Cette petite musique néolibérale qui s’impose

par Laurent Herblay
samedi 13 septembre 2014

Il fallait vraiment écouter l’interview de Christian Noyer sur Europe 1 jeudi matin. On y trouvait un condensé de toutes les idées préconçues néolibérales, défendues avec le sérieux donné par le statut de gouverneur de la Banque de France. Un discours malheureusement dans le vent.

Austérité, recul de l’Etat et compétitivité
 
La lecture de la crise actuelle par le gouverneur de la Banque de France est d’une simplicité biblique. Notre pays pêcherait par le poids de ses taxes et impôts, qui pénaliserait sa compétitivité. Il a également appelé à réduire le déficit budgétaire en « coupant hardiment dans les dépenses  ». Même s’il ne l’a pas cité, on devinait derrière tout son discours une forme de fascination pour le modèle allemand. Mais cette fascination semble avoir également provoqué un arrêt du cerveau. En effet, couper vigoureusement dans les dépenses publiques ne ferait que plonger le pays dans une récession violente, comme on l’a vu à Madrid ou Athènes (avec plus de 25% de chômeurs), comme même le FMI le reconnaît.
 
La course à la compétitivité est également absurde dans un monde où il est possible de trouver des salariés que l’on paie 100 euros par mois en Europe de l’Est, en Afrique du Nord ou en Asie. Jusqu’où faudrait-il baisser les salaires et la protection sociale pour être enfin considéré comme compétitif dans ce monde mondialisé qu’il ne remet pas en question ? Naturellement, Christian Noyer n’a donné aucune preuve qui démontrerait que l’Etat français dépenserait tant que cela. Manque de chance : nous manquons de professeurs dans le primaire et ils sont moins payés que la moyenne de l’OCDE… Il est malheureux que Jean-Pierre Elkabbach n’ait pas cherché à remettre en question ses propos.
 
Le néolibéralisme gagne une bataille ?

En janvier 2009, dans un exercice de politique fiction, j’anticipais une sortie de crise illusoire où les idées alternatives seraient malheureusement défaites par une lecture néolibérale de la crise, avant qu’un nouveau grand choc financier, déclenché par un défaut de l’Italie (alors anticipé fin 2016), ne déclenche une nouvelle crise qui permette enfin aux alternatifs d’être mis au pouvoir. Malheureusement, j’ai peur que sur ce point-là, mon anticipation ne soit en train de se réaliser (je suis loin d’avoir tout bien anticipé, ma perspicacité d’alors semblant bien plus économique que politique). Je commence à croire que nous avons perdu la bataille des idées suite à la crise de 2008, malgré l’émergence d’auteurs alternatifs.

Car la lecture néolibérale, même si je la combats, bénéficie de deux forces. D’abord, elle peut s’appuyer sur des exemples concrets qui servent superficiellement son récit : l’Allemagne, ses excédents commerciaux et budgétaires, son faible chômage, trop de gens oubliant que son modèle n’est pas réplicable et comporte des zones d’ombre  ; les différents parasites fiscaux ; et encore le différentiel de conjoncture entre la zone euro et la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis. Bien sûr, quand on creuse, il est facile de démonter ces exemples, mais il faut reconnaître qu’ils fournissent une matière première utile aux néolibéraux. Et ce d’autant plus que la narration néolibérale est appuyée par une grande majorité des médias.
 
Bien sûr, il n’y a pas qu’Europe 1 mais tant de médias servent, consciemment ou non, la lecture néolibérale de la crise qu’il me semble que, malheureusement, nous perdons, à date, la bataille des idées. Mais il faut continuer le combat car le soufflé néolibéral finira par se dégonfler, comme les bulles qu’il engendre.

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