Après la crise...

par Michel Santi
vendredi 29 août 2008

La crise du crédit se terminera bien un jour ou l’autre, c’est une certitude. Pour autant, le monde de la finance et même de l’économie ne seront en rien semblables à l’environnement ayant prévalu préalablement à cette crise. Après deux décennies d’inflation négligeable, voire de désinflation, le monde de demain ne bénéficiera plus de capitaux à outrance susceptibles de s’investir dans tous types de secteurs, y compris les plus risqués.

De fait, attendons-nous à une diminution du crédit de l’ordre de 7 % à l’échelle mondiale et ce dans un contexte où l’économie globale emprunte entre 4 et 5 dollars pour chaque progression d’1 dollar de son PIB.

Pourtant, l’impact de cette raréfaction du crédit - dont l’économie réelle commence seulement à ressentir les ondes de choc se traduisant par un fort ralentissement dans certains pays et par une récession dans d’autres - , ne durera que le temps qu’il faudra au secteur financier pour rétablir réserves monétaires et confiance. Au-delà même de cet impact regrettable certes, mais néanmoins ponctuel de cette crise du crédit sur les économies, les banques ne disposeront plus jamais de la latitude de titriser des prêts consentis par elles leur permettant de sortir ces créances de leur bilan afin de pouvoir à nouveau en consentir d’autres ! Par ailleurs, le marché monétaire - condamné à multiplier les mesures disciplinaires - forcera ces établissements de crédit à revenir à des méthodes de refinancement plus traditionnelles, comme la prise en compte de leurs dépôts... Conséquence immédiate : le marché du crédit ne connaîtra plus jamais une croissance supérieure de 5 fois au PIB global.

Les conséquences sur l’économie mondiale et réelle seront également lourdes de portée.

Le crédit étant moins abondant, il sera plus onéreux et sera donc placé de manière plus efficace. Du coup, eu égard à des crédits qui ne seront pas dus qu’à des effets de levier, les profits générés seront fatalement moindres, mais ils seront toutefois plus en phase avec l’économie réelle. La victime collatérale en sera naturellement toute l’activité anciennement florissante des fusions et acquisitions dont les profits gigantesques étaient à la mesure des leviers générés sur les crédits obtenus. Lesquels profits, soit dit en passant, n’apportaient aucune valeur ajoutée à l’économie réelle...

Par ailleurs, les très importants déséquilibres commerciaux caractérisant les Etats-Unis en particulier, mais plus généralement les pays anglo-saxons habitués à vivre au-dessus de leurs moyens du fait d’un endettement excessif, auront tendance à se résorber. Il va de soi que les pays émergents dont la dépendance à l’exportation est critique en seront fortement sinistrés, mais le billet vert pourrait également se rétablir car une amélioration des déficits américains signifie également moins de dollars en circulation pour combler ces déficits !

En fait, c’est l’ensemble de ce long cycle de désinflation qui touche à sa fin car cet océan de liquidités et cette hyper générosité en termes de crédit avaient précisément engendré une inflation de type structurel dans ces mêmes pays émergents qui n’exporteront plus jamais une inflation basse vers des pays occidentaux tout heureux à leur tour de voir leurs propres prix domestiques comprimés par ceux des pays émergents...

Le retour à l’épargne devrait également assainir des économies, comme l’économie américaine, ayant dépensé sans compter des décennies durant grâce à ce bon vieil effet de levier. D’une manière générale, c’est le modèle capitalistique économique et financier anglo-saxon vecteur de libertés à outrance, mais également source de multiples bulles spéculatives qui s’effacera au profit d’un modèle typiquement européen dont les priorités sont travail et valeurs sociales. Attendons-nous enfin à un relèvement généralisé de la taxation des privés et des entreprises...

Comme la réglementation se fera plus stricte, les Etats-Unis perdront peu à peu leur rôle de leader - ou de mauvais élève - du monde capitaliste et leur déclin géopolitique s’amorcera en toute logique. Ils resteront une puissance dominante, mais l’unilatéralisme aura vécu car émergera alors une communauté de nations dites moyennes, facteur de stabilité et d’harmonie dans le monde de demain.


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