Aux calendes grecques

par maltagliati
mercredi 15 février 2012

Les ministres des finances de la zone euro sont convenus par téléphone d'abandonner leur projet de se réunir ce mercredi 15 février sur le dossier grec, a annoncé le président de l'Eurogroupe Jean-Claude Juncker, ajoutant qu'une nouvelle réunion aurait lieu le 20 février.

Remis aux calendes…

Initialement prévue avant le sommet européen du 30 janvier, la décision européenne, déjà reportée à trois reprises, semble bien remise aux calendes grecques (1).
 
Ce que je vous annonçais comme une éventualité qui commençait à s’envisager la semaine dernière, se transforme désormais en probabilité  : il n’y aurait pas d’intervention européenne pour sauver l’État grec en mars. On se dirigerait donc vers ce que personne n’osait imaginer il y a encore un mois : le DÉFAUT GREC. Le conditionnel est un mode extraordinaire dans la langue française. J’adore aussi le subjonctif et particulièrement l’imparfait du subjonctif, un vrai passé du futur : « Il eût peut-être fallu que l’on se dirigeât plus vite en ce sens.  »
 
Pour résumer l’argument qui l’emporte peu à peu : la Grèce est le tonneau des danaïdes de l’Europe. Vous aurez beau combler le trou, le tonneau est percé et cela ne suffira jamais. Alors arrêtons de jeter de l’argent par les fenêtres. Cessons cette fuite en avant perdue d’avance. Cela ne sert à rien. Il faut traiter le problème à la racine… La Grèce fera faillite et repartira avec les compteurs à zéro. Soyons réalistes. La Grèce va connaître une cinquième année de récession : -6% l’an passé, sans doute presque autant cette année. Le chômage concerne la moitié des jeunes et un quart de la population dans son ensemble. Les Grecs ont perdu entre 20 et 50% de leurs revenus.
 
On commence même à revenir de l’idée fausse dominante tant par la faute de nombreux économistes que des autorités européennes, la confusion entre faillite et sortie de l’euro. Alors qu’une faillite bien maîtrisée réduit réellement la dette d’un pays, la sortie de l’euro entraînerait des dévaluations sauvages, aussitôt neutralisées par l’inflation et la marginalisation de ce pays par les marchés internationaux. Les Grecs pourraient ainsi faire défaut tout en restant dans l’Euro, et les dirigeants européens crier Victoire !
 

Calendrier

Au lendemain du vote très contesté de dimanche soir par le Parlement grec, la nouvelle a été fraichement accueillie par les édiles européens : Olli Rehn n'est pas, loin s'en faut, un tribun. Mais plus encore que d'habitude, il a fallu arracher les mots à cet ancien parlementaire finlandais, venu en salle de presse de la Commission « saluer » le vote grec du nouveau plan d'austérité, « qui démontre la bonne volonté de la Grèce pour entreprendre des réformes difficiles ». De quoi autoriser le déblocage d'un deuxième plan d'aide européen ? Que nenni…
 
Dans une interview à Welt am Sonntag ce même dimanche, le ministre allemand des finances, a expliqué que le moment était venu pour que la Grèce cesse d’être « un puits sans fond », et que les Grecs devaient d’abord le combler avant de pouvoir, selon ses propres termes, « y mettre quelque chose ». Rien n’est encore acquis. Une réunion des ministres des finances de la zone euro devait ce mercredi 15 février statuer sur les propositions du gouvernement grec pour couper encore 325 millions d’euros dans le budget de cette année (sur les 3,3 milliards impartis), et vérifier l’engagement écrit de tous les partis à appliquer les mesures votées dimanche soir. Le Bundestag devra ensuite se prononcer sur le déblocage du second plan de sauvetage de la Grèce, le lundi 27 février prochain. Idem pour les parlements néerlandais et finlandais. Tout cela pour que la voie soit alors ouverte à son adoption début mars par les autorités européennes et le FMI. … et le versement avant le 20 mars, de 13 milliards d’euros qui seuls peuvent éviter la faillite de la Grèce.
 

Alternative

Wolfgang Münchau a déclaré dans le Financial Times : « Le PIB grec a chuté de 6% en 2011, et il continue cette année sa chute à un niveau similaire. Et un autre rond de négociations pour une restructuration ne se fera pas avant longtemps. Certains estiment qu’il serait plus judicieux de pousser la Grèce à quitter la zone euro dès à présent, et d’utiliser ces fonds pour sauver le Portugal. Je ne suis pas d’accord avec cette idée. Je pense personnellement qu’il serait mieux de reconnaître la situation désolée de chacun de ces deux pays, de les laisser tous les deux faire défaut au sein de l’union monétaire, et d’ensuite utiliser un fond de sauvetage suffisamment important pour leur permettre de se reconstruire, et de se constituer une réserve de fonds en même temps (…) Cela coûterait très cher. Mais ignorer la réalité encore deux années sera de toute façon très ruineux. »
 
Quel serait dans cette optique le nouveau calendrier ? Quand pourrait-on annoncer au monde financier le Défaut grec et la mise en marche des CDS ? Nicolas Sarkozy est pressé… un tel événement pourrait booster son entrée en campagne. Son soutien permanent aux options « allemandes » a forcément un prix…
 
Mais arrêtons d’anticiper, restons ouverts à toutes les options en présence. Ce qui est certain, c’est que plus que jamais, nous sommes à un grand tournant !
 
MALTAGLIATI
 
 
(1) (1) Les calendes étaient le premier jour du mois romain. Il n’existait pas de « calendes » dans le calendrier grec. « Renvoyer aux calendes grecques » c’est donc repousser à une date qui n’existe pas, comme « renvoyer à la Saint Glinglin ».

Lire l'article complet, et les commentaires