Arcelor entre patriotisme économique et conflits d’intérêts

par Patrice Bloch
samedi 25 février 2006

En référence à l’article paru en première page dans la revue Intelligence Online, édition française n° 517 (du 10 février au 23 février 2006) intitulé : « Combat déséquilibré entre deux géants de l’acier ».

Ledit article, parfaitement documenté, liste les intervenants prompts à aider chacun des géants de l’acier dans le cadre de l’OPA hostile de Mittal sur Arcelor.

Nous y apprenons que le groupe Arcelor bénéficie d’appuis significatifs destinés à contrer l’OPA, en l’occurrence Monsieur l’ancien ministre de l’économie, Francis Mer. Ce dernier est membre, depuis 2004, de l’IAB (International Advisory Board) de la société américaine de services financiers MMC, actionnaire de Kroll, première agence américaine mondiale de l’intelligence économique.

Monsieur Francis Mer aurait introduit Kroll auprès d’Arcelor, alors que ce même cabinet travaillait déjà, par le biais d’un autre département, au profit de Mittal.

Il me semble que, compte tenu des fonctions exercées dans le passé par notre ancien ministre, celui-ci se devrait de respecter une obligation de réserve sur un sujet aussi sensible. Monsieur Mer n’est-il pas en conflit d’intérêts avec les enjeux nationaux, en recommandant un cabinet américain déjà partie-prenante avec la partie adverse ? Ce même cabinet étant également en conflit d’intérêts, car on ne peut déontologiquement et objectivement être dans les deux camps opposés.

Nous apprenons par ailleurs que le groupe Mittal est conseillé, entre autres, par le cabinet de communication français Image 7 dirigé par Anne Méaux, et par le bureau parisien de Crédit suisse First Boston, dirigé par Monsieur François Roussely, ancien Président d’EDF.

La situation de conflit d’intérêts se présente pour le cabinet de communication français qui agit à l’encontre des intérêts d’Arcelor, groupe européen de souche française. La situation de Monsieur François Roussely s’apparente à celle de Monsieur Françis Mer quant aux responsabilités nationales occupées dans le passé. Monsieur Roussely devrait également respecter une obligation de réserve et ne pas s’impliquer dans une opération qui vise à favoriser Mittal.

La mondialisation de l’économie ne signifie pas anarchie des affaires, ni absence de règles déontologiques, quand il s’agit notamment d’enjeux nationaux. Les adeptes du discours de l’économie ultra-libérale que sont les Américains ne mettent pas en pratique sur leur territoire leurs bonnes paroles dispensées dans le monde entier. L’intérêt national prédomine aux USA.

Il n’est pas question de protectionnisme ni de repli sur soi. Il est question de bon sens appliqué aux affaires dans lesquelles il faut défendre ses intérêts.

La fameuse affaire Enron avait révélé des conflits d’intérêts qui ont conduit aux résultats que l’on connaît : fausse information financière, cours truqués, faux bilans...

Il ne faut pas perdre de vue la position des administrateurs et des actionnaires (sans oublier les salariés) qui sont confrontés à une information biaisée et qui se retrouvent par conséquent, à leurs dépens, face à une asymétrie d’informations. Comment faire confiance à des acteurs qui occultent complètement le conflit d’intérêts et qui pourraient, selon les mêmes critères, changer de camp ?

Il est regrettable que la direction d’Arcelor n’ait pas davantage écouté les avertissements émis par la DST et Monsieur Alain Juillet (Haut responsable à l’intelligence économique) quant à l’imminence de l’OPA, et ceci dès novembre 2005.


Lire l'article complet, et les commentaires