Berlin impose ŕ la BCE une re-nationalisation des politiques monétaires

par Laurent Herblay
vendredi 23 janvier 2015

Hier, la Banque Centrale Européenne a annoncé un nouveau plan pour relancer l’activité dans la zone euro. Il serait temps, alors que la zone n’est pas parvenue à sortir de la torpeur depuis la crise de 2008 et que les prix sont passés en négatif. Mais le plan annoncé est révélateur par bien des aspects.

4ème vague d’assouplissement
 
Le plan annoncé par la BCE n’est pas le premier depuis ces dernières années. Déjà, elle avait eu recours à des mesures non conventionnelles pendant le gros de la crise. Puis, il y avait eu les 1000 milliards prêtés aux banques fin 2011, début 2012. Enfin, à l’été 2012, la BCE avait acheté quelques dettes souveraines des pays en délicatesse avec les marchés pour calmer la spéculation, cassant la montée des taux. Depuis, elle se contente de jouer sur les taux, mais ce levier est plus bien limité que l’utilisation de son bilan, comme le montrent les cas étasunien, britannique ou japonais. L’amplification des pressions déflationnistes, avec la baisse des prix de 0,2% en décembre, imposait une nouvelle réponse.
 
Le montant du programme, pourtant qualifié par des termes très emphatiques, n’est pas si colossal que cela. Après tout, la BCE avait mis 1000 milliards sur la table en trois mois au tournant de 2012. Ici, elle va mettre la même somme en jeu, mais sur près d’un an et demi, et avec la possibilité de ralentir le rythme si elle le souhaite. Ce faisant, en annonçant le rachat de 60 milliards d’euros de bons du trésor par mois, elle réplique le dernier plan de la Fed qui avait racheté jusqu’à 85 milliards de dollars de titres par mois, avant de le réduire devant la reprise économique outre-Atlantique. Ce plan est finalement moins ambitieux que ce que la Fed ou la Banque du Japon ont fait ces dernières années.
 
Un plan plus national qu’européen

Mais par-delà le montant, qui ne devrait qu’apporter un petit stimulus à l’économie européenne, ce sont les détails des modalités qui sont révélatrices, Comme annoncé par Emmanuel Lévy sur Marianne, la BCE a opté pour un plan de rachats des dettes souveraines principalement au niveau national. Seuls 20% des bons du trésor rachetés le seront collectivement, les 80% restant l’étant de manière nationale, la Bundesbank rachetant les bons allemands et la banque grecque les titres grecs. Mieux, les rachats se feront à proportion de la part de chacun au sein de la BCE. En clair, sur les 1000 milliards, ce sont près de 300 milliards qui iront vers les Bund allemands et 20 vers les titres grecs, dont 80% en plus seront achetés par la banque centrale nationale et ne seront pas portés par la collectivité.

En effet, du fait de l’opposition de l’Allemagne et de ses pays alliés, il a été impossible de se mettre d’accord pour un rachat de titres à l’échelle européenne. Alors que les Grecs semblent sur le point d’élire une majorité qui demande une restructuration de la dette qui se solderait par une perte pour les pays créditeurs, il est naturel que ses derniers rechignent à augmenter encore le montant de dettes qu’ils détiennent sur des pays qui pourraient ne pas rembourser tout ce qu’ils doivent. Bref, ce faisant, se produit une renationalisation des politiques monétaires. Et en se prémunissant de toute collectivisation des dettes publiques, Berlin facilite aussi un prochain démontage de la monnaie unique, partiel ou complet.
 
Ce plan, aussi tardif que limité, pourrait, avec la baisse de l’euro, apporter quelques dizièmes de point de croissance, qui ne seront pas un luxe, même s’ils ne changeront pas grand chose. Et les détails du plan démontrent une renationalisation des enjeux de mauvais augure pour la monnaie unique.

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