Après la crise sanitaire, l’horreur économique au carré

par Laurent Herblay
samedi 18 avril 2020

Lundi, Macron a appelé à se réinventer après cette crise. Mais autant l’exécutif a tardé pour définir sa stratégie et sa réponse à la crise sanitaire, autant certains, en revanche, savent anticiper et placer leurs pions pour définir le monde d’après, comme le gouverneur de la Banque de France ou le patron du Medef. Et ce monde d’après ressemble beaucoup à celui d’avant, en pire…
 

Postures de communication déjà vues

Déjà, en mars, Macron avait promis un changement de modèle, qui valoriserait davantage le local, une forme de remise en question du laisser-faire et du laisser-passer. Il avait également promis des moyens supplémentaires pour notre système de santé. Lundi dernier, il a affirmé que certaines professions essentielles n’étaient pas assez bien rémunérées. Mais comment le croire ? D’abord, la contradiction avec son discours antérieure est trop forte. Ce 180 degrés idéologique est difficilement crédible venant d’un exécutif qui a pris trop d’arrangements avec la vérité pendant cette crise, et qui se choisit pour porte-parole une personne qui revendique de mentir pour protéger Macron. En outre, le précédent de 2008 incite à la prudence, les belles promesses ne s’étant jamais réalisées.

Toutes les promesses du président, finalement bien vagues, ont toutes les chances de ne rester que des promesses. Car comment relocaliser nos chaines de valeur dans le cadre des traités que nous avons signés ? Ils interdisent formellement toute préférence nationale, aboutissant au paradoxe d’une France où l’Etat s’équipait en voitures étrangères alors même que PSA fermait une usine, avant d’y prendre une participation ! Il n’y a aucun projet sérieux de remise en question de ce cadre, et ce n’est pas dans l’UE que cela sera possible tant on voit bien aujourd’hui qu’il est impossible de vraiment la réorienter. Au mieux, nous profiterons du choix de quelques acteurs privés qui arriveront à la conclusion qu’il vaut mieux relocaliser. Mais ce ne sera qu’une petite fraction de ce qu’il faudrait faire.

Demain, le pire du monde d’hier

Malheureusement, le choc de cette crise pourrait créer l’occasion pour certains d’aller plus loin encore dans la logique mortifère d’austérité et de déconstruction des droits sociaux. Les vautours sont déjà à l’action. Le gouverneur de la Banque de France évoque déjà dans le Monde « un effort budgétaire rigoureux et des dépenses publiques plus sélectives  », de bien mauvaise augure alors que le gouvernement annonce désormais un recul du PIB de 8% pour 2020 et un déficit de 9%. Autant dire que l’après-crise s’annonce encore plus difficile qu’après la précédente si nous conservons la même direction. Il ne risque pas de rester grand chose pour revaloriser le budget de la santé ou la rémunération des personnels soignants, à moins de calculer sur 25 ans… Il n’est pas inutile de rappeler ici que la commission européenne a recommandé 63 fois aux Etats de réduire leurs dépenses de santé de 2011 à 2018

Le patron-vautour du Medef s’est également distingué et a déclenché une belle polémique en proposant de « poser la question des RTT et des congés payés  » à la sortie du confinement. Il faut rappeler que l’exécutif a déjà cassé certaines limites au début de la crise (augmentant la durée maximale hebdomadaire de travail par exemple) et que la secrétaire d’Etat à l’économie, Agnès Pannier-Runacher, qui conseillait d’acheter des actions il y a peu, a confirmé les propos de Geoffroy Roux de Bézieux. En fait, pour les macronistes, il faut toujours démanteler le droit du travail, que ce soit par temps calme, au cœur d’une crise, et après la crise. Toutes les circonstances le justifient, malgré les effets désastreux que ces réformes produisent pour une grande majorité des citoyens. Mais pour eux, tant que cela profite aux 1%...

Bien sûr, la sortie du patron du Medef a déclenché un tel tir de barrage qu’il a reculé, mais ce qui est frappant, c’est de voir que le même agenda qui s’était imposé de 2010 à 2019 se dessine à nouveau pour l’après crise. Nos dirigeants n’ont rien retenu du passé. Le système tournant bien pour eux, ils ne veulent rien changer. Avec eux, ce sont donc les mêmes potions amères qui nous attendent…


Lire l'article complet, et les commentaires