Brèves analyses iconoclastes sur le marasme économique

par Bernard Dugué
vendredi 21 novembre 2008

La bourse française a clôturé sous les 3000 points. Plus bas niveau depuis 5 ans. Comme d’ailleurs Wall Street dont les indices ont perdu 5 points lors de la précédente séance. Le Nikkei est plus bas qu’il y a 20 ans. Quant aux Français, ils se plaignent d’être mal informés. Le Cac perd 10 points, whaouhhhh….. le Cac gagne 10 points, oaahhhhh…. On dirait une partie de montagnes russes. Certes, c’est caricatural mais force est de constater que des commentaires désinvoltes coexistent avec des analyses plus poussées de gens qui savent mais parfois, cela vire au jargon financier et nous ne sommes pas plus avancés. Alors je m’y colle pour quelques brèves, revendiquant le droit de commenter l’économie tel un Pécuchet échappé de son asile flaubertien. 

La bourse baisse, est-ce grave docteur ? Pour ceux qui ont des actions oui, mais pour l’économie il faut en discuter. C’est toujours avec un ton grave que le monsieur à la télé annonce les krachs à répétitions. Pourtant, un Cac à 3000 points n’a rien d’inquiétant. Les indices boursiers c’est un peu comme la pression sanguine, ça monte et ça baisse. Les premiers lésés sont en fait les boursicoteurs qui veulent faire rapidement du bénef. Ils peuvent gagner gros mais perdre aussi puisqu’à ce jeu, les perdants financent les gagnants. C’est comme au loto sauf qu’il y a très peu de gagnants financés par des millions de petits perdants. Un boursicoteur ayant acheté en août, avec un Cac à 4300, croyant que ça vaudrait 5500 en décembre, se trouve bien démuni, surtout s’il a mis toutes ses économies et qu’il a besoin de récupérer sa mise. Cet exemple extrême permet de comprendre que la bourse est faite en premier lieu pour financer l’économie et qu’on place ou on investit sur le long terme, bien que les échanges entre traders se fassent à la vitesse du son. Il nous faut donc raisonner sur un type qui a investi il y a cinq ans, avec un Cac à 3000, qui se retrouve avec la même somme d’action. Faut-il le plaindre ? Non car on oublie une chose, c’est qu’une action n’est ni un lingot ni une toile de maître. Elle rapporte chaque année des dividendes. Et donc ce type a quand même gagné et sur le long terme, il sera encore gagnant s’il conserve ses actions pendant cinq ans, le temps que ça remonte vers les 4000 puis 5000.

Pourquoi la bourse baisse ? Oui, pourquoi ça a baissé si vite alors que les gens sérieux devraient garder leurs actions et ne pas paniquer. Deux facteurs ont joué, l’irrationnel, avec des fluctuations jamais vues liées aux paniques, suite aux annonces faisant état de possibles faillites de banques, mais aussi d’une modeste mais soutenue récession. A cela ajoutons que beaucoup se sont retirés de ce marché ce qui explique la somme de 25 000 milliards qui, contrairement à ce que disent certains politiques pour impressionner et jouer les chevaliers blancs de la finance, n’ont pas disparu mais se sont retrouvé ailleurs. Et pas seulement dans les paradis fiscaux. On oublie que les fonds de pension sont les principaux investisseurs et que dans un coin d’Amérique, on trouvera des tas de types comme Joe le retraité, qui vient de fêter ses 68 balais, qui se dit que l’avenir est incertain et qu’il serait temps de profiter encore un peu avant que ses articulations ne soient bouffées par l’arthrite. Si nous avions été à la place de Joe, nous aurions tous vendu nos actions, au bon moment, avant que ça plonge. En France, rien d’étonnant tous ces livrets A ouverts. Sans doute beaucoup ont imité Joe et vendu quelques milliers d’euros en action. En fin de compte, c’est un mauvais calcul que de se retirer maintenant, d’autant plus que quelques analystes prédisent un Cac à 4000 pour fin 2009. Les rusés attendent le bon moment pour acheter. Ils sont de plus bien informés. Plus globalement, il serait trompeur d’incriminer les seuls financiers dans ce marasme. Trop facile, les coupables désignés, n’est-ce pas M. Rocard et Sarkozy ? L’économie réelle a été asséchée par la spéculation immobilière que les politiques n’ont pas voulu enrayer alors que c’est un poison pour l’économie. Et les banques centrales ont injecté des tas de liquidités, favorisant cet assèchement spéculatif. Les gens n’ont plus de sous pour acheter des biens de consommation une fois le loyer ou le crédit payés. Par contre, la consommation des classes possédantes et supérieures a bien tenu pendant cette décennie.


Ford et GM au bord de la faillite, est-ce grave docteur ? Oui, surtout pour tous ceux qui vivent grâce à ces entreprises. Mais comme l’ont bien jaugé les élus du Congrès, si ces deux constructeurs en sont arrivés là, c’est parce qu’ils n’ont pas bien géré leurs investissements, refusant de s’adapter aux nouvelles dispositions du marché. Pourquoi produire tant de véhicules dont les gens ne veulent plus. Cela ressemble à la Camif ou à Manufrance, mais en mille fois plus gros. Quant à la crise du marché automobile européen, elle est aussi du même ressort. Les constructeurs ne peuvent quand même pas escompter vendre indéfiniment leurs modèles. A un moment, le marché est saturé et le père de famille décide de garder sa vieille caisse lui rendant de bons services plutôt que de faire l’impasse sur des tas de nécessités ou plaisirs pour s’offrir de beaux chromes avec la conduite automatique. La politique de Carlos Ghosn, PDG de Renault, prêt à sortir des tas de nouveaux modèles, relève de la technique du gavage. Il prend les gens pour des canards consuméristes. Les mouvements boursiers traduisent ainsi cette mutation dans le système productif et le marché des consommateurs. Nous n’avons encore rien vu. Où en serons-nous quand le baril vaudra 300, 500 dollars d’ici 5 ou 10 ans ? Pour l’instant, l’économie vit son ralentissement. Ce n’est pas une mauvaise chose que le retour à la sagesse dans la consommation. La nouvelle devise, consommer moins pour ne pas devoir travailler plus. Ce qui nous conduit au dernier sujet…


Sarkozy gère-t-il bien la crise ? Pour être honnête, je ne saurais apprécier toutes les mesures, étant dépourvu d’information sur ce qui est effectif, et les dizaines d’annonces dans les médias. Sarkozy s’agite de toutes parts, montrant qu’il prend les affaires en mains. Mais est-il un bon pilote avec des bonnes informations sur les conditions de vol économique ? Il y a quand même une mesure critiquable, c’est cette histoire de fonds souverains. En général, ces fonds d’investissement sont générés par des balances commerciales excédentaires. Les pays du Golfe et la Chine (qui va prendre des positions dans l’assurance américaine) sont concernés. Mais ces fonds suscitent parfois des réactions d’orgueil patriotique. On se souvient des Américains qui n’ont pas voulu qu’un de leurs ports soit racheté par les Emirats. Sarkozy réagit non pas en économiste mais en patriote avec la création de ces fonds décidés à contresens des réalités économiques car la France a un commerce déficitaire et de plus, elle a une déficit budgétaire déjà bien lourd, sans compter la dette. En plus, ces mesures ne pèsent pas lourd à l’échelle de notre économie et selon un analyste (Le Monde) elles n’ont aucune raison d’être. Bref, de quoi servir d’angle d’attaque pour le PS, quand Martine et Ségolène auront fini de se crêper de chignon. Pourquoi Sarkozy sort-il 6 milliards de la poche de l’Etat pour ces fonds orgueilleux alors que les hôpitaux, l’école, le Rsa et aussi ces universités délabrées manquent de moyen. Il se dit même qu’un tribunal n’a plus de quoi acheter des timbres et ne peut plus envoyer les convocations aux prévenus. Mais nous, Français, sommes prévenus, sur ces timbrés qui nous gouvernent !


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