2. Brevets, copies et corruption

par Michel Koutouzis
samedi 4 juillet 2009

 En juin 2004, la SEC (Securities and Exchange Commission) a imposé un demi million de dollars de pénalité à Schering-Plough pour des pratiques frauduleuses prévues par la « Foreing Corrupt Practices Act (FCPA). En termes triviaux, la américano-polonaise Schering-Plough avait financé « charitablement » la restauration de châteaux moyenâgeux en Silésie en échange de la distribution de ses propres médicaments aux hôpitaux et dispensaires polonais. Mais ce n’est rien : En 2001, TAP Pharmaceutical Products a versé 875 millions de dollars au Trésor américain pour échapper à des poursuites de « corruption criminelle ». Ce n’est un secret pour personne qu’une partie significative des budgets des compagnies pharmaceutiques est utilisé pour la « promotion au sein des médecins » de leurs produits. La promotion se fait, outre les commerciaux pharmaceutiques » par des invitations tous frais payés à des « séminaires » aux Caraïbes et autres « croisières d’information ». Le ministère de la santé britannique a édité en 2005 un rapport sur « les influences de l’industrie pharmaceutique » exigeant « une plus grande transparence de ces pratiques, des régulations supplémentaires pour stopper ces mécanismes de concurrence faussée ». 

Ces pratiques, qui connaissent en Europe et aux Etats Unis les quelques limites concédées à l’Etat de Droit, ne connaissent aucune retenue au sein des pays du sud. L’OMS, qui avait en 1988 proposé « des critères éthiques pour la distribution des médicaments » a conclu, dix ans plus tard, que non seulement ses propositions n’avaient pas été suivies mais qu’au contraire « le phénomène prenait de l’ampleur au sein des pays industrialisés et émergeant » L’OMS concluait, sas pouvoir agir au-delà que « l’autorégulation du secteur avait été insuffisant ».

La distribution sous influence des produits pharmaceutiques sous licence n’est pas, et de loin, le plus important. Se décline aussi, faute de régulation universelle, le concept de la standardisation médicamenteuse. Les standards exigés d’un même médicament ne sont pas les mêmes pour la France et l’Egypte, la Suède et l ‘Ouganda, l’Allemagne ou la Tanzanie. Ainsi se met en place une double ou triple production, couverte par la même licence mais destinée à des pays plus au moins exigeants. En soit, la pratique n’est pas vraiment « éthique », mais il y a pire : rien ne différenciant le produit, celui ci reste légal par rapport à une destination devient sous - standard pour une autre. Seule la destination garantit la légalité et souvent celle ci change au milieu de l’océan pour atteindre d’autres rivages. Les grandes compagnies pharmaceutiques se couvrent du fait que toutes, sans exception, sous-traitent sous licence une partie de leur production dans des pays tiers, comme l’Inde, la Chine, l’Ukraine, etc., sachant pertinemment tous les risques que cela implique. Elles « s’étonnent » ensuite (et parfois accusent ces pays), de la production de faux, de génériques non conformes, ou de copies frauduleuses. La course à la licence, porte désormais moins sur le produit lui même que sur le brevet et la propriété intellectuelle. Les compagnies pharmaceutiques déploient un arsenal juridique imposant pour breveter des médicaments existant ou ayant été inventé ailleurs (changeant quelques paramètres sur le principe actif ou la composition) et essaient de l’imposer universellement. Les procès sur la « propriété intellectuelle » (comme celui qui oppose les Médecins sans frontières et le gouvernement indien à une d’elles sur un composant de la tétra thérapie anti SIDA), deviennent leur passe temps favori. En ce sens, elles sont responsables de l’industrie florissante des faux dont elles préfèrent par ailleurs occulter l’importance. Elles sont aussi responsables, car elles sont à la source, de la suspicion globalisée qui entoure les génériques. C’est-à-dire des principes actifs passés au domaine public. 


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