Avec ou sans chômage partiel : les cas Euro et US

par karl eychenne
jeudi 2 juillet 2020

 

Les PIB américain et euro devraient tous deux chuter de près de - 15 % au cours du premier semestre. Pour autant, les conséquences en termes d’emploi n’auraient rien à voir, dramatiques aux Etats-Unis, limitées en zone euro.

Les PIB américain et euro devraient connaitre une trajectoire assez similaire en ce début d’année : une chute terrible de près de - 15 % (non annualisé), dont près de - 10 % pour le seul second trimestre. Or pour produire moins, il faut travailler moins. Et pour travailler moins, il y a deux façons de faire selon votre école de pensée :

 

 

 

Le cas américain : réduire le nombre d’employés

On s’attend à ce que la forte contraction de l’activité se traduise par une hausse significative du taux de chômage, ce qui semble être le cas : on est passé de 3,5 % à près de 13,3 % pour mai (14,7 % en avril), et un pic à 16 % anticipé prochainement. Or, souvenons-nous de la publication du tout premier indicateur avancé de l’emploi qui témoignait alors des premiers effets de la crise : cet indicateur avait laissé bouche bée bon nombre d’économistes ; il s’agissait des inscriptions hebdomadaires au chômage qui firent exploser tous les standards, anticipant une remontée possible du taux de chômage à 30 % ! On en est bien loin, même si beaucoup de réserves sont adressées concernant la représentativité des chiffres publiés. Autre fait polluant la lecture : la baisse significative du taux de participation de 72 % à 69 %, une baisse qui a mécaniquement freiné la hausse du taux de chômage. Des personnes ont estimé qu’il n’était même pas la peine de s’inscrire sur le marché de l’emploi durant cette période. 

 

Alors qu’en est-il vraiment ? La hausse du taux de chômage observée est-elle moins forte que celle qui était attendue ? Ou bien doit-on la considérer comme une mauvaise surprise ? Il existe une loi très simple et très efficace bien connue des économistes, c’est la loi d’Okun. Cette loi est facile à interpréter puisqu’elle propose que « lorsque l’économie va mal, alors l’emploi va mal ». Remarquons que cela fonctionne aussi dans l’autre sens : « lorsque l’emploi va mal, l’économie va mal ».

 

 

 

Le cas euro : réduire le nombre d’heures travaillées par employé.

En zone euro, on s’attend à ce qu’une contraction de l’activité de près de – 15 % sur le premier semestre se traduise par une hausse limitée du taux de chômage. En effet, au sein des pays membres représentant le volume d’emploi le plus important (Allemagne, France, Italie, Espagne), les entreprises ont été invitées à recourir au chômage partiel : garder leurs employés sous contrat, et plutôt réduire le nombre d’heures travaillées par employé. En échange, les gouvernements proposent de financer une grande partie du manque à gagner pour les entreprises. Pour l’instant, on observe effectivement une hausse limitée du taux de chômage de 7,1 % en mars à 7,3 % en avril, pour un pic à 10 % anticipé, soit une hausse de seulement + 2,9 %. Ces chiffres contrastent avec ceux vus juste au-dessus pour les Etats-Unis, où pour une contraction de l’activité presque identique, le taux de chômage est attendu en hausse de + 12,5 %. Mieux encore, on observe pas de baisse du taux de participation (sauf en Italie) contrairement aux Etats-Unis, ce qui n’a donc pas pu limiter la hausse du taux de chômage euro. Certes, on ne dispose que des chiffres d’avril, alors qu’aux Etats – Unis les chiffres de mai sont connus.

 

Mais alors, quel est le taux de chômage que la zone euro aurait dû connaitre si les entreprises n’avaient pas pu opter pour le chômage partiel ? Pour répondre à cette question, là encore la loi d’Okun utilisée pour les Etats-Unis nous est très utile.

 

 

 

Conclusion

En zone euro, le recours au chômage partiel devrait donc permettre de limiter considérablement la hausse du taux de chômage : de 7,1 % à 10 % anticipé, contre 22 % sans chômage partiel. Aux Etats-Unis, et pour une chute quasi identique du PIB de - 15 %, le taux de chômage serait attendu en hausse de 3,5 % à 16 %. Bien évidemment, ces seuls chiffres ne suffisent pas trancher un débat qui date depuis bien des crises entre les deux principales écoles de pensées : l’école dite libérale qui propose de laisser faire, et l’école dite interventionniste qui propose de faire. Tout au plus, ces chiffres permettent-ils de quantifier l’abîme séparant le choix d’une école plutôt qu’une autre en cas de crise.

 


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