Bulle immobilière au Maroc (1) ?

par Laurent Bervas
vendredi 28 décembre 2007

Installé au Maroc depuis quelques années, j’observe, comme professionnel, les évolutions du marché de l’immobilier local. Alors que le royaume semble séduire de plus en plus d’étrangers, on peut se demander si c’est le moment d’acheter.

A Casablanca, Marrakech ou Tanger les prix de l’immobilier ont été multipliés par 2 (voire plus) ces 4 ou 5 dernières années. Difficile de déterminer s’il y a ou non une bulle immobilière au Maroc (comme n’hésitent pas à le dire certains journaux). Pas facile d’anticiper une baisse prochaine car, même avérée, une bulle met souvent plusieurs années à éclater (1). Sans prétendre vous faire de grandes révélations, je vais essayer de mettre en évidence quelques données spécifiques du contexte marocain pour vous aider à vous faire votre propre opinion. J’ajoute que je me suis intéressé, dans mon tour d’horizon, aux programmes immobiliers dits de « standing » à destination d’une clientèle, marocaine et étrangère, aisée.

Dans ce premier article, je voulais commencer par relever quelques anomalies qui font suspecter l’existence d’une bulle immobilière au Maroc.

Anomalie n° 1 : peu de transparence sur les prix
La première anomalie est qu’il n’y a peu (ou pas) de statistiques officielles sur le prix des transactions. L’opacité, sur le prix du neuf, est la conséquence de l’existence d’une partie de « noir » dans les transactions (on parle de 15 à 20 % en moyenne (2)). Pour cette raison, les promoteurs, dans leur grande majorité, font peu de publicité sur leur prix. Ainsi, la formation d’un prix de marché échappe en grande partie au mécanisme de l’offre et de la demande : le prix c’est celui que l’acheteur est prêt (psychologiquement) à payer. Cela permet à certains promoteurs, grâce à des campagnes de communication massives, d’imposer leurs grilles prix...

Anomalie n° 2 : les marges des promoteurs immobiliers sont souvent « indécentes »


On parle souvent de marges de l’ordre de 30 % (je pense même que certains programmes génèrent plus que cela). Pour comparer, un promoteur immobilier en France est content s’il réalise une marge de l’ordre de 5 %. Quand il faut 10 %, c’est « l’extase ». Ces marges élevées sont le signe évident d’une absence de véritable concurrence. L’absence de concurrence permet au promoteur, comme indiqué plus haut, de « fabriquer  » un prix, indépendamment de la valeur intrinsèque du bien.

Anomalie n° 3 : il n’y a pas tant d’étrangers que cela
Combien d’étrangers achètent vraiment ? Personne ne le sait vraiment (Jeune Afrique dans le dossier cité ci-dessous avance le chiffre de 70 000 acheteurs étrangers). Ce que l’on peut dire c’est que les Marocains restent encore, et de loin, les principaux acheteurs de bien immobiliers de luxe (j’ai pu le vérifier à plusieurs reprises en étudiant des listings de ventes de programmes immobiliers de référence). Cela implique que la spéculation n’est pas du fait d’une forte demande des étrangers.

En fait, m’expliquait un professionnel, il suffit de 20 % à 25 % d’étrangers pour faire monter (artificiellement) les prix. Les étrangers achètent les biens sur une base élevée et cela rend le marché « liquide ». L’acheteur marocain qui a acquis son lot en tout début de projet peut alors, s’il le désire, réaliser une plus-value.

Un article de Jeune Afrique consacré à l’immobilier marocain terminait d’ailleurs sur la conclusion suivante :

« ... et si l’engouement pour l’immobilier de loisir marocain ne reposait que sur une poignée d’Européens, et pas plus ? »

En final, nous avons bien tous les ingrédients d’une spéculation immobilière déconnectée de la réalité. Le mécanisme fonctionne de la manière suivante : un promoteur commence à mettre en vente son programme immobilier à 15 000 dh du m2 et relève petit à petit les prix, jusqu’à vendre les derniers lots à 20 000 dh du m2. Cela lui permet de conforter les premiers acheteurs dans l’idée qu’ils ont fait une bonne affaire et les encourage à acheter le nouveau programme encore plus cher.

De l’avis de tous, les prix sont anormalement élevés au Maroc. Acheter un bien immobilier à 2 000 euros du m2 à Marrakech ou Tanger est élevé et le prix du foncier n’est pas la seule raison. Dans le prochain article j’essaierai de voir si l’on peut attendre ou non une baisse significative des prix dans un avenir proche...
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(1) En France, on parle d’une bulle immobilière depuis 3 ou 4 ans, mais on commence tout juste à en voir les prix baisser légèrement.
(2) Il se trouve que je suis très à l’aise pour parler de ce sujet, vu que notre agence ne fait pas de transactions sur les ventes de particuliers. Les transactions que nous faisons sont à destination des professionnels où il est difficile de gérer du « noir » dans les transactions.


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