Ce que le Big Mac dit de la monnaie unique

par Laurent Herblay
mercredi 24 juillet 2013

Cela fait depuis 1986 que The Economist publie l’indice Big Mac qui indique la surévaluation ou la sous-évaluation des monnaies. Après avoir enrichi son analyse par une prise en compte du niveau de PIB, l’hebdomadaire vient enfin de publier l’indice pour les différents pays de la zone euro.

Une méthodologie sans cesse affinée
 
A l’origine, The Economist avait choisi le prix du Big Mac de Mac Donald’s car il s’agit d’un produit que l’on retrouve presque partout dans le monde. En outre, la large composition de son coût (matières premières agricoles, mais aussi salaires ou immobilier) donne une bonne indication sur le niveau des prix dans un pays. Ainsi, quand un Big Mac est moins cher dans un pays que dans un autre, on peut en déduire que le cours de la monnaie est théoriquement sous-évalué. Selon cette méthode, l’euro serait surévalué de 2% par rapport au dollar et le yen sous-évalué de 30% et le wuan de 43%.
 
En 2011, pour les 25 ans de la publication, partant du principe que le niveau des salaires était plus bas dans les pays en voie de développement et étant donné la forte corrélation entre le niveau des prix et le niveau du PIB, The Economist a ajouté un indice ajusté, qui donne une image un peu différente. Selon cet indice, l’euro serait surévalué de 10,5% par rapport au dollar. En revanche, le wuan ne serait plus que sous-évalué de 6% par rapport au dollar et le yen de 28%. Par rapport à son niveau de développement, le Brésil serait le pays le plus cher. Dans l’absolu, c’est la Norvège, de plus de 60% !
 
Sur son site, l’hebdomadaire met à disposition des graphiques interactifs et permet même de télécharger l’ensemble des données depuis 2000. Un geste particulièrement appréciable. L’innovation de ce milieu d’année vient de la publication des indices par pays de la zone euro (alors qu’il y avait avant un seul chiffre pour l’ensemble de la zone, qui recouvrait des situations très différentes). On constate en effet que si l’euro est surévalué de 15% en Finlande (pour les deux indices), il est en revanche sous-évalué de 27% en Grèce en valeur nominale et de 9% si l’on prend en compte le PIB du pays.
 
Une situation européenne explosive
 

La situation de la zone euro apparaît comme doublement explosive. Tout d’abord, l’euro reste légèrement surévalué par rapport au dollar. Mais surtout, la compétition avec l’Asie est complètement déloyale. En effet, non seulement le won coréen est sous-évalué de 25% (vs le dollar), le yen japonais de 30% et le wuan de 43%, mais ces trois pays n’hésitent pas à protéger leurs industries avec des barrières protectionnistes, quand nous laissons au contraire nos industriels à la merci de leur dumping commercial, s’ajoutant au dumping monétaire, permis par les profits du marché intérieur protégé.

 
Mais à cela s’ajoute une situation très complexe au sein de la zone euro. Alors que les coûts de production et les prix sont les mêmes aux Etats-Unis ou en Chine, les pays européens sont dans une situation extrêmement différente. Par rapport au dollar (sans prise en compte du niveau de PIB), on constate que la Finlande est le pays le plus cher (+15% par rapport aux Etats-Unis), suivi par la France (+10%), le Portugal (+9%), l’Italie (+6%), l’Allemagne (+3%), l’Espagne (-1%) et la Grèce (-27%). Il faut noter qu’il y a deux ans, l’Espagne était aussi chère que la France et la Grèce à peine moins.
 
En effet, privées de l’option de la dévaluation, l’Espagne et la Grèce ont considérablement agi pour baisser les salaires et ainsi retrouver de la compétitivité. Pour l’instant, cela provoque une monstrueuse saignée économique, un triplement du niveau du chômage, au-delà de 25% de la population, un effondrement du PIB, mais on peut constater que la brutalité de l’ajustement (le SMIC a été baissé de 22% en Grèce, et même 32% pour les jeunes) fait son effet. Cela pose néanmoins deux problèmes : la divergence au sein de la zone euro, et une probable course au moins disant social
 

Merci à The Economist pour cette contribution à la réflexion économique, qui démontre une nouvelle fois toutes les carences de cette monnaie unique, qui contribue à affaiblir et faire diverger les économies des pays qui la composent tout en provoquant une course mortifère à la compétitivité.


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