et de retraites. Pour redresser les comptes de l’assurance-maladie, déremboursements, limitation des ordonnances de médicaments des médecins et TVA sociale ont fait leur apparition. De plus, les cotisations patronales pour les indemnités de congés maladie sont désormais à la charge des salariés. Au niveau des retraites, les Allemands sont largement invités à adopter un système capitalisé. Pour les y inciter, primes et allègements fiscaux. On pourra certainement bientôt en recueillir les résultats, et les prendre en considération dans les choix français en la matière.

Ces quelques précisions ne sont pas là pour évincer le modèle allemand tant désiré. Elles sont simplement là pour montrer par où passent les Allemands pour obtenir leurs si encourageants résultats, et les limites de cette politique assez libérale.


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