Ce laisser-passer qui produit chômage et pauvreté
par Laurent Herblay
mercredi 2 mars 2016
Il faut reconnaître à The Economist une belle ouverture d’esprit, puisque, malgré son attachement au libre-échange, quand il ne publie pas des démonstrations de l’intérêt du protectionnisme asiatique, comme pour le riz, il publie des études pointant certaines limites de l’anarchie commerciale, comme les conséquences du libre-échange entre la Chine et les Etats-Unis.
Pékin détruit les emplois et les salaires outre-Atlantique
C’est une étude qui apporte de l’eau au moulin de Donald Trump, qui propose des droits de douane à 45% sur les produits Chinois, même si cela ne surprendra pas les alternatifs, prévenus il y a longtemps par des intellectuels comme Maurice Allais, Emmanuel Todd ou Jean-Luc Gréau. Le constat des universitaires n’est vraiment pas révolutionnaire, même s’il est satisfaisant de le lire ici : « les travailleurs des pays développés ont beaucoup plus souffert de la croissance de la Chine que les économistes ne le pensaient possible (…) l’exposition soudaine à la concurrence étrangère peut pousser les salaires et l’emploi à la baisse pendant au moins une décennie ». La Chine est passé de 2,3 à 18,8% des exportations de produits manufacturés dans le monde en 22 ans, et des monopoles dans certains domaines.
L’étude évoque des gains à long terme mais note aussi que 44% des pertes d’emplois industriels aux Etats-Unis de 1990 à 2007 ont été provoquées par la Chine, que mille dollars d’importations chinoises poussaient les salaires à la baisse de 500 dollars dans un secteur donné et le perte de 2,4 millions d’emplois du fait de ces importations, ce qui se lirait dans les déficits commerciaux entre les deux pays. Début 2013, la bible des élites globalisées avait également rapporté une étude d’économistes de la Fed et de Yale qui concluait que le commerce avec la Chine avait coûté aux Etats-Unis 30% de ses emplois industriels. Et cela est logique tant les écarts de prix du travail restent colossaux aujourd’hui : les pays les plus développés jouent perdants à moins de développer un modèle économique non réplicable.
Le plus effarant est le manque de progrès du débat sur le protectionnisme aujourd’hui, malgré toute cette littérature, ou la publication du livre « Inévitable protectionnisme » par des journalistes écrivant dans des médias peu ouverts à ces thèses. Bref, le combat ne fait que commencer.