Areva, dossier explosif pour la filière nucléaire

par Enjeux Electriques
jeudi 20 novembre 2014

Une vaste opération-vérité est en cours chez Areva. Après avoir caché la poussière sous le tapis pendant des années, notamment le bilan d’Anne Lauvergeon, le spécialiste du nucléaire français est contraint de faire la lumière sur l’état de ses finances. La situation apparaît tellement grave que certains observateurs n’hésitent plus à affirmer qu’Areva « serait en faillite si elle n’était pas publique ».

La désintégration de « l’équipe de France du nucléaire »

L’histoire commençait pourtant sous les meilleurs auspices au début des années 2000. Une jeune dirigeante dynamique, Anne Lauvergeon, avait mené à bien la création d’Areva, géant mondial capable de gérer de la mine aux déchets ultimes le cycle de vie de l’uranium. Mais, les choses se sont vite assombries : développement du réacteur nucléaire EPR jugé trop compliqué et trop cher pour les pays émergents, investissements à fonds perdu dans les énergies renouvelables, scandale Uramin

Surtout, Areva a voulu faire cavalier seul. L’hostilité entre Anne Lauvergeon et Henri Proglio a conduit à la désintégration de « l’équipe de France du nucléaire ». Ainsi, le naufrage de l’EPR finlandais est lié à l’inexpérience d’Areva dans tous les aspects de la construction qui étaient traditionnellement dévolus à EDF, son partenaire à l’export. Désormais, la mise en service de l’EPR de Olkiluoto est prévue pour 2018, soit neuf ans de retard et près de 4 milliards d’euros de perte ! En parallèle, les EPR de Taishan (Chine), dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par EDF seront les premiers livrés alors qu’ils ont été les derniers lancés.

Le fossé entre EDF et Areva a gravement impacté toute la filière française de l’atome. L’EPR de Flamanville accuse lui aussi de lourds retards. A l’international, aucun contrat pour des réacteurs nucléaires n’a été remporté par Areva depuis 2007, et l’objectif de vendre dix réacteurs d’ici 2016 est devenu complètement illusoire.

Les quelques contrats pour la fourniture de combustibles nucléaires et le retraitement de déchets ne suffisent pas à sauver Areva du gouffre financier. A eux seuls, les débâcles de l’EPR finlandais et d’Uramin ont réduit à néant tous les efforts (vente d’actifs, baisse des investissements) pour améliorer les comptes de l’entreprise. Areva n’arrive d’ailleurs plus à se recapitaliser toute seule. Une émission de bons obligataires a ainsi été reportée sine die, au moment où les agences de notation ont estimé « négatives » les perspectives de l’entreprise. Bref, il n’y a plus d’argent dans les caisses.

Quel avenir pour Areva ?

Dans ce contexte, l’Etat, principal actionnaire (directement et via le CEA), semble décidé à reprendre la main. Il a en effet une opportunité unique de mettre un terme définitif aux guerres picrocholines entre EDF et Areva, avec le renouvellement simultané des états-majors des deux entreprises. Le gouvernement a ainsi donné un signal clair de ses intentions, en nommant Philippe Varin président du conseil d’administration d’Areva et membre de celui d’EDF.

C’est un choix à double tranchant qui induit de facto une stratégie commune pour les deux entreprises… et peut aussi être interprété comme un conflit d’intérêts. Car pour injecter des fonds dans Areva, l’Etat pourrait être tenté de vendre des actions d’autres sociétés, à commencer par EDF. Il ne faudrait cependant pas déshabiller Pierre pour habiller Paul, en se privant des dividendes d’EDF pour investir dans Areva.

Après des années de bisbilles, le rapprochement des stratégies des deux groupes pourrait permettre recréer une équipe France du nucléaire capable d’aller gagner des contrats à l’étranger. Reste à voir comment l’Etat, premier actionnaire, va concrètement piloter la filière nucléaire.


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