Baisses de taux quantitatives : le revers de la médaille
par Michel Santi
jeudi 2 avril 2009
Les baisses de taux quantitatives auxquelles se livrent la Réserve Fédérale Américaine, la Banque d’Angleterre et un certain nombre d’autres Banques Centrales soulagent certes à court terme un système financier en voie d’étranglement tout en réduisant la menace déflationniste permettant - dans le meilleur des cas - une reprise graduelle de l’activité économique.
Ces baisses quantitatives portent toutefois en elles les germes de l’hyper inflation, alternative tout aussi catastrophique pour nos Banquiers Centraux - et bien-sûr pour nos économies - que celle de la déflation...Pour autant, la nature de ces baisses quantitatives telles que pratiquées d’une Banque Centrale à l’autre étant différente, les implications à moyen terme ne seront à l’évidence pas identiques, laissant dire aux détracteurs de ces baisses quantitatives - non sans raison du reste - qu’il est plus aisé de dire ce qui n’est pas du domaine des baisses quantitatives que de définir ce qui en est...
La politique monétaire des Banques Centrales consistait jusque là à fixer à leur taux au jour le jour (overnight) un objectif censé influencer indirectement les divers coûts des opérations sur le marché du crédit. Cet objectif de taux à court avait un impact sur le taux des instruments à plus long terme tels qu’obligations d’Etat, hypothèques ou taux débiteurs sur cartes de crédit...Les Banques Centrales ayant aujourd’hui leurs taux d’intérêts à ou proche du zéro absolu, elles ne disposent donc plus aujourd’hui de ce levier traditionnel de politique monétaire qu’était la fixation d’un objectif à atteindre en terme de taux court terme et se retrouvent ainsi dans l’obligation d’innover et de faire usage d’autres types de munitions afin d’influencer les taux d’intérêts. Situation d’autant plus délicate que l’écart entre les taux officiels et les taux réels pratiqués par le marché est très important du fait d’une recherche effrénée - et parfois désespérée - de liquidités de la part d’une grande majorité d’institutions financières, d’entreprises et de privés.
Dans un tel contexte, la réponse apportée par une institution comme la Banque d’Angleterre a été d’imprimer une masse de billets en partant du principe que l’attractivité des autres actifs sera renforcée par l’augmentation de la Masse Monétaire. Cette Banque Centrale misant sur le fait que ses achats de papiers-valeurs à des prix favorables détenus par les institutions financières motiveront ces établissements à investir dans et à prêter à l’économie réelle, ce qui contribuera à terme à baisser les taux pratiqués par le marché...L’idée centrale est donc de forcer la main d’institutions financières moribondes ne remplissant plus leur fonction de pourvoyeuse de crédits.
La stratégie de la Fed, quant à elle, a été - plutôt que la création de nouvelle monnaie - d’emprunter de l’argent existant afin de le réinjecter dans l’économie réelle via les intervenants financiers. En effet, les Banques Américaines, considérant que leur Gouvernement ne ferait jamais défaut et démontrant une prédilection notoire pour investir leurs liquidités dans les Bons du Trésor US plutôt que d’en faire bénéficier entreprises de l’économie réelle et ménages, contraignent les autorités de leur pays à émettre encore et toujours plus de papiers-valeurs. L’Etat réemployant ces liquidités ainsi glanées à racheter toute une série d’actifs dont plus personne ne veut. C’est donc la Fed qui se trouve dans ce schéma en première ligne puisque c’est elle qui se porte acquéreur de ces créances pourries sachant qu’elle a poussé encore plus loin son activisme il y a peu en annonçant qu’elle reprendrait également ses propres Bons du Trésor à long terme, toujours dans le souci de noyer de liquidités une économie au bord de la strangulation tout en maintenant sous pression les taux - fondamentaux - à long terme...
Ces approches structurellement différentes consistant à réduire quantitativement les taux en créant de la nouvelle monnaie ou par le biais d’emprunts de monnaie déjà existante destinée à être recyclée sont toujours motivées par un constat cinglant selon lequel les infrastructures financières ne sont plus capables d’assumer leur rôle - et leur obligation - de pomper des liquidités dans le système ! Quoi qu’il en soit et pour différentes que soient les approches des Banques Centrales - redistribuer l’argent ou en créer à partir du néant -, les deux manières d’aborder le problème ont des implications inflationnistes évidentes : Effectivement, l’inflation peut soit être générée par la création de monnaie qui entraîne un excédent de Masse Monétaire soit du fait d’un stock donné de monnaie dépensé plus rapidement, les deux phénomènes étant couronnés par une augmentation des prix et de la production.
Pour autant, les Banques Centrales sont aujourd’hui réellement à la croisée des chemins car, n’ayant aucune autre solution sous la main que ces baisses de taux quantitatives tout récemment passées à la vitesse supérieure consistant à acheter leur propres Bons du Trésor, elles perdent ce faisant leur indépendance du fait de leur influence prépondérante sur les marchés des capitaux ! Leur manière de contourner le système financier en offrant directement la liquidité au marché et aux intervenants les met ainsi dans le très inconfortable rôle de juge et arbitre...