Baron Louis ou Bernard Tapie ?
par usbek
lundi 27 juillet 2009
Ce titre étrange demande un mot préalable d’explication pour celles et ceux qui ne sont, pas familiers de l’histoire de l’Empire et des Restaurations. Le baron Louis (Joseph, Dominique Louis né à Toul en 1755) doit son titre de baron à Napoléon 1er qui lui donna des responsabilité importantes dans les finances de l’Empire. Dans la suite, il fut, à cinq reprises, ministre des finances dans les divers régimes successifs et sauva, dit-on, la France de la faillite.
La France a-t-elle trouvé son nouveau Baron Louis avec Louis Petiet, Président Directeur Général de Bernard Krief Consulting, qui, depuis quelques jours, occupe toutes les publications financières, mais également les médias. Si, à ma connaissance, nul n’a encore fait le rapprochement et l’à peu près auxquels je me livre ici, cela tient, sans doute, à la patente inculture de nos journalistes, mais surtout peut-être, à la modestie du personnage. Toutefois, peut-être est-ce aussi que, connaissant, lui, l’existence et le rôle du Baron Louis, il veut prévenir cette blague. Toujours est-il qu’il ne se présente pas dans toute la splendeur de son patronyme qu’il a réservée au seul « Who’s Who », où il montre moins de discrétion :
« Baron Louis, Marie, Jean, Didier Petiet, né à Neuilly-sur-Seine, le 5 juillet 1955, fils de Hubert Petiet, Industriel et de Mme née Micheline Labbé. Illustration familiale : son cinquième aïeul, Claude Petiet (1749-1806). Homme politique ».
Notre présent (ou futur ?) Baron Louis offre d’autres traits familiaux ou biographiques qui autorisent le rapprochement avec l’illustre financier homonyme ; le Baron Louis (le premier) avait, en effet, commencé sa vie dans les ordres et, avant d’être fait baron par l’empereur, on le nommait l’abbé Louis ; or, comme je viens de le rappeler, la mère de notre Baron Louis à nous est née « Labbé » et , par ailleurs, il rappelle lui même qu’il a fait ses études secondaires à Sainte-Croix de Neuilly. En faut-il davantage sur ce plan ? Sans doute non, car la suite est plus significative encore.
Bernard Krief Consulting (désormais BKC) est un cabinet de consultation, comme son nom l’indique ; depuis longtemps, BKC a pour activité centrale sinon unique « le conseil en développement de grandes entreprises ». Or, comme le rappelle, un très vieux dicton populaire français « Les conseilleurs ne sont pas les payeurs ». Le Baron Louis Petiet est devenu, en 1996, président-directeur général de BKC, au terme d’une quinzaine d’années d’activité de consultant. Toutefois le virage dans l’activité de BKC ne date que de 2003 quand, de simples consultant et société de « conseil stratégique et de marketing opérationnel », le Baron Louis Petiet et BKC commencent à se muer en « spécialistes du développement industriel ». BKC achète alors tous azimuts et, en trois ans, se lancent à la fois dans le textile ( DMC, fil et velours, la plus grosse acquisition), l’automobile (Walor, OPR) ou la maintenance industrielle et le développement durable (Isotherma). S’y est ajouté Heuliez qui, sous l’impulsion du Baron Louis Petiet et, selon ses propos, devrait, dès 2010, produire une voiture électrique à moins de 7000 euros. Peut-être Christian Lacroix viendra-t-il s’ajouter aux 19 autres sociétés que posséde déjà, à l’entendre, ce vendredi 24 juillet 2009, sur RMC, le Baron Louis Petiet, interviewé par Guillaume Caour.
On est d’autant plus porté à songer à un rapprochement avec le Bernard Tapie des années 80 que ce dernier s’est remis sur la scène financière avec l’affaire du Club Med. Guillaume Caour, plus incisif que Bourdin, a évoqué ce rapprochement pour s’entendre répondre que sur la vingtaine de sociétés qui a été reprise par BKC, aucune n’a été vendue selon la méthode souvent mise en pratique par Tapie. Il n’empêche que, s’agissant de Christian Lacroix, le possible repreneur n’a pas caché qu’il passerait de 125 salariés à une douzaine, ce qui peut être une façon de s’approprier, à très peu de frais, un nom et une marque de grand prestige.
Le PDG de BKC se défend de ne pratiquer qu’une simple politique affairiste et entend, par son action, illustrer un nouveau modèle industriel français. La stratégie est de s’engager dans des productions à forte valeur ajoutée, à attirer des investisseurs étrangers (pakistanais pour DMC et/ou porteurs de pétro-dollars) et surtout à pratiquer une gestion qui privilégie l’investissement, en limitant voire en supprimant toute rémunération du capital au profit de l’investissement ; il entend aussi réduire les charges d’état-major, privilégier les sites industriels, y implanter la gestion et proscrire les salaires exorbitants des managers. Tout cela est bel et bon et le désigne comme un digne successeur du premier Baron Louis ; toutefois, à certains égards, certaines mesures peuvent être plus apparentes que réelles. Des managers (on peut en citer des exemples, dont, à son époque, celui de Tapie, mais aussi celui de Christian Lacroix lui-même) peuvent tout à fait ne pas se payer du tout de salaire, mais percevoir, dans le cadre d’une autre société, liée à la première, des sommes considérables, venant, en fait, de la première entreprise.
Se pose aussi le problème de la provenance exacte des fonds très importants que supposent ces multiples acquisitions. G. Caour a eu le courage de la poser, mais s’est un peu trop vite satisfait d’une réponse quelque peu dilatoire du Baron Louis Petiet : la bonne gestion de BKC et les fonds ainsi accumulés par une politique d’économie. Les grenouilles peuvent parfois arriver vraiment à se faire aussi grosses que les boeufs !
L’aspect politique n’est pas à oublier ni à négliger ; peut-être le gouvernement a-t-il trouvé là l’icone de la relance à la française, rôle que les socialistes avaient un moment attribué à Bernard Tapie, tout en connaissant parfaitement et mieux que quiconque les zones d’ombre du personnage, au moment même on l’on en faisait un ministre. Le Baron Louis Petite est politiquement plus sûr, puisqu il est aussi, à ses heures, conseiller général UMP de l’Eure et de maire de Verneuil-sur-Avre.
Madame Lagarde n’a qu’à bien se tenir, le second Baron Louis est entré en piste !