Banques et investisseurs spéculent ouvertement sur la famine mondiale
par Napakatbra
mardi 3 juin 2008
Quand un site internet parie sur le décès de quelques stars, on parle d’excités, de déjantés et on conclut qu’internet est un repaire de désaxés dénués de toute morale. Alors quand la première banque belge, KBC, spécule ouvertement sur la famine mondiale, on dit quoi ? ... On ne dit rien. Parce que tout le monde le fait ! Tant qu’il y a du blé à se faire...
La pénurie d’eau, une opportunité financière...
KBC, la première banque belge, a proposé à ses clients un produit financier pour le moins épicé. Du 4 au 29 mars 2008, il y était en effet possible de souscrire à une assurance-vie dont la plaquette de présentation affichait ce slogan : "Tirez avantage de la hausse du prix des denrées alimentaires !" La banque y qualifiait d’"opportunité" la "pénurie d’eau et de terres agricoles exploitables" qui conduisent à "une pénurie de produits alimentaires et une hausse du prix des denrées alimentaires". On aurait pu formuler la chose autrement : "Plus nombreux sont les gens qui périssent de la famine mondiale, plus on se remplit le portefeuille"... Au beau milieu des images d’émeutes de la faim dans le monde entier, ça fait tache... une assurance-vie qui joue avec la mort !
L’affaire a été révélée par La Libre Belgique, le 6 mai 2008. Contactée par le quotidien, la banque défend bec et ongles son produit. Il s’agirait d’un produit comme un autre, et cite notamment l’aluminium, le pétrole ou l’or. Ensuite, la spéculation ne ferait pas augmenter les cours de ces matières premières alimentaires. "Ces prix se décident ailleurs", se défend un porte-parole de la banque. Et, enfin, cette assurance-vie permet aux contractants de se prémunir contre une trop grande envolée des tarifs, puisque leur portefeuille augmenterait d’autant.
L’émoi des gouvernants
Mais cette "explication" ne satisfait personne, ni les clients de la banque indisposés par le prospectus ni la classe politique belge. L’affaire a d’ailleurs été commentée par le chef de l’Eurogroupe en personne, Jean-Claude Juncker : "Faire monter les prix alimentaires pour son propre profit, accepter que la famine et la guerre soient de simples dommages collatéraux, c’est le contraire d’une économie de marché éthiquement fondée. Un comportement pareil est criminel (...) des millions de gens meurent de faim, car le monde ne fonctionne pas comme il faut", a-t-il déclaré à l’AFP samedi 24 mai. Autant dire que les arguments de KBC ne semblent pas l’avoir convaincu.
Spéculer sur la famine, une pratique généralisée ?
Mais finalement... KBC est-elle la seule banque à faire ça ? Sûrement pas. Rappelons-nous que Bloomberg rapportait le 20 août 2007 les conseils avisés de cinq des plus "respectés" investisseurs et conseillers financiers de la planète. Et ce n’est pas triste... Tous recommandaient d’investir massivement dans le secteur des denrées alimentaires, Goldman Sachs en tête. "S’il y a un ralentissement mondial de l’activité, ça n’affectera pas les produits agricoles car les gens continueront de manger (...) L’acier, le fer et le nickel souffriront, mais les gens continueront d’acheter du pain et des pommes de terre", déclarait Sean Corrigan (Diapason Commodities Management, Suisse) en charge d’un portefeuille de 6 milliards de dollars. "Il y a trois milliards d’Asiatiques (...) qui ne perdront pas leur appétit à cause d’un problème aux Etats-Unis", affirmait aussi Jim Roggers, ancien associé de George Soros. Pour Marc Faber, les prix des matières premières agricoles étaient relativement "attractifs", citant aussi les perturbations climatiques qui menacent et qui feraient monter les prix.
Qui s’est plaint à ce moment-là, il y a moins d’un an, en août 2007... ? Personne, sauf quelques dangereux activistes gauchisants, des arriérés, peut-être même des nostalgiques de feu l’URSS ! Les complaintes "autorisées", elles, ont commencé à se faire entendre lorsque les images des émeutes de la faim ont montré le bout de leur nez aux JT nationaux... Et Bernard Kouchner n’était pas en reste : "Il faut empêcher la spéculation qui s’abat sur les matières premières alimentaires comme le blé, comme le riz, pour éviter les risques de famine qui touchent les pays les plus pauvres" affirmait-il le 16 avril 2008 au perchoir de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Il a raison Kouchner, "il faut" ! Mais les banques et investisseurs n’ont pas dû être informées de la prescription de notre docteur national. Un oubli sûrement...
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Lire aussi : "Crise financière - Crise alimentaire : le cynisme comme philosophie officielle"
Sources : lesmotsontunsens.com, lalibre.be, lalibre.be (2), bloomberg.com, lemonde.fr.