CATERPILLAR, c’est d’abord un problème macro…

par xavier dupret
samedi 1er octobre 2016

Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !

(Paul Verlaine, Art poétique)

L’annonce de la fermeture de Caterpillar a secoué la Wallonie. Et plus particulièrement, la région de Charleroi qui ne demandait pas tant de mépris. Les commentaires et les approximations en tous genres n’ont pas manqué de meubler le temps de cerveau disponible du Wallon moyen. Qui, lui non plus, ne me demandait pas tant de mépris. Les thèses que développera cette analyse sont les suivantes.

La politique de Caterpillar correspond à un choix délibéré et déjà fort ancien de réduction des coûts salariaux qui a d’abord commencé aux Etats-Unis. Les goulets d’étranglement actuels dans la demande des biens produits par Caterpillar ne constituent, dès lors, qu’un prétexte pour approfondir cette ligne managériale. Cet approfondissement conduit, aujourd’hui, à des mouvements de restructuration qui sont susceptibles de marginaliser l’Europe occidentale du point de vue du maintien de ses capacités industrielles. Au passage, nous proposerons une hypothèse concernant le site de Grenoble qui a été relativement épargné. Elle montre les liens entre Matignon et l’actionnariat de Caterpillar. L’ensemble de ces développements nous amènera à développer une série de pistes de stratégies économiques alternatives. Nul n’ignore que le dossier Caterpillar aussi fait couler de l’encre au sujet des intérêts notionnels. Nous relativiserons la portée de certains chiffres dans la quatrième partie de cette note. Pour le surplus, et ce n’est pas un détail, on signalera que les hypothèses développées dans la suite de ce document se situent toutes en rupture avec les témoins et chroniqueurs invités par les média mainstream au sujet de la fermeture de Caterpillar. Examen des pièces du dossier.

Une question salariale

A en croire certain commentateur de l’associatif parasyndical passé sur les ondes de la RTBF, la surspécialisation du site de Gosselies dans « dans la production de certains types de machines, le Tier 4 plus précisément. Il n'avait comme marché que l'Europe »[1]. Premier flou artistique d’une série qui risque d’être longue. Le Tier 4 (en l’espèce, Tier est l’acronyme de Time of Implementation for Emission Regulation) ne désigne pas fondamentalement un type de machines spécifique au secteur d’activités de Caterpillar mais une norme antipollution des moteurs des engins mobiles non routiers et les tracteurs en vigueur aux Etats-Unis. Ce qui implique qu’on retrouve les normes Tier 4 dans le secteur agricole, pour les moteurs de tracteurs notamment. La première vague dite Tier 1 de régulation des moteurs diesel aux Etats-Unis remonte à 1996. Et le premier janvier 2011, la quatrième vague de régulation (d’où l’appellation Tier 4) ont été édictées en 2007 aux Etats-Unis et sont entrées en vigueur en 2011[2]. Pour le surplus, on notera qu’une « réglementation comparable a été installée en Europe et définit plusieurs étapes appelées « Phase » ou « Stage » reprenant sensiblement les mêmes limites que celles imposées par l'agence américaine de Protection de l'Environnement (EPA). Des normes comparables (…) existent également au Japon. Par contre, d'autres grandes nations telles que la Russie, la Chine et l'Inde ont des normes nettement moins restrictives actuellement (équivalent TIER 1 en 2011) tandis que d'autres n'en suivent aucune ».[3]

La problématique de la commercialisation d’engins munis de moteurs répondant aux normes Tier 4, quitte accessoirement à en découdre avec un chroniqueur spécialisé dans les fermetures d’entreprises, ne se limite donc pas au seul territoire européen. Il est donc faux d’affirmer sans autre procès que « le site de Gosselies s'est spécialisé dans la production de certains types de machines, le Tier 4 plus précisément. Il n'avait comme marché que l'Europe » [4]. Les moteurs Tier4 sont, comme nous l’avons vu, obligatoires aux Etats-Unis et au Japon. Comment, dès lors, comprendre l’inaccessibilité des marchés nippon et étatsunien, où les réglementations Tier 4 sont en vigueur, pour les productions du site de Gosselies ?

En septembre 2015, Caterpillar annonçait un plan de suppression de 10.000 emplois dans le monde, soit 9% de ses effectifs dans le monde. Les suppressions d’emploi devaient intervenir à la fin de l’année 2016. L’objectif était d’économiser 1,5 milliard de dollars par an. La fermeture de vingt sites était envisagée. Naturellement, la liste des sites menacés n’avait pas été dévoilée à l’époque[5]. Aujourd’hui, les choses sont claires. Le groupe américain ferme « son usine belge, [licencie] ses 2 200 salariés et [réaffecte] la fabrication d’engins de chantier dans d’autres unités de production. En particulier sur le site grenoblois et en-dehors de l’Europe : aux Etats-Unis, en Chine, au Japon. La production de composants serait confiée à des fournisseurs extérieurs ainsi qu’à d’autres unités de Caterpillar[6] ».

Les ténèbres commentent tout doucement à se dissiper. C’est donc l’Europe occidentale qui sera affectée. Mais pas tout le monde, du moins pour le moment. L’usine grenobloise du groupe ne sera pas totalement laissée à son sort. C’est ainsi que « le site de Grenoble bénéficiera de la relocalisation de la fabrication de chargeurs sur pneus[7] ». Le bonheur des Iserans[8] risque d’être d’assez courte durée. « Les syndicats locaux craignent que l’usine grenobloise pâtisse pourtant de ce jeu de chaises musicales à l’échelle mondiale. Le site pourrait ainsi être pénalisé par le transfert au Brésil et en Europe orientale d’autres productions de tracteurs et de composants, jusqu’alors réalisées en Isère »[9]. On peut donc estimer que le secteur « chargeurs sur pneus » n’est, en fin de compte, localisé à Grenoble que le temps d’en organiser le déménagement ailleurs dans le monde. En tout état de cause, Grenoble profite, pour l’instant, des malheurs de Gosselies. Avant de connaître les raisons de cet état de choses, on déplorera le manque d’informations précises et utilisables en Belgique francophone sur l’actionnariat Caterpillar. Il est vrai que de vieilles obsessions idéologiques empêchent parfois de se poser les bonnes questions dans les milieux alternatifs francophones. Pour prendre le contrepied de ces inexactitudes, on partira donc du principe que l’industrie, c’est, aujourd’hui, un sous-produit de la finance. Nous en tirerons toutes les conclusions avec la rigueur qui convient.

Ce que l’on peut lire sur certain site belge francophone peu soucieux de précision, de rigueur et de nuance[10] au sujet de l’actionnariat de Caterpillar Inc est absolument insuffisant. Ne rien mentionner de consistant au sujet d’Harris Associates LP empêche de comprendre une partie des évènements liés à la restructuration du groupe Caterpillar. Harris Associates LP était, fin juin 2016, le 7ème détenteur d’actions de Caterpillar avec 2,37% du capital de Caterpillar d’après un site sérieux spécialisé dans l’information à destination des investisseurs[11]. Harris, c’est aussi et surtout une entité financière dépendant de Natixis Global Asset Management (NGAM)[12]. La compagnie NGAM fait partie du top 15 mondial des managers d’actifs et est présente, via Harris, au capital d’entreprises qui comptent outre Atlantique comme Google, General Motors, Bank of America ou Goldman Sachs. NGAM est une filiale de Natixis qui est la banque d’investissement de BPCE S.A., soit le deuxième groupe bancaire français.

Les liens entre NGAM et les acteurs qui pèsent dans la gestion de Caterpillar sont encore plus ténus qu’il n’y paraît. Pour l’établir, il faut vraiment savoir de quoi on parle quand on veut discuter de l’actionnariat de Caterpillar Inc.

State Street Corporation est le 1er actionnaire de Caterpillar avec plus de 55 millions de parts. On notera, non sans intérêt que NGAM a monté, en juillet 2015, un fonds d’investissement nommé NGAM INVESTMENT FUNDS U.K. ICVC en Grande-Bretagne et que l’entité administratrice du fonds n’est autre que la filiale britannique de State Street Corporation[13].

Pour comprendre le lien entre ces données et le traitement de faveur du site grenoblois de Caterpillar, on tentera de joindre à la précision dans la collecte de l’information économique un élément de culture générale. Les élites françaises se caractérisent par une consanguinité marquée entre les secteurs privé et public. C’est particulièrement le cas des anciens de la prestigieuse Ecole Nationale d’Administration (ENA) à propos de la quelle Pierre Bourdieu, in illo tempore, établissait le constat troublant qu’elle conduisait davantage que Polytechnique au pouvoir sur l'économie[14]. Le Président du Conseil d’administration de Natixis, François Pérol, est sorti de la promotion Jean Monnet (1990) de l’ENA en même temps que Véronique Bédague-Hamilius, directrice de cabinet de Manuel Valls. La proximité par capillarité des élites économique et politique constitue un phénomène bien français et bien bonapartiste.

Il faut toujours commencer par se poser des questions sur les exceptions. Cela permet d’établir de vraies bases de jugement pour établir une règle générale. Maintenant donc que le « cas Grenoble » a trouvé une explication, il est clair que deux facteurs concomitants guident fondamentalement la décision des dirigeants de Caterpillar. Vu les lieux de réaffectation de la production, on pointera un élément qui met en grande difficulté l’Europe occidentale comme zone de production (et exclut, du même coup, le maintien d’activités sur le site de Grenoble).

Délocalisations tous azimuts

Le niveau des salaires réels dans cette partie du monde est sensiblement supérieur à la Chine, au Brésil et à l’Europe centrale. Corrélativement, on notera que les pratiques de Caterpillar en Amérique du Nord laissent entrevoir une politique de compression agressive des salaires. Le site de London dans l’Ontario (Canada) en a, il y a quelques années (en 2012 pour être plus précis), fait les frais alors que Caterpillar entendait passer au bulldozer les droits sociaux des travailleurs du site. Par exemple, les soudeurs de l’usine locale étaient priés d’accepter, sous menace de fermeture, une substantielle réduction de la masse salariale de l’ordre de 50%. Le site canadien était prié de s’aligner sur les niveaux de salaire en vigueur aux Etats-Unis. A 400 kilomètres de là (une paille en Amérique du nord), à Muncie (Indiana), Caterpillar proposait des postes de travail pour un salaire horaire moyen compris entre 12 et 18,50 dollars à l’heure alors que la plupart des travailleurs de London gagnaient aux alentours de 35 dollars l’heure[15]. Face aux résistances ouvrières au Canada, Caterpillar a finalement décidé de transférer la totalité de la production à Muncie[16].

C’est qu’aux Etats-Unis, Caterpillar a chassé les coûts de façon particulièrement musclée au cours des dernières décennies en pratiquant, outre le recours à la sous-traitance, des délocalisations internes. Lorsqu’une entreprise quitte le nord du pays à forte implantation syndicale pour s’établir dans le sud, la chasse au syndicaliste commence aussi tôt. Les témoignages en provenance du monde ouvrier sont très clairs. « Dès mon premier jour de travail, raconte Lee, la cinquantaine, la direction a organisé une réunion pour nous expliquer tous les méfaits d’une présence syndicale. Régulièrement, elle passe des vidéos dans l’usine. Des managers sont venus me voir pour que dire que si je votais pour un syndicat, la production sera délocalisée au Mexique… »[17].

 

La loi Taft-Hartley de 1947 a autorisé les États de l’Union à voter des lois limitant la syndicalisation. « Tout en restant légale, la syndicalisation devient pratiquement impossible dans certains états, notamment dans le sud des États-Unis. Aujourd’hui, la Caroline du Nord demeure l’état dont le taux de syndicalisation est le plus faible avec 1,6%. Il n’est pas difficile d’imaginer les conséquences sur les employés. Selon l’AFL-CIO, dans les Etats régis par ces lois, les salaires annuels sont inférieurs de plus de 5.000 dollars par rapport à la moyenne nationale. Le taux de pauvreté est de 12,5% comparé à la moyenne nationale qui est de 10%. C’est la même tendance concernant le nombre de décès et d’accidents du travail[18] ». On compte 26 Etats de l’Union ayant choisi de compliquer l’activité syndicale[19]. La tendance récente est à la remise en cause de plus en plus profonde des droits syndicaux. C’est ainsi que depuis 2001, cinq Etats, autrefois plus favorables à l’activité syndicale, ont dévidé de choisir un modèle plus restrictif. Il s’agit de l’Oklahoma, de l’Indiana, du Michigan, du Wisconsin et de la Virginie occidentale. Le Kentucky pourrait également voir sa législation modifiée à l’avenir[20]. Et l’on observe bien, dans le cas précis de Caterpillar, une tendance, depuis plusieurs années, à fuir les rigueurs législatives du nord-ouest américain pour leur préférer les charmes du Far West social. Un article vintage annonçait déjà la couleur il y a près de 25 ans. A l’occasion d’une grève qui avait mobilisé durant 5 mois plus de 12.6500 travailleurs, et n’avait, d’ailleurs, rien rapporté aux grévistes, en lutte au sujet de normes d’augmentation salariale, la direction de Caterpillar avait menacé de licencier les grévistes et de les remplacer travailleurs sans affiliation syndicale[21]. Depuis, la désaffiliation syndicale a fait des progrès dans les rangs de Caterpillar. Le mouvement de délocalisation intérieure a conduit à une chute effective des effectifs syndicaux au sein de Caterpillar aux Etats-Unis. Le moins que l’on puisse dire est que la puissance revendicative du syndicat du secteur aux Etats-Unis (UAW) s’en est ressentie. En mars 2011, l’UAW concluait un accord pour six ans avec la direction de Caterpillar. L’accord d’entreprise était particulièrement soft. Il n’envisageait de revalorisation salariale que pour les travailleurs engagés après le 1er janvier 2005. Ces derniers avaient été engagés à des salaires horaires inférieurs aux conventions en vigueur. Les salariés engagés avant 2005 ne devaient bénéficier, au terme de cet accord, que d’une mesure d’indexation au coût de la vie allant de 2,24 à 2,73 dollars de l’heure[22].

 

La politique de délocalisation en faveur des Etats de l’Union protégeant le moins le travail constitue une ligne structurelle dans la conduite des affaires de Caterpillar. Cela signifie que même en période de haute conjoncture, la direction de Caterpillar fait pression à la baisse sur les salaires. En 2012, Caterpillar enregistrait des ventes pour 66 milliards de dollars et des profits à hauteur de 5,7 milliards de dollars (soit un taux de profit de 8%). La chose n’empêchait pas Caterpillar de surcomprimer les coûts outre-Atlantique. Les sites de Joliet dans l’Illinois et de Milwaukee (Wisconsin) étaient mis sous pression. Il était, à l’époque, question d’un gel des salaires et d’une réduction de la couverture de santé des employés de la compagnie[23].

Ce qui signifie que l’actuelle baisse des prix des matières premières ne fait qu’amplifier une tendance structurelle déjà présente depuis plusieurs décennies dans l’entreprise. Il est donc faux d’affirmer que la liaison de Caterpillar avec le secteur extractif est à la base des ennuis du site de Gosselies. Tant le secteur de la construction que celui des mines sont très cycliques. Il n’y a rien d’anormal à ce que dans un secteur de ce type, des dividendes soient, par exemple, distribués alors que le chiffre d’affaires diminue.

De plus, l’Europe, vue des Amériques ou d’Asie, est un tout petit territoire. Donc ce n’est pas un marché d’avenir pour les grands travaux d’infrastructures, ce d’autant que les politiques d’austérité nuisent au développement des travaux publics sur le Vieux Continent. Par ailleurs en Europe, le secteur minier est nettement moins développé que chez les émergents. Les sites de production qui ont de l’avenir se trouveront, à l’avenir, chez les émergents. 70% des mines souterraines se trouvent aujourd’hui en Chine[24].

Pendant longtemps, les pays émergents n’ont pas eu le choix. Ils devaient importer du matériel Caterpillar en provenance d’Europe occidentale ou d’Amérique du Nord. Caterpillar est, en effet, le numéro un dans son secteur. Le principal concurrent de Caterpillar, les Japonais de Komatsu, représentent un volume de ventes sensiblement inférieur (aux alentours de 25 milliards de dollars en 2011) au géant américain. L’actuel PDG de Caterpillar, Doug Oberhelman, estime que l’arrivée d’un global player chinois sur le segment de Caterpillar n’est cependant plus qu’une question de temps. Ce qui explique la politique du géant américain visant à diversifier la localisation de ses sites de production. Cette stratégie a pour objectif, de l’aveu même du top management de Caterpillar, de devenir le leader en Chine et sur les marchés émergents afin de se préparer à l’arrivée, présentée comme inévitable, de ce grand rival chinois[25].

Au niveau mondial, Caterpillar n’est, pour l’heure, pas une entreprise qui se porte mal. Les ventes mondiales de Caterpillar étaient de 47 milliards de dollars en 2015 contre 45 milliards de dollars pour l’année 2007 alors que la crise n’avait pas encore éclaté. Le niveau actuel des ventes de Caterpillar est d’ailleurs supérieur à celui de l’année 2009 quand la crise dévastait les marchés. En 2009, on soulignera que les ventes de Caterpillar étaient de 32,4 milliards. En 2010, Caterpillar s’était bien tiré d’affaires avec une hausse des ventes de l’ordre de 33,09% pour un total de 42,59 milliards de dollars. Les niveaux actuels de vente de Caterpillar ne correspondent donc guère à une crise structurelle de ses produits.

Certes, « pour 2016, CAT prévoyait en janvier 40 à 44 milliards, en avril 40 à 42 milliards, en juillet 40 à 40,5 milliards[26] » mais ces chiffres ne sont pas au niveau de la crise de 2009. Il est, en revanche, indiscutable que dès 2009, Caterpillar a misé sur le secteur des mines, ainsi que sur le matériel ferroviaire. On relèvera, à l’appui de cette thèse, qu’avant le rachat pour 7,6 milliards de dollars[27] de Bucyrus International, une firme basée dans le Wisconsin, Caterpillar fournissait seulement 30% du matériel roulant du secteur minier. Après le rachat de Bucyrus en 2010, ce chiffre passait à 70%[28]. La chute du cours des matières premières ne peut donc qu’impacter à la baisse les résultats et le chiffre d’affaires de Caterpillar mais dans des proportions moindres que lors de la crise de 2009. Cela conduit l’auteur de cette analyse à développer l’idée que la baisse du chiffre d’affaires, dans un secteur aussi cyclique, n’a rien d’étonnant pour la direction du géant américain. C’est une donnée avec laquelle tout le monde vit dans le secteur depuis des décennies. Il ne faut pas confondre une donnée conjoncturelle liée au cycle normal des affaires avec une donnée structurelle. Par contre, la baisse du chiffre d’affaires, répétons-le indiscutable, vient à point nommé pour que les dirigeants de Caterpillar amplifient un mouvement de réduction permanente des coûts commencée longtemps auparavant.

Le monde en arrière-fond

D’un point de vue davantage structurel, on relèvera la part finalement très faible occupée par l’Europe dans les ventes mondiales de Caterpillar et la place croissante qu’y occupent les émergents. 

Dans le détail, on s’aperçoit que l’Amérique du nord pèse lourd dans le bilan de Caterpillar puisque les ventes dans cette zone comptent encore pour 46,8% de la force de frappe du groupe. L’Europe, l’Afrique et le Moyen Orient ne représentent que 24,5% des ventes du groupe. Les zones émergentes (Asie/Pacifique et Amérique latine) dépassent aujourd’hui l’Europe avec un total de ventes en 2015 de l’ordre de 13,65 milliards de dollars (soit 29% des ventes du groupe). Le développement de sites de production en Chine, et un peu plus accessoirement du Brésil, renvoie à cette réalité des ventes. Sur le long terme, le modèle Caterpillar consiste, d’évidence, en un système de compression permanente des salaires allant de pair avec une recherche des marchés extérieurs. En 1975, 57% de la production de Caterpillar était vendue à l’extérieur et la totalité de la production était basée dans l’Illinois. Aujourd’hui, les ventes se sont internationalisées et la localisation des sites de production s’est profondément diversifiée. A elle seule, la Chine compte, aujourd’hui, douze sites de Caterpillar[1].

La baisse des coûts de production impulsée par Caterpillar correspond, par ailleurs, à un modèle de structuration des affaires devant s’appréhender comme suit. La baisse des coûts de production ne s’est pas répercutée sur les prix de vente. En d’autres termes, Caterpillar justifie ses prix de vente plus élevés sur les marchés en misant sur les gains de productivité qui lui permettent de vendre un matériel qui, de par sa fiabilité, sera moins coûteux à l’utilisation pour ses clients. C’est ainsi que les produits Caterpillar se caractérisent par des coûts de maintenance moins élevés et une durée de vie des équipements plus élevée[2].

Si le travail est, comme nous l’avons établi, moins bien rémunéré qu’auparavant chez Caterpillar et que les prix de vente ne baissent pas en proportion de l’économie réalisée, c’est que le facteur « capital » est devenu plus gourmand dans la répartition des gains de productivité. Seul ce niveau d’analyse impliquant le groupe dans sa totalité permet de valider l’hypothèse d’un management « financiarisé » dans le cas de Caterpillar. La financiarisation des entreprises correspond, en rigueur des termes, à un raisonnement macro stricto sensu.

Etablir qu’une entreprise est financiarisée suppose donc deux opérations. Primo, il faut comparer l’évolution des salaires dans un secteur avec la part que ce dernier représente dans le PIB. Si on observe un décalage notable entre les deux, on peut estimer que le secteur se financiarise. Deuxièmement, on envisagera le cas de chaque entreprise individuelle au regard de cette tendance générale. Qu’observe-t-on dans le cas de l’industrie aux Etats-Unis ? 

En 1975, le salaire moyen dans le secteur secondaire US dépassait de peu les 21 dollars. En 2013, il était inférieur aux 19 dollars. En revanche, la part des profits de l’industrie au sein du secteur en 2012 dépassait les 10%. Du jamais vu en quarante ans. Ce n’est décidément pas la crise pour tout le monde. Caterpillar, numéro un mondial dans sa partie, est un géant au sein de l’industrie US. Et ses objectifs stratégiques en matière de rémunération du facteur travail correspondent donc trait pour trait à cette tendance. En réalité, on devrait même dire que Caterpillar fait partie des entreprises ayant impulsé cette tendance. La rapide description de cas évoquant la concurrence entre Muncie (Indiana) et London (Ontario) constitue une claire indication des objectifs poursuivis à l’échelle mondiale par Caterpillar. L’unité de fabrication idéale dans le nouveau schéma stratégique de Caterpillar doit offrir des coûts salariaux équivalant à un salaire horaire compris garantissant un pouvoir d’achat oscillant entre 12 et 18,50 dollars de l’heure pour un travailleur ayant un niveau de productivité comparable à un ouvrier américain. Dans ces conditions, les travailleurs de Gosselies ne pouvaient qu’être sacrifiés sur l’autel de la compétitivité au profit de sites de production en Europe centrale bien moins coûteux[1] et qui sont susceptibles d’égaler à plus ou moins brève échéance la productivité des sites d’Europe occidentale.

L’aspect fiscal du dossier

Nous avons abondamment développé la question des pratiques de compression salariale au sein de Caterpillar. Nous ne pouvons, pour autant, passer sous silence la polémique liée aux intérêts notionnels.

Avant de procéder à l’évaluation des chiffres livrés par le PTB[2], on essaiera de revenir sur la manière dont les autorités en Belgique ont tenté d’attirer des entreprises multinationales à renfort d’incitants fiscaux. Dans la première moitié des années 80, le gouvernement Martens-Gol, regroupant les familles chrétienne et libérale dans un gouvernement d’austérité, créait les centres de coordination. Ces derniers faisaient l’objet d’une procédure de validation permettant d’obtenir un agrément pour une période de dix ans.

Pour passer ce cap, ils devaient répondre aux critères suivants[3] 

  1. Faire partie d’un groupe dont le capital et les réserves atteignent un montant consolidé de BEF 1 milliard et un chiffre d’affaires de BEF 10 milliards

 

  1. Et employer en Belgique au moins dix personnes

 

La taxation sur les centres de coordination était très faible. Le centre de coordination était chargé de gérer les brevets du groupe, de « prester divers services informatiques et de marketing et surtout d’effectuer des placements financiers et des prêts pour le compte du groupe »[4]. La base d’imposition des centres de coordination avait été spécialement conçue pour que ces derniers paient peu d’impôts. En outre, les avantages fiscaux des centres de coordination incluaient l’exonération des précomptes mobilier et immobilier ainsi qu’un mécanisme de détermination forfaitaire du bénéfice imposable.

En procédant de la sorte, l’Etat belge accordait une aubaine aux multinationales. Le but inavoué de la manœuvre était de favoriser des entrées (en dollars) sur le territoire belge. Ce mouvement a permis de soutenir le cours du franc belge mais aussi vu l’importance du flux de liquidités, de faire pression à la baisse sur les taux d’intérêt. Cette dernière donnée était, d’ailleurs, de la plus haute importance pour un pays aussi endetté que la Belgique de l’époque. Le choix des centres de coordination n’a donc, en définitive, jamais eu pour objectif de soutenir l’emploi, contrairement aux discours de l’époque.

Comment fonctionnaient les centres de coordination ? La centralisation de la trésorerie des groupes multinationaux à partir de l’ensemble de leurs filiales permettait de contourner une partie de l’impôt des sociétés aux quatre coins de l’Europe. Le centre de coordination avait pour but de permettre une centralisation de la gestion financière des groupes concernés. Vu la masse des liquidités transitant par les centres de coordination, la filiale belge du groupe pouvait alors s’endetter auprès du centre de coordination et dès lors, permettre une réduction du bénéfice d’exploitation à partir de la charge d’intérêts comme c’est prévu par la législation fiscale belge. C’est ici et seulement ici que le fisc belge a été privé de rentrées fiscales.

Par contre, la centralisation de la trésorerie des centres de coordination a donné lieu à une technique ayant permis d’éluder l’impôt partout où les sociétés ayant un centre de coordination en Belgique. Donc les exonérations fiscales qui ont été accordées aux centres de coordination sur cette base ne peuvent être considérées comme un manque à gagner pour les seules finances publiques belges. En effet, si les centres de coordination n’avaient pas existé, jamais ces flux de liquidité n’auraient eu lieu et une perception fiscale aurait pu être organisée normalement dans d’autres pays.

Les intérêts notionnels vont remplacer les centres de coordination. A l’origine de cette mutation, on retrouve le fait que, dès les années 90, la Commission européenne a considéré que les centres de coordination faussaient la concurrence entre les Etats. En 2003, la Commission européenne va en exiger le démantèlement.

La technique des intérêts notionnels, promue en 2006 par Didier Reynders, à l’époque ministre des finances, va permettre de maintenir en Belgique une activité de centralisation de trésorerie comparable à celle des centres de coordination. Or, petit détail qui a son importance, le franc belge n’était plus à « sauver » puisque cela faisait cinq ans que nous étions passés à l’euro[5].

Comment fonctionnent les intérêts notionnels ? Les intérêts notionnels correspondent à une déduction fiscale pour capital à risque qui consiste en une déduction d’intérêts fictifs (voilà pourquoi ils sont précisément qualifiés de "notionnels") calculés sur la base des fonds propres d’une entreprise. Ces intérêts peuvent être déduits de façon plafonnée de la base imposable de l’impôt des sociétés.

 

Dans la pratique, le système permet aux entreprises de déduire de leurs bénéfices imposables un intérêt fictif calculé sur leur capital à risque. Le but est d’encourager le recours aux fonds propres comme méthode d’investissement. Nous avons affaire, dans ce cas, à un autre mécanisme de centralisation de trésorerie. Et donc comme dans le cas des centres de coordination, l’augmentation des fonds propres sur lesquels l’avantage fiscal est calculé provient en bonne partie d’autres pays que la Belgique. Pour le détail, 20 parmi les 100 plus grandes sociétés mondiales utilisent le système des intérêts notionnels[6].

 

On peut, d’ailleurs, penser que si la Commission européenne a un jour la peau des intérêts notionnels, le démantèlement du système donnera lieu à un remboursement simultané de tous les Etats européens pour un qui un manque à gagner pourra être constaté. On citera, à l’appui de cette hypothèse, le cas récent d’Apple. Rappel des faits. Fin août 2016, la Commission européenne estimait que l’avantage fiscal dont Apple avait bénéficié en Irlande constituait une distorsion de concurrence. On notera, non sans intérêt, que la Commission européenne formule exactement le même reproche au système des intérêts notionnels. Selon la Commission, Apple doit rembourser 13 milliards à l’Irlande. Mais la Commission estime que l'Irlande n’est pas le seul Etat concerné par les pratiques d’Apple. Donc si un pays s'estimait lésé, il pourrait réclamer son juste dû aux autorités irlandaises[7]. Déjà l’Espagne et l’Autriche ont annoncé leur intention de récupérer une partie des impôts non payés. A ce stade, Apple a annoncé son intention de faire appel de la décision. Il est donc encore trop tôt pour dire si Apple remboursera les 13 milliards d’euros mais si tel est le cas, un partage devra être organisé entre Etats européens lésés.

On peut conclure que si les intérêts notionnels devaient donner lieu à une procédure de récupération, l’Etat belge ne toucherait pas le jack pot. Plus précisément concernant Caterpillar, le chiffre de 150 millions d’euros d’impôts économisés grâce aux intérêts notionnels par Caterpillar tel qu’avancé par Marco Van Hees est juste[8] du moins pour les années allant de 2007 à 2015 (l’année 2006 n’était pas répertoriée dans la base de données consultées[9]). Rien n’indique en revanche que cette somme représente un manque à gagner pour le seul Etat belge. Pour le dire tout platement, on n’a pas retrouvé 150 millions dans les comptes de Caterpillar à créditer au compte du seul Etat belge. En effet, ce chiffre correspond à l’accumulation de fonds propres en provenance de toute l’Europe. Plus fondamentalement, si le système des intérêts notionnels n’avait pas existé, jamais Caterpillar n’aurait augmenté ses fonds propres dans une telle mesure en Belgique. Et son assiette fiscale en aurait évidemment été réduite d’autant. Le même raisonnement vaut, d’ailleurs, pour toutes les firmes qui appliquent le système des intérêts notionnels en Belgique.

 

Plus fondamentalement encore, la question de la suppression des intérêts notionnels est davantage éthique que politique ou juridique. De quelle moralité pourrait se prévaloir une équation comptable qui considérerait que des recettes fiscales ayant été dérobées à un pays plus pauvre que la Belgique, la vingtième économie mondiale, soient enregistrées comme des recettes fiscales revenant de plein droit à cette dernière ? La portée de cette objection se trouve évidemment renforcée du fait que les intérêts notionnels ont peut-être, et sans doute, lésés des nations du Tiers-monde dont les sociétés civiles ont grandement besoin d’investissements dans leur développement social. Le tiers-mondisme se cache parfois dans les détails. Et de ce point de vue, le traitement par la gauche (autrefois) radicale de la question des intérêts notionnels montre toutes ses limites. On ne peut que le déplorer.

 

Poser un cadre (vraiment) alternatif

Dans un tout autre registre, la marginalisation industrielle de l’Europe occidentale est aujourd’hui en marche mais ne constitue aucunement une fatalité. La politique de Caterpillar s’avère, à cet égard, particulièrement emblématique. Doug Oberhelman, le PDG de Caterpillar, est membre du conseil d’administration de la National Association of Manufacturers, la fédération patronale regroupant les industriels états-uniens qu’il a déjà présidée dans le passé. Oberhelman est également membre du Business Council dont il fut le vice-président en 2013 et 2014[10]. Oberhelman est un homme qui compte et qui bénéficie d’une reconnaissance pour ses méthodes de conduite des affaires.

La valse des restructurations des multinationales en Europe occidentale ne fait vraisemblablement que commencer tout comme la migration d’actifs industriel vers l’Europe de l’est et les pays émergents. Le thème des salaires trop élevés dans nos pays de vielle tradition industrielle sera la ritournelle des années à venir.

De ce point de vue, il nous faut dissiper un malentendu. Le cas de Caterpillar pose d’évidence la question du coût du capital mais on ne peut s’arrêter à ce seul constat. Examinons l’une après les autres les pièces du dossier.

Côté coût du capital, les bases du débat ont été posées depuis bien des années déjà. On ne manquera pas de citer une étude commanditée par la CGT auprès du Clersé (Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques) de l’Université de Lille-1[11]. La base du raisonnement de cette étude du Clersé est enracinée dans le courant postkeynésien. En développant les hypothèses de Keynes sur le long terme (qui est une temporalité absente des travaux de Keynes), les postkeynésiens pointent l’importance de la demande globale comme facteur de détermination du volume de l’activité et partant, de l’emploi. De ce postulat fondamentalement macro et théorique, découle une théorie de la firme qui permet de définir l’intersection entre la pression à la rémunération du capital et les tendances constatées depuis la fin des années nonante à la baisse de la rémunération du facteur travail au sein des pays de l’OCDE[12]. « Le pouvoir de la finance sur l’entreprise, une fois établi – on peut situer ce tournant, suivant les pays, entre les années 85 et 95 – s’est consolidé à travers l’édiction de chartes, de codes de bonne gouvernance, l’énoncé de maximes et de bonnes pratiques à l’adresse des hauts dirigeants, le changement de statuts de certaines entreprises, la mise en place de schémas de rémunération destinés à aligner les intérêts du management sur le point de vue actionnarial, voire l’adoption de textes législatifs. Toutes sortes de dispositifs plus ou moins institutionnalisés aujourd’hui, visant à formuler et à garantir (en partie) les nouvelles « tables de la loi » en matière de « bonne » gouvernance des firmes, en matière de stratégies industrielles et en matière d’objectifs financiers. Charge aux trois canaux précédemment énoncés [en l’occurrence, règles de gouvernance, schémas de rémunération et discipline des marchés de faire respecter cette loi »[13].

Le résultat de cette évolution sur un plan macro consiste en une « baisse sensible – ou le maintien à un niveau très médiocre – du rythme de l’accumulation du capital. C’est une tendance structurelle qui mérite d’être mise en regard de ce qui précède. Alors que le partage de la valeur ajoutée s’est modifié notablement en faveur des entreprises, ceci n’a pas entraîné une augmentation du rythme de l’investissement, bien au contraire. Cette conjonction d’un taux de marge élevé et d’une accumulation médiocre constitue le cœur du capitalisme dominé par la finance »[14]. Et c’est de cela que sont fondamentalement victimes les travailleurs de Caterpillar. L’exigence de hauts taux de rendement pose évidemment la question des avantages comparatifs de régions à salaires réels élevés comme l’Europe occidentale. La question de la productivité élevée per capita des sites de production européens a longtemps servi d’antidépresseur à bon marché pour les décideurs dans nos régions. Il est clair que de plus en plus zones dans le monde peuvent se prévaloir d’un niveau de formation et de qualification comparable à ce qu’on trouve dans nos contrées. Et c’est ici que l’analyse en termes de coût du capital montre ses limites. Certes, l’accumulation en capital, dans son ensemble, a baissé, depuis l’avènement du pouvoir actionnarial dans les entreprises mais on doit bien observer que cette baisse n’est pas uniforme si l’on considère cette tendance d’un point de vue géoéconomique.

« La faiblesse des coûts de transport par rapport aux coûts de production explique la mise en place d’une nouvelle division internationale du travail puisqu’il peut être rentable de faire fabriquer un bien dans un pays et de le vendre dans un autre. Ceci est vrai dans le domaine industriel. Ceci l’est aussi dans les services qui, longtemps considérés comme de nature locale, peuvent désormais être fournis par-delà les frontières. La division internationale du travail en est toute chamboulée. Des recherches récentes montrent ainsi que, dans la zone OCDE, près d’un salarié sur cinq réalise des prestations qui peuvent désormais être effectuées depuis l’étranger. Donc potentiellement délocalisables. Par ailleurs, la plupart des travailleurs de l’industrie, soit 16 % des salariés dans la zone OCDE, produisent des biens qui pourraient être importés. Les pays en développement que sont les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) disposent de 45 % de la main-d’œuvre mondiale contre 20 % pour les 30 pays de l’OCDE ».[15]

Ce que nous observons dans le cas de Caterpillar, et dont nous anticipons une généralisation à d’autres pans de l’industrie européenne[16], rejoint un constat émis par l’OCDE, il y a de cela dix ans. « La plupart des entreprises et des travailleurs se trouvent directement ou indirectement en situation de concurrence dans l’économie mondiale d’aujourd’hui »[17]. Ce constat est à proprement parler glaçant mais il est souvent mal compris. Une situation de crise n’est pas logiquement nécessaire aujourd’hui pour mettre en concurrence des sites de production. La mise en concurrence des sites, des pays et des travailleurs, vu les perspectives plutôt mollassonnes en matière d’accumulation du capital, est structurelle et, de ce fait même, permanente. Cette pression conduit à une situation de déflation salariale, c’est-à-dire une tendance à la baisse du niveau général des prix suite à la pression constante et organisée à la baisse des salaires présentés unilatéralement comme des coûts. Cette exigence des marchés sur le facteur travail pose la question de la réalisation de la production. Logiquement, ce mode d’accumulation se heurte à la limite même des pouvoirs d’achats stagnants des masses laborieuses. Pendant longtemps, l’explosion du crédit à la consommation a permis de répondre à cette contradiction. La crise en cours s’est généralisée au départ des Etats-Unis où le recours au crédit à la consommation pour écouler la production a révélé ses limites. Le défaut de demande solvable faisait éclater le système financier qui ne pouvait plus couvrir ses prêts et était frappé à son tour d’insolvabilité.

Bref, décider de produire dans des zones à bas salaires pour écouler la production via une activation maximale des circuits de crédit à la consommation s’avère aujourd’hui de plus en plus inopérant. Des propositions visant donc à organiser la démondialisation des échanges doivent aujourd’hui être formulées. De ce point de vue, on ne peut que déplorer la pauvreté du discours économique, même et surtout alternatif face à ce contexte de de crise, structurelle, du capitalisme comme il en existe deux par siècle.

Le protectionnisme redevient l’horizon logique et structurel du commerce international. La situation économique de la Chine s’avère absolument centrale pour comprendre comment la démondialisation va peu à peu s’imposer à nous. La situation du commerce international n’est guère florissante. Le graphique qui suit représente les tendances de l’indice Harpex qui calcule le taux d’occupation effectif des porte-conteneurs. 

La valeur de l’Harpex, en septembre 2016, était de 336. Depuis l’été 2015, cet indice n’a cessé de baisser. Il se rapproche chaque jour davantage de sa valeur en 2009 alors que la Grande Récession venait de heurter de front l’économie mondiale. L’entrée en crise de la Chine à la même époque, l’atelier de la démondialisation, n’est évidemment pas étranger à cet état de choses. Nous posons l’hypothèse qu’on échange de moins en moins sur les marchés en raison des pressions déflationnistes qui émanent de la Chine. Le mécanisme de pression à la déflation de l’économie mondiale se présente globalement comme suit aujourd’hui. La Chine affronte l’éclatement d’une bulle immobilière qui n’a rien de spécialement anecdotique. On peut poser les chiffres suivants au sujet de cette dernière.

La dette brute chinoise équivaut, dans sa totalité, à 282% du PIB. Près de la moitié de la dette chinoise est liée à l’immobilier, c’est-à-dire 141% du PIB[1]. Les réserves de la Banque populaire de Chine s’élevaient, en février 2016, à 3.230 milliards de dollars[2], soit un peu plus de 30% du PIB courant de l’empire du Milieu qui était en 2014 de 10.300 milliards de dollars[3]. Or, lors de la dernière grande crise de l’immobilier aux Etats-Unis, la perte de valeur des actifs, entre juin 2007 et février 2012, a été de l’ordre de 27%[4]. Si une tendance de ce type devait se produire en Chine, le pays pourrait laisser sur le front de l’immobilier l’équivalent de la totalité de ses réserves. Nul doute que l’impact de la crise de l’immobilier sur la prospérité de la Chine sera aussi important que dévastateur dans les années à venir. Plus fondamentalement, les éléments de discernement proposés auparavant permettent de voir que l’économie chinoise est plombée par un problème de survalorisation d’une partie importante de ses actifs. La correction qui finira tôt ou tard par s’imposer plombera la croissance et le niveau des salaires en Chine. Le pari de la stratégie de croissance chinoise par la consommation intérieure en est évidemment affecté. En bout de course, la Chine finira par exporter sa déflation au monde entier. Le serpent finira par se mordre la queue puisque la pression déflationniste se globalisant, les difficultés de vente à une couche solvable de salariés se multiplieront. Le retour du protectionnisme trouvera, dès lors, matière à s’imposer pour relancer la croissance.

Ce schéma logique équivaut à une prévision à moyen terme que l’on peut établir à plus ou moins 5 ans. En attendant, une série d’analystes, l’œil rivé sur le court terme, concluent, selon nous erronément, à un approfondissement de la mondialisation à partir de la Chine. La situation de crise en Chine permettra-t-elle à cette dernière de se concentrer sur ses faiblesses qui se voient, pour l’heure, de plus en plus à l’œil nu ? Cette analyse estime que cette position n’est pas tenable pour les raisons suivantes. Tout d’abord, la Chine fait face aujourd’hui à une situation de décapitalisation de son économie. Cette donnée est importante. Lorsqu’une économie présente une tendance marquée à la décapitalisation, elle s’engage vers la déflation. De ce point de vue, la fuite des capitaux constatable aujourd’hui en Chine est révélatrice. Les réserves de change de la Chine sont au plus bas. En août 2016, les réserves de change de la Chine ont chuté à leur plus bas niveau depuis 2011 suite aux interventions de la Banque populaire de Chine pour soutenir le yuan qui est à son niveau le plus bas face au dollar depuis 6 ans. « Les réserves de change ont diminué de 15,89 milliards de dollars comme attendu par le consensus des économistes, un recul jugé limité bien qu'il soit le plus marqué depuis mai et qu'il puisse refléter de nouvelles sorties de capitaux »[5]. Ce constat incitera à relativiser les effets d’annonces concernant la stabilisation de l’économie chinoise. Pour l’heure, les autorités chinoises ont adopté des mesures visant à attirer des dollars à domicile. C’est ainsi qu’en mars de cette année, Pékin a procédé à un début de libéralisation de son marché financier en ouvrant son marché obligataire interbancaire aux investisseurs étrangers à long terme sans restrictions. C’est là clairement le signe que Pékin doute de sa capacité à endiguer le mouvement de fuite des capitaux qui cherchent à éviter la grande correction qui se profile à l’horizon.

On exclura donc que les réserves de change de la Chine puissent servir durablement au développement des pays les moins avancés de la planète dont le décollage économique est de nature à contrebalancer les tendances plus que maussades de l’économie mondiale. Dans ces conditions, on n’imagine, pour l’anecdote, guère la Chine venir sauver le Sud avec une banque de développement qu’elle piloterait seule ou en collaboration avec la Banque mondiale[6]. Certes, « La Banque mondiale, l’Administration nationale de l’énergie en Chine (NEA) et le Ministère chinois des Finances ont signé un protocole d’accord le 7 septembre 2016, au cours de la journée d’inauguration du forum, pour accompagner activement le continent africain dans sa transition énergétique vers des énergies propres et renouvelables, telles que l’énergie solaire, éolienne, géothermique, hydraulique, ou encore le gaz naturel et dans le développement de réseaux électriques et de solutions énergétiques mobiles et autonomes »[7]. On relèvera le caractère fondamentalement anecdotique de cet accord. L’Afrique a fondamentalement besoin de développer ses capacités industrielles. Et elle ne peut guère compter sur la Chine pour ce faire puisque jusqu’à présent, la croissance en Chine n’a pas permis de décollage industriel en Afrique. Bien au contraire, les échanges économiques de ce que l’on appelait autrefois le Tiers-monde avec la Chine ont confirmé les pays d’Amérique latine et d’Afrique dans un rôle de pourvoyeur de matières premières. La réhabilitation du protectionnisme commercial que suppose la mesure de la situation de douce déflation en train de s’installer en Chine est parfois battue en brèche par un argument reposant sur l’idée que l’introduction de mesures protectionnistes nuirait au continent européen puisqu’il nous priverait d’un flux d’investissements en provenance de l’Empire du Milieu. En 2015, on signalait effectivement un record d’investissements chinois en Europe. Ces derniers « ont atteint le record de 23 milliards de dollars en 2015 (…) alors qu'ils étaient de seulement 18 milliards de dollars aux Etats-Unis pour la même période ».[8] On verra valoir que 24 milliards de dollars, cela ne représente peu de choses (en l’occurrence, à peine un pourcent) en comparaison du PIB de la zone euro qui était de 2500 milliards d’euros en février 2016. D’un point de vue davantage qualitatif, il faut se rendre compte que la plupart des investissements chinois ne correspondent qu’à des transferts de propriété via les fusions-acquisitions et n’augmentent pas la richesse produite au sein de la zone euro[9].

Par ailleurs, un certain nombre de secteurs facilement délocalisables sont inquiets pour leur avenir. C’est par exemple le cas du secteur des machines-outils mécaniques pour lequel il est facile d’envoyer des ingénieurs afin qu’ils se forment (en Suisse, par exemple) pour ensuite délocaliser le know how de l’entreprise en Chine ou éventuellement ailleurs chez les émergents. Ces données structurelles permettent de comprendre que l’actuel mouvement d’investissements des capitaux chinois en Europe relève d’une stratégie qui pourrait s’avérer fort dommageable pour les industries européennes. La volonté de restaurer davantage de protectionnisme dans les relations économiques avec la Chine va de pair avec d’autres éléments de politique économique. Ainsi en va-t-il de la réindustrialisation. Il va de soi que le maintien dans nos contrées d’industries structurantes est la condition nécessaire pour que s’exercent des effets d’entraînement sur d’autres éléments de la chaîne de valeur locale.

Une politique de réindustrialisation suppose trois corolaires qui ont tous été absents du débat sur Caterpillar. On ne peut, par exemple, mettre de côté la nécessité de réhabiliter le concept d’initiative industrielle publique pour définir le fondement d’une politique de réindustrialisation. Nous avons établi que le manque d’investissements dans les capacités industrielles résultait d’un calcul actionnarial qui prédéfinissait un niveau de retour sur investissement élevé décourageant une entreprise de développer des activités même si ces dernières étaient rentables. De ce point de vue, les pouvoirs publics constituent un acteur incontournable pour se poser en acteur des politiques de réindustrialisation. La nécessité de disposer d’outils publics de crédit et de financement des activités industrielles intervient ici comme second corolaire des politiques de réindustrialisation. Les banques européennes, qui ont pourtant été généreusement aidées par le contribuable lors de la tempête de l’automne 2008, se sont montrées, jusqu’à présent, fort peu prêteuses. La création monétaire et le relâchement des taux par les banques centrales ont, dans la zone euro, donné des résultats mitigés. « L’augmentation de la monnaie de base ne se transmet plus réellement à la masse monétaire. Et que, si cette dernière augmente, elle ne conduit pas à une hausse de l'inflation, car la masse monétaire va plutôt alimenter des bulles financières davantage que d'alimenter l'économie réelle. »[10] Comme on le voit, la création monétaire des banques centrales n’a servi à rien. Les banques ont utilisé ce ballon d’oxygène pour financer des opérations spéculatives ou ont déposé cet argent sur les comptes de la BCE quand bien même, par ailleurs, les taux pour ces types de dépôts étaient négatifs. La question du contrôle par les pouvoirs publics du contrôle du canal bancaire a déjà été évoquée par des brillants analystes économiques dans le cas de la crise des années 1930[11]. La promotion d’une politique de réindustrialisation passera également par des mesures de contrôle des changes qui visent à limiter les mouvements de capitaux. Par ces mesures, on ne permet plus aux détenteurs de capitaux de pouvoir jouer des sites de production et des places financières les uns contre les autres. Cela ne peut qu’être favorable à la lutte contre le chômage et à la progression des investissements. On mentionnera comme dernier volet à une politique de réindustrialisation la faiblesse de la demande dans la zone euro et la nécessité de mettre fin à cet état de choses en rompant avec les politiques d’austérité.

C’est tout cela que l’on aurait dû entendre au sujet de Caterpillar. Dommage que cela n’ait pas été le cas. C’est pourtant de la capacité à formuler un discours économique alternatif crédible que dépendra la résilience politique des milieux populaires dans les pays d’industrialisation ancienne.

 

[1] Blog Real Time Economics, Wall Street Journal, 4 février 2015.(URL:HTTP ://BLOGS.WSJ.COM/ECONOMICS/2015/02/04/CHINAS-TOTAL-DEBT-LOAD-EQUALS-282-OF-

GDP-RAISING-ITS-ECONOMIC-RISKS/ )

[2] Le Monde, édition mise en ligne du 8 février 2016.

[3] Banque mondiale, mars 2016.

[4] Calculs propres à partir de S&P/Case-Shiller U.S. National Home Price Index, avril 2016 (URL :

http://us.spindices.com/indices/real-estate/sp-case-shiller-us-national-home-price-index)

[5] Le Figaro, édition mise en ligne du 7 septembre 2016.

[6] Lire à ce sujet le journaliste Raf Custers, Made in China : une "alter-Banque mondiale" ?, 1er mars 2016 (Url : http://www.gresea.be/spip.php?article1487). Date de consultation : 17 septembre 2016.

[7] Communiqué de presse de la Banque mondiale, La Banque mondiale et la Chine intensifient leur soutien au développement économique de l’Afrique, 8 septembre 2016.

[8] Trends Tendances, article mis en ligne le 7 septembre 2016.

[9] Les Echos, article mis en ligne le 22 septembre 2016.

[10] Jézabel Coupey-Soubeyran, économiste à l'université Paris I citée par La Tribune, article mis en ligne le 09 décembre 2015.

[11] Lire à ce sujet l’économiste keynésien John Kenneth Galbraith, The Great Crash. 1929, Houghton Mifflin Harcourt, Boston, 1955 (1ère édition)

 

[1] C’est cette donnée structurelle qui nous amène à conclure, dans la foulée, que le déplacement et le maintien d’activités sur le site de Grenoble n’est que temporaire. Et personne dans les milieux qui comptent à Paris ne l’ignore.

[2] Nous faisons le pari inverse d’un responsable d’ONG sympathisant du PTB qui, chaque fois qu’une approche nuancée et un peu complexe des thèses de son parti lui était proposée, répondait invariablement que « personne n’y comprendrait rien ». On se bornera à constater qu’un tel mépris pour le niveau de compréhension des classes populaires cadre mal avec la radicalité (de façade ?) d’un engagement dans la mouvance moaoïste.

[3] Art. 3 de l’Arrêté Royal 187 du 30 décembre 1982 relatif à la création de centres de coordination.

[4] Pierre Beauvois, Caterpillar : l’argent pour l’argent ou l’argent pour l’emploi ?, note de la Fondation Joseph Jacquemotte, 1996.

[5] Conseil supérieur des finances, Section « Fiscalité », La réforme de l’impôt des sociétés : le cadre, les enjeux et les scénarios possibles, Ministère des Finances, Bruxelles, p.97.

[6] L’Echo, La Belgique, terre d'accueil fiscal pour multinationales, article mis en ligne le 1er février 2013.

[7] La Tribune, 30 août 2016.

[8] Marco Van Hees, Le point sur la fiscalité de Caterpillar, 7 septembre 2016 (Url : http://ptb.be/articles/le-point-sur-la-fiscalite-de-caterpillar). Date de consultation : 17 septembre 2016.

[9] Caterpillar Group Services in Centrale des bilans, Date de consultation : 21 septembre 2016.

[10] Pour plus de détails, voir la page consacrée à Doug Oberhelman sur la page de la National Association of Manufacturers (NAM) (Url : http://www.nam.org/About/Board/Doug-Oberhelman). Date de consultation : 21 septembre 2016.

[11] Clersé, Le coût du capital et son surcoût. Sens de la notion, mesure et évolution, conséquences économiques, janvier 2013.

[12] Lire à ce sujet les travaux précurseurs en statistique économique de Gilbert cette et de Selma Mahfouz. On renverra tout particulièrement à CETTE, G. et MAHFOUZ, S., Le partage primaire du revenu : un constat descriptif de longue période, Économie et Statistique, n° 296-297, pp. 165-189, Paris, 1996. On renverra également à l’ouvrage de Michel Husson, Misère du capital : une critique du néolibéralisme, Syros, Collection Pour débattre, Paris, 1996.

[13] Clersé, op.cit, p.41.

[14] Clersé, op.cit, p.58.

[15] Patrick Artus, Marie-Paule Virard, Globalisation : le monde peut-il se refermer ? in On comprend mieux le monde à travers l’économie, Les Echos, 2008.

[16] Nous nous risquons ici à un pari amis mais établir des diagnostics d’ensemble et prendre des risques, c’est bien le minimum qu’on peut attendre de ceux qui prétendent vouloir dresser les contours de politiques économiques alternatives.

[17] OCDE, Perspectives de l’emploi de l’OCDE, juin 2007.

 

[1] Wall Street Journal, 7 mars 2011.

[2] Fortune, op.cit.

[1] Intervention de Bruno Bauraind, Secrétaire Général du Gresea, sur les ondes de La Première dans le cadre de l’émission Face à l’info, 5 septembre 2016.

[2]Aniruddha Natekar & Matthew Menzel, The Impact of Tier 4 Emission Regulations on the Power Generation Industry, Cummins Power Generation, White Paper, Power topic #9010, 2010.

[3] Le Sillon Belge, lundi 25 octobre 2010.

[4]Intervention de Bruno Bauraind, Secrétaire général du Gresea, sur les ondes de La Première dans le cadre de l’émission Face à l’info, 5 septembre 2016.

[5] L’Echo, 24 septembre 2015.

[6] L’Usine Nouvelle, Caterpillar arbitre la répartition de ses productions, article mis en ligne le 5 septembre 2016.

[7] Ibid.

[8] Il serait souhaitable que les Wallons, vu les orientations objectivement anti wallonnes de la coalition suédoise, abandonnent définitivement leur belgicisme congénital et connaissent enfin la géographie de la France. Grenoble est le chef-lieu du département de l’Isère. On nomme les habitants de ce département les Iserans ou Isérois.

[9] L’Usine Nouvelle, op.cit.

[10] Voir à ce sujet la fiche de Caterpillar sur le site de Mirador, l’observatoire critique des multinationales (http://www.mirador-multinationales.be/secteurs/machines/article/caterpillar. Date de consultation 14 septembre 2016.

[11] Site d’informations financières Moning Star, www.morningstar.com, information en date du 30 juin 2016.

[12] Voir le site de Harris Associates (Url : http://www.harrisassoc.com/Harris.htm). Date de consultation : 15 septembre 2016.

[13] NGAM INVESTMENT FUNDS U.K. ICVC, PROSPECTUS, 6 juillet2015, p.11.

[14] Pierre Bourdieu, La Noblesse d’État. Grandes écoles et esprit de corps, Editions de Minuit, Paris, 1989.

[15] Wall Street Journal, 4 février 2012.

[16] Forbes, Canada Scowls, Indiana Cheers Over Caterpillar Moves, article mis en ligne le 6 février 2012.

[17] Ibid.

[18] Daniel PELTZMAN, Maître de Conférences en Civilisation américaine. Université de Franche-Comté, Pouvoir et gouverner : le cas du syndicalisme aux États-Unis in Mémoire(s), identité(s), marginalité(s) dans le monde occidental contemporain. Cahiers du MIMMOC, Qui gouverne aux États-Unis et au Canada ?, novembre 2014.

[19] Il s’agit du Nevada, de l’Idaho, de l’Utah, de l’Arizona, du Wyoming, du Texas, de l’Oklahoma, du Kansas, du Nebraska, du Dakota du sud, du Dakota du Nord, de l’Indiana, de l’Arkansas, de la Louisiane, de l’Iowa, du Mississipi, du Tennessee, de l’Indiana, du Mississipi, de l’Alabama, de la Géorgie, de la Floride, de la Caroline du nord, de la Caroline du sud, du Michigan, du Wisconsin, de la Virginie et de la Virginie Occidentale.

[20] The Daily Signal, 9 mars 2015.

[21] New York Times, 21 avril 1992.

[22] Wall Street Journal, 7 mars 2011.

[23] Bloomberg, 17 mai 2013.

[24] Journal Sentinel, 10 mars 2012.

[25] Fortune, Caterpillar is absolutely crushing it, article mis en ligne le 11 mai 2011.

[26] Daniel Tanuro, Les travailleurs de Caterpillar paient la folie des grandeurs de l'extractivisme, article paru au sein de la rubrique « Opinion » sur le site du Vif (Url : http://www.levif.be/), texte mis en ligne le 7 septembre 2016.

[27] Bloomberg, 15 novembre 2010.

[28] Fortune, op.cit.

 


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