Beaucoup de bruit pour rien !

par Michel Santi
vendredi 19 juin 2009

Certains économistes estiment qu’il est beaucoup trop prématuré pour la Réserve Fédérale Américaine d’assouplir sa politique expansionniste qui consiste à injecter des liquidités dans l’économie. Il est vrai que l’option encore la moins risquée aujourd’hui serait de maintenir le statu quo sur les taux d’intérêts US, le Nobel 2008 Paul Krugman affirmant effectivement - et probablement avec raison - que les mesures « agressives (de la Fed ) ont pour le moment écarté les dangers » permettant seulement à l’économie de son pays de « reculer de quelques inches loin du sommet de l’abysse »...

En fait, définir une politique monétaire appropriée se révèle toujours être un exercice délicat et incertain, notre période actuelle étant à cet égard particulièrement critique, et ce pendant que toute une faune d’analystes - dont je fais partie - décortique confortablement et a posteriori les décisions - bonnes ou mauvaises - des autorités monétaires… C’est ainsi qu’après avoir réduit considérablement ses taux d’intérêts durant la période 2000-2002, la Fed n’a pas jugé bon d’entamer un resserrement de sa politique monétaire par la suite dès lors que l’économie US renouait avec la croissance entre 2003 et 2004. Erreur de jugement maintes fois stigmatisée - y compris par moi – quoique n’ayant pas nécessairement attisé les pressions inflationnistes mais ayant à tout le moins ouvert la voie à une tendance lourde de politique du crédit excessive via un coût de l’argent dérisoire ayant entraîné tous les artifices et excès d’investissements que l’on connaît.

La Banque Centrale Américaine n’en était certes pas à sa première erreur d’appréciation mais, à sa décharge, comment prendre des décisions optimales dans un monde en constante évolution et dans un contexte où même les informations à sa disposition sont souvent incomplètes, parfois tronquées ? La tentation étant donc grande de passer d’une extrême de politique monétaire à une autre en un temps record même si nos autorités monétaires essaient tant bien que mal de naviguer entre ces deux extrêmes sachant qu’il est évident que, parvenus au stade actuel des taux zéro, ces derniers sont condamnés à être relevés...

L’exemple Japonais reste toutefois omniprésent, la Banque du Japon ayant été historiquement la toute première Banque Centrale d’importance à pratiquer les baisses de taux quantitatives afin de guérir son économie de la plaie déflationniste. Suite à une période restrictive de ses taux au début des années 90 ayant abouti à une inflation négative et à une descente aux enfers de son marché immobilier, la Banque du Japon dut ainsi se résoudre à parachuter force liquidités sur l’ensemble de son économie, réussissant enfin à faire remonter son taux d’inflation de -1.6% en 2001 à 2% en 2008...avant que ce dernier ne redevienne négatif aujourd’hui et qu’elle ne retrouve ses vieux réflexes de politique hyper expansionniste, comme toutes les autres Banques Centrales des pays développés du reste ! 

Quant à l’inflation Américaine particulièrement basse de l’ordre de 1% en 2002 qui progressait à 5% en 2008, elle enregistre néanmoins une hausse intéressante sur le premier trimestre 2009 puisqu’elle se situe à 2.3%, soit en hausse notable par rapport au dernier trimestre 2008 où elle était à 1.7%, et ce sous l’effet naturellement inflationniste des multiples stimuli US et en dépit de la conjoncture fortement récessionniste...

Les pouvoirs thaumaturgiques d’une Banque Centrale consistant à pouvoir créer de la monnaie à partir du néant ont donc une conséquence directe et incontestable sur le contexte inflationniste de son économie. La politique monétaire est - et reste - donc un instrument puissant à disposition d’une Banque Centrale dont elle n’hésite pas à faire usage afin de parvenir à ses objectifs. La bureaucratie et la politique manipulent souvent maladroitement et hors contexte - quand elles n’en abusent pas - de cette arme de politique monétaire dont Friedman avertissait il y a longtemps déja qu’elle déroulait ses effets de manière variable et sur le long terme. Toujours est-il que la politique excessivement expansionniste de la Fed dans le cadre de la crise actuelle consistant en une création massive de monnaie mais qui pour autant ne satisfait qu’à grand peine la quête effrénée des marchés en liquidités libellées en dollars n’a pas les effets inflationnistes théoriquement escomptés du fait d’une consommation US plus que jamais sinistrée.

De fait, le consommateur et citoyen Américain moyen, qui ne peut plus se permettre aujourd’hui d’emprunter - ou qui n’en a plus envie ? - ne profite plus que très marginalement à son industrie bancaire nationale. Pourquoi en effet s’acharner à prêter au citoyen Américain qui n’est plus en mesure d’emprunter pour consommer encore et toujours et ce même si le système bancaire US lui doit son renflouement ? Les établissements Américains gagneraient bien plus à accorder des crédits aux ménages Chinois par exemple dont la capacité d’emprunt - et l’enthousiasme - sont intacts et dont l’économie connaît toujours la croissance en lieu et place de tenter encore et toujours le consommateur Américain dont le risque de défaut est inversement proportionnel aux profits réalisés par les Banques US dans leur propre pays ! A l’instar des délocalisations des entreprises Occidentales motivées par des salaires et des charges sociales réduits, la course à l’efficience et la pérennisation des profits des actionnaires bancaires imposeraient de recentrer tout naturellement les activités de l’industrie bancaire Américaine vers les pays du BRIC dont la capacité d’endettement des citoyens est substantielle et en pleine progression. N’est-ce pas là une manière comme une autre de redistribuer les richesses ? 


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