Capitaliste... anticapitaliste ?
par Aimé FAY
mardi 18 novembre 2008
La crise est là, en France, profonde depuis plusieurs trimestres ! Elle touche un grand nombre d’agents économiques et notamment les plus fragiles. Beaucoup crient haro sur le capitalisme, car il serait à la base de tous les maux de notre société. Alors, certains rebondissent sur cela pour créer un parti anticapitaliste. Quand on parle d’anticapitaliste et donc aussi de son contraire, le capitaliste, de quoi parle-t-on ?
Le capitaliste ?
Le terme de capitaliste trouve sa racine dans le mot capital qui exprime l’ensemble des biens possédés par un agent économique et principalement, dans le langage courant, les biens monétaires, c’est-à-dire ceux en monnaie sonnante et trébuchante. Dans le détail, il s’agit aussi des biens matériels et immatériels, mais … passons, pour simplifier le propos.
Donc, le capitaliste est l’agent économique qui dispose de capitaux. Et, comme toute personne disposant de capitaux, de fonds, si minimes soient-ils, il se doit de les faire fructifier s’il ne veut pas les voir rogner, mois après mois, par la simple usure du temps qui s’écoule et par l’inflation.
Parmi les nombreux moyens que le capitaliste a de tirer un revenu de ses capitaux, il y a celui qui consiste à les apporter à une entreprise pour lui permettre de se développer, d’acquérir des moyens de production et, in fine, de créer des postes de travail et … des emplois. C’est dans ce cas très précis que la société parle de capitaliste et aussi de son corollaire en termes de modèle économique, le capitalisme.
Jamais le terme de capitaliste n’est employé pour désigner un agent économique qui place ses capitaux sur des comptes à terme ou des comptes d’épargne réglementée.
Donc, soyons clairs, le capitaliste est bien celui qui a l’appropriation, grâce à ses moyens financiers, du capital technique, c’est-à-dire du capital fixe de l’entreprise, représenté par des moyens de production tels que : les bâtiments, les terrains, les machines, les matériels divers, les brevets, etc. Au niveau comptable, le capitaliste est celui qui permet de financer l’actif immobilisé et aussi … le fonds de roulement.
A partir de ce postulat – largement développé par Karl Marx dans le livre I de Capital en 1867 et aussi, bien avant lui, par Adam Smith dans Richesse des nations, cent ans avant, en 1776 – on peut admettre facilement que, pour qu’une entreprise fonctionne, il lui faut nécessairement un minimum de capital technique, immobilisé, et donc un capitaliste pour le lui financer. Ne serait-ce que pour acheter un téléphone, un bloc de papier, une gomme et un crayon.
Le bourgeois ou l’Etat ?
Personne physique ou personne morale, qui se cache derrière l’agent économique dénommé capitaliste ?
Selon le modèle de société dans lequel on se trouve, le capitaliste sera issu :
1° soit de la sphère privée et portera alors le nom de capitaliste, tout simplement ou d’apporteur de capitaux ou de capitaliste risqueur. Mais, pour certains, il sera quand même affublé du terme péjoratif de capitaliste suppôt du grand capital.
2° soit de la sphère étatique et sera alors le symbole d’un système dirigiste ou collectiviste. Pour certains, il sera représentatif de l’appropriation normale, par le prolétariat, des moyens de production, comme dans les Etats communément appelés : démocraties populaires.
3° soit d’un mixte des deux. Il sera alors la pierre angulaire d’un modèle nommé : économie moderne et sociale de marché. Pour certains aussi, ce sera le symbole de l’Etat providence. Mais, pour d’autres, partisans d’un Etat omniprésent dans le financement du capital technique de l’entreprise, ce modèle sera quand même celui d’un capitalisme pur et dur.
Alors, prôné un anticapitalisme, cela veut dire quoi ? Etre contre le capitalisme privé ? Etre contre le capitalisme d’Etat ?
Anticapitalisme, comment ce modèle fonctionne sans capitaux ?
Si l’on supprime le capitalisme privé, il faut dire comment, celui restant, le capitalisme d’Etat, fait pour faire des profits et disposer des capitaux nécessaires à la modernisation de son outil de production, sans parler de son achat initial ?
Il semble, a priori, difficile de vivre dans un système économique où l’achat, comme le renouvellement de l’outil de travail et sa modernisation, n’existent pas. Ceux qui sont allés à Cuba, ont pu constater, in situ, où conduit le capitalisme d’Etat. Une grande partie de l’actif immobilisé de ce pays, n’a pas été changé depuis presque un demi-siècle.
Malgré ce constat peu rassurant sur le capitalisme d’Etat, il semble entendu que, quand on parle d’anticapitalisme, il faille comprendre, bien que cela semble absurde, la suppression totale du capitalisme privé. Sinon, les mots n’ont plus de sens !
Sans profit, les capitaux doivent forcément tomber du ciel !
La question précédente conserve toute son actualité : comment le nouveau capitaliste, qui veut se passer du privé, fait-il pour acquérir puis ensuite maintenir son outil de production compétitif, sans prendre une part du profit … de ceux qui sont chargés de le faire fonctionner ? Profit que Marx appelle "plus-value" et attribue d’ailleurs aux seules forces du prolétariat. Forces, qui doivent en être les uniques bénéficiaires, selon lui.
Absence de capitalistes : ni Marx, ni Engels n’ont vraiment apporté de réponse pour y remédier sur le long terme.
Marx a longuement posé et détaillé la question dans le premier livre de Capital, publié en 1867. Mais, malgré les seize années qu’il vécut ensuite, il n’y a jamais répondu. Il laissa le soin à Engels de le faire, tout seul comme un grand, dans les trois autres livres de Capital. Et, Engels n’a pas, lui non plus, apporté de réponse.
Ce qui est sûr c’est que, quand Marx dit "le capitaliste se condamne lui-même" il ne dit jamais vraiment de quel capitaliste il s’agit : du capitaliste privé bourgeois ou le capitaliste bourgeois d’Etat ? On sait aujourd’hui que le capitalisme bourgeois d’Etat n’a pas su répondre de manière optimale aux besoins de ses peuples et, il s’est effondré, laissant la place à l’autre modèle capitaliste.
L’ignorance des peuples est-elle une raison suffisante ?
Le capitalisme privé, bourgeois ou pas, même imparfait, reste le modèle vers lequel tous les pays désirent aller, quand leur peuple est libre de s’exprimer et de faire connaître son choix par les urnes, naturellement. Ce modèle ne subira pas, du moins à l’horizon visible, le même sort que le capitalisme d’Etat, car il est avant tout démocratique, flexible, diversifié, très atomisé et, n’est pas du tout monolithique, rigide et dogmatique. Même si, contrairement à Spinoza, l’anticapitaliste croit toujours que "l’ignorance des peuples est une raison suffisante" pour imposer son modèle !
Ainsi, le capitalisme privé, malgré une ou deux grandes crises par siècle, s’adaptera et se régulera comme il a toujours su le faire et, il continuera à attirer les peuples à la recherche d’outils qui créent de la richesse et non qui la détruisent plus ou moins lentement.