Ces bourses qu’il faut nationaliser

par Laurent Herblay
samedi 17 mai 2014

On peut se dire que le fait de coter des actifs peut être assuré par le secteur privé, que le marché assure lui-même sa propre organisation. Mais plus le temps passe, et plus tous les défauts du marché ressortent et amènent à se dire que le fait de coter les actifs relève finalement du service public.

 

Addition de dérives libérales
 
Le plus incroyable sur le marché de la cotation des actions est finalement que la libéralisation n’a en aucun cas été freinée par la grave crise financière de 2008. Comme le rapporte The Economist, après le premier projet MiFID, adopté en 2004, et appliqué depuis 2007, qui a permis à de nouveaux acteurs de mettre en place de nouvelles plate-formes d’échange de titres plus librement, la folie libéralisatrice européenne a trouvé un second souffle, avec le projet MiFID2, qui prévoit d’aller encore plus loin dans la libéralisation des échanges. Pourtant, on voit déjà les ravages des « dark pools », des lieux opaques qui permettent à qui le souhaite d’échanger anonymement des titres, ou le trading à haute fréquence par des ordinateurs, qui a déjà provoqué un krach en 2010, en attendant sans doute un plus gros…
 
En effet, la libéralisation démultiplie tous les problèmes naturels des marchés. La fragmentation des lieues où échanger les titres facilite les manipulations et complique leur prévention. Cela rend les marchés opaques, ce qui accentue plus encore leur instabilité, puisque cela nourrit la hausse dans les phases d’optimisme et accentue encore les baisses en phase de crise. Quand on ajoute à cela le développement des échanges réalisés automatiquement par les ordinateurs sans la moindre intervention humaine (65% des échanges d’action en 2012 selon The Economist, et jusqu’à 45% des futurs et 30% des options), pour bénéficier des écarts de cours d’une place à l’autre, il est difficile de ne pas se dire que la sphère financière devient chaque jour davantage une nouvelle bombe à retardement.
 
Du service public de la bourse

Encore une fois, le dogmatisme du laisser faire a fait des ravages. Le fait de coter des titres relève du service public. Même en partant d’un point de vue libéral, comment justifier le fait de coter en différents endroits les mêmes titres, ce qui réduit la transparence des marchés, complique l’information et permet toute sorte de manipulation. Au final, la place de Paris devrait devenir à nouveaux le seul lieu où les titres français sont cotés. Certains diront évidemment qu’il s’agit d’une vision passéiste. Sauf que la libéralisation actuelle est un retour au 19ème siècle, dont les excès avaient justement poussé les régulateurs à centraliser la cotation des titres en un seul lieu par souci d’efficacité et de justice.

Et tant qu’on y est, il faut également radicalement réduire toutes les pratiques spéculatives délirantes qui n’apportent aucune valeur ajoutée à l’économie réelle et ne serve qu’à gonfler la bulle financière : dérivés de toutes sortes, ventes à découvert, rachats d’action, trading à haute fréquence (Alain Godard évoque leur rôle dans les difficultés actuelles d’Alstom sur Alternatives économiques). Nous devons à chaque fois nous demander ce qu’apportent vraiment ces outils avant de les autoriser. Et contrairement à ce que vient de faire l’UE, il convient de faire davantage contribuer la finance à la collectivité, en imposant une véritable taxe Tobin, qui permettrait de rééquilibrer la fiscalité en faveur du travail.
 
Pour toutes ces raisons, il convient de nationaliser et centraliser la cotation de tous les titres français sur le territoire français, en instaurant de nouveau des frontières pour les mouvements de capitaux. Ainsi, le monde de la finance pourra être de nouveau contrôlé.

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