Ce que dit la dévaluation de la Chine

par Laurent Herblay
jeudi 13 août 2015

L’annonce par la Chine, d’une nouvelle légère dévaluation du yuan, mercredi, après celle de mardi peut être interprétée comme un signe de faiblesse. Et si cela ne relevait que d’une sinophobie un peu superficielle et que les choses étaient bien plus complexes ?
 
 
 
Nouveau coup de stress sur les marchés
 
L’annonce d’hier a pris les marchés par surprise. En effet, Pékin a annoncé une deuxième dévaluation du yuan, ou pour être plus précis, une nouvelle baisse de 1,6% du corridor monétaire de fluctuation du yuan (comparable au mécanisme du SME dans les années 1980), aboutissant à une baisse du yuan de 5% en quelques jours. Mais ce mouvement, qui ne semble pas colossal dans l’absolu, a provoqué une nette baisse des places européennes (le CAC40 reculant même de plus de 3%) et une poursuite de la chute du prix des matières premières, le pétrole tombant à 42,8 dollars. La Chine est de plus en plus une source d’inquiétudes pour les marchés entre croissance et bourses en berne.
 
Le ralentissement économique a sans doute joué un rôle important dans la décision des dirigeants chinois. Il faut dire que toutes les statistiques du mois de juillet sont dans le rouge, avec une baisse de la production industrielle de 6%, des exportations de 8% et des immatriculations de 7%, tous les moteurs de la croissance semblant ralentir en même temps. Le choix de s’amarrer au dollar pèse sans doute sur la Chine puisque la monnaie de l’Oncle Sam s’est beaucoup renchérie par rapport aux autres monnaies, entre baisse de l’euro, du yen ou des autres monnaies émergentes. Ainsi, la compétitivité du pays se dégrade doublement, avec les hausses de salaires qui creusent l’écart avec d’autres.
 
Asie active et Europe passive
 
Beaucoup de commentateurs semblent tirer la conclusion que la Chine pourrait entrer dans une phase d’atterrissage économique brutal, avec la révision à la baisse des objectifs de croissance, l’explosion des différentes bulles, portées par l’envolée de l’endettement. Mais en réalité, même si la chute de la bourse a été brutale depuis juin, il s’agit pour l’instant d’une correction sévère mais limitée étant donné que les marchés restent en forte progression sur un an. Et il n’est pas évident que le marché de l’immobilier soit si surévalué que cela, même s’il est vrai que l’envolée de l’endettement est assez inquiétante, dans un cadre de plus en plus libéralisé, et donc de plus en plus instable.
 
Mais on peut voir dans l’annonce de cette dévaluation trois autres choses. D’abord, une nouvelle avancée du découplage d’avec le dollar. Ensuite, la normalisation de l’économie Chinoise, qui utilise la dévaluation, comme tant de pays avant pour relancer son économie. Ce qui nous amène au troisième point : le fait que les pays asiatiques sont décidemment bien plus actifs dans la gestion de leur politique monétaire que les pays européens, tellement passifs, au point malgré tout, de finir par profiter de leur langueur économique qui a fini par avoir la peau de l’euro cher. Pékin, comme Tokyo, utilise les outils monétaires pour soutenir son économie et refuse le dogmatisme monétariste européen.
 
Bien sûr, la plus faible croissance des émergents va peser quelque peu sur la croissance mondiale mais cela pourrait aussi représenter une forme de rééquilibrage économique, protégeant temporairement de certains excès. La prochaine grande crise, loin d’approcher, me semble un peu reculer.

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