Au secours... les professionnels de l’immobilier sont devenus fous !

par Laurent Bajet
vendredi 25 avril 2008

Les professionnels de l’immobilier ou leurs représentants déploient des trésors de créativité rhétorique pour masquer une évidence, celle de la baisse des prix, et pour tenter de l’enrayer par des arguments de plus en plus fallacieux.

« Atterrissage en douceur  » : cette formule ressassée jusqu’à l’excès depuis plus de deux années est un véritable déni de réalité. Il est, en effet, établi qu’en économie les courbes tendent à monter ou à descendre, mais ne suivent jamais indéfiniment une ligne horizontale. Par ailleurs, n’importe quel étudiant de 1re année d’économie sait que le marché immobilier obéit à des cycles d’une dizaine d’années.

« Offre de logements en France structurellement déficitaire qui entretient la hausse ou empêche à tout le moins la baisse » : cet autre argument fréquemment employé amalgame dans un même ensemble les demandeurs de logements sociaux de type HLM et ceux qui désirent et surtout peuvent acheter.

Les personnes sensibles à ce type d’argumentation ont une fâcheuse tendance à oublier une vérité première pourtant frappée au coin du bon sens : il ne suffit pas d’avoir besoin de se loger et d’avoir envie d’acheter pour... acheter ; il faut surtout en avoir la capacité financière, ce qui se révèle, pour beaucoup d’entre nous, de plus en plus difficile voire impossible compte tenu du niveau exorbitant des prix et du contexte actuel (contexte marqué par une crise financière internationale, l’augmentation des taux d’intérêt et surtout la baisse de notre pouvoir d’achat sous l’effet conjugué du retour de l’inflation et d’une faible croissance de notre PIB).

« Paris résiste et résistera à la baisse car la demande étrangère y est forte et continue de tirer les prix vers le haut » constitue un autre argument très souvent utilisé ces derniers mois et qui tente de nous faire croire qu’une clientèle étrangère fortunée est en train de déferler dans la capitale et d’acheter dans tous les arrondissements parisiens ; du même coup, elle se substituerait complètement au marché national.

Or, cette clientèle étrangère ne représente qu’un « micro-marché » et n’achète que dans le centre de la capitale et que certains types de bien.

Et puis, doit-on rappeler que l’immobilier parisien a dégringolé de près de 40 % entre 1991 et 1998 ; l’offre de logements dans Paris était-elle abondante à l’époque et la demande satisfaite pour expliquer une telle chute des prix ? Evidemment que non.

« La déductibilité des intérêts d’emprunt contribue à resolvabiliser les acheteurs potentiels » est un autre argument couramment asséné.

Or, ce dispositif ne concerne qu’une toute petite partie de l’emprunt et a surtout eu un effet pervers non négligeable : il a nourri un peu plus encore la bulle immobilière au profit des vendeurs et au détriment des acheteurs et n’a fait que retarder le mouvement baissier aujourd’hui enclenché.

Aujourd’hui, l’écart est tel entre notre PIB et le niveau des prix que le retour de balancier, autrement dit la baisse, est en effet inévitable et a déjà commencé. C’est d’ailleurs ce que l’on constate dans la plupart des principaux pays européens aux économies comparables (Espagne, Royaume-Uni) et aux Etats-Unis.

Mais, toujours selon les professionnels de l’immobilier, la France ferait aujourd’hui exception alors que les mêmes invoquaient, hier, le contexte international haussier pour justifier la flambée des prix dans l’Hexagone. Quand les courbes étaient ascendantes au niveau mondial, la France ne pouvait que suivre le mouvement général, quand elles sont descendantes, elle serait à l’abri. De qui se moque-t-on ?

Il est temps que les professionnels de l’immobilier fassent preuve d’un peu d’honnêteté intellectuelle, et ce dans leur propre intérêt afin de fluidifier un marché aujourd’hui bloqué (les délais de vente s’allongent et les stocks grossissent).

Et sur le plan éthique, il est grand temps qu’ils cessent tout simplement de nous prendre pour des imbéciles... L’esprit mercantile ne saurait tout justifier.


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