Brexit : l’angle mort du commerce extérieur

par Laurent Herblay
mardi 27 août 2019

Dans les médias, trop souvent à très courte vue, la cause est entendue : un « no deal » serait une folie pour Londres et provoquerait des pénuries, qui pourraient presque être dignes de Caracas ou La Havane… Mais le parti-pris effarant des média cache la position renforcée de Londres, qui, outre le fait d’être prête au « no deal », dispose d’un atout considérable : ses échanges commerciaux avec l’UE.
 

 

265 milliards d’exportations, 172 d’importations
 
Il est proprement effarant que ces chiffres ne soient pas constamment rappelés dans les débats sur le Brexit. Si la Grande-Bretagne a vendu pour 172 milliards de livres de produits au reste de l’UE, elle en a acheté pour 50% de plus en 2018, 265 milliards ! En clair, si les échanges entre la Grande-Bretagne et le reste de l’UE s’effondraient après la sortie de Londres, l’UE a 50% de plus à y perdre que nos voisins d’outre-Manche. En réalité, la pression est bien davantage sur l’UE, pour peu que le gouvernement britannique soit prêt à un « no deal », ce qu’il est aujourd’hui. Il est effarant que ces simples chiffres ne soient pas davantage rappelés, tant ils créent un rapport de force déséquilibré.
 
En outre, ces chiffres varient par pays. Certains vendent jusqu’à deux fois plus à la Grande-Bretagne qu’elle ne leur vend : l’Allemagne (68 milliards contre 35), les Pays-Bas (41 contre 25), la Belgique (26 contre 14) ou l’Italie (19 contre 11). Pour ces pays, il est difficile de ne pas imaginer que les dirigeants vont s’afférer pour trouver un accord et peser contre les ayatollahs eurocrates. C’est particulièrement le cas de Berlin, dont le PIB a reculé de 0,1 point au second trimestre. Une forte baisse des exportations vers le Royaume-Uni plongerait définitivement le pays en récession. On voit bien aujourd’hui que Berlin pèse de tout son poids pour assurer un accord avant la sortie, ou faciliter le « no deal »…
 
Bien sûr, en prenant en compte les services, le décalage est moins important (345 milliards d’importations et 289 d’exportations), mais une partie de ces échanges pourraient être moins touchés par la sortie de l’UE car les frontières pèsent moins pour leurs échanges... Et, de toutes les façons, le vaste déficit de Londres met la pression sur le reste de l’UE : si la Grande-Bretagne vend moins, elle peut provoquer une baisse encore plus importante des ventes de ces anciens partenaires… Gageons qu’à la fin, un accord finira par être trouvé pour limiter le plus possible, au moins temporairement, les barrières aux échanges, afin de ne pas peser sur des économies finalement souvent assez fragiles.
 
Je me pose également la question du risque réel de pénurie en Grande-Bretagne. En effet, les entreprises des pays qui vendent outre-Manche auront toujours autant intérêt à y vendre et je ne vois pas ce qui pourrait les pousser à moins le faire. Idem pour Londres : en quoi l’Etat aurait-il intérêt à créer des pénuries qui pourraient peser sur la population ? Ne peut-on pas imaginer que Londres mettra en place des procédures simplifiées pour assurer que les britanniques ne manquent de rien d’important ? Par important, s’entend des médicaments, le pétrôle ou certains produits alimentaires, mais bien moins les Volkswagen, Audi, BMW ou Mercedes, que l’Allemagne, en revanche, a besoin de vendre.
 
Voilà pourquoi le commerce devrait peser lourdement dans les dernières discussions. Boris Johnson tient entre ses mains quelques points de PIB des pays avec qui il négocie. Il a souvent moins à perdre qu’eux. Autant dire qu’en étant prêt à une absence d’accord, il pourrait obtenir des concessions de dernière minute, ou alors des facilités aux échanges en absence d’accord…

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