Chine : l’horreur économique, morale, et sociale

par jpain
vendredi 30 mars 2007

A l’heure où il est de bon ton de s’extasier sur la vivacité de cette économie qui ” a su muter si rapidement”, qui “est un exemple d’adaptabilité pour nos vieilles civilisations rétrogrades”.... peu de voix s’élèvent pour lever le rideau du fond de scène. Peu, sauf celle de Claude Bébéar qui a pris position sur le sujet de la Chine. Je commençais à me demander si j’étais réellement le seul à avoir une position critique et à contre-courant concernant ce pays, où si dans l’uniformité ambiante de bon aloi personne n’osait exprimer tout haut ce que beaucoup pensent tout bas...

M. Bébéar souligne ainsi les pratiques chinoises consistant à dire à leurs partenaires occidentaux “commencez par nous donner votre technologie, nous verrons plus tard pour d’éventuelles relations commerciales”. C’est là un aspect préoccupant, mais ce n’est pas le pire. Le pire réside probablement dans ce que M. Bébéar appelle la volonté chinoise de “conquérir le monde”. En soi, un tel objectif n’est pas condamnable. D’autres l’ont caressé par le passé ou le caressent encore, aucun n’y arrive vraiment, car la culture reste et restera locale, globalisationglobabalisation ou non, internet ou pas internet.

Personne ne dominera jamais le monde.

En revanche, les moyens mis en oeuvre pour tenter d’y parvenir peuvent engendrer de très graves dommages collatéraux. Parmi ces moyens, les méthodes chinoises figurent probablement au rang des pires observées depuis bien longtemps, et il est à mon sens stupéfiant que personne ne s’élève contre elles ni ne commence à parler de boycott.

Comment peut on au 21° siècle tolérer :

1) les pratiques de dumping social auxquelles ne livrent les entreprises chinoises

2) les conséquences humaines que ces pratiques ont sur la vie de millions de personnes

Ce sont là deux questions majeures qui devraient appeler à une mobilisation massive.

En effet, un article des Echos de fin octobre 2006 décrivait par le détail les “enchères inversées” auxquelles procèdent tous les matins les entreprises chinoises en recherche de main d’oeuvre. C’est édifiant. Les postulants arrivent le matin du fin fond de leur campagne ou de leur taudis, pour proposer leurs services. L’offre de main d’oeuvre excède de très loin l’offre de travail, ce qui permet aux employeurs de choisir le salarié le moins cher, c’est à dire celui qui a tellement faim qu’il est prêt à travailler juste pour pouvoir payer son repas et celui de ses enfants si ceux-ci sont toujours vivants. Évidemment, il n’est pas question de protection sociale, de congés payés, d’allocations familiale, de mutuelle santé... quant aux droits à la retraite, en parler équivaut à proférer des insanités.

Cette pratique constitue évidemment un avantage concurrentiel énorme : lorsque le coût du travail et de la protection sociale coûte 1 en Chine et 10 en France, dans quel pays trouve t’on les produits dont le coût de revient est le moins cher, dans quel pays trouve t’on les entreprises qui dégagent les marges les plus fortes et la capacité d’investissement la plus importante ?

Cela s’appelle ni plus ni moins que la concurrence déloyale. Comment se fait il que l’OMC ne régule pas cette anomalie ? comment se fait il que les gouvernements s’extasient devant la clairvoyance et le pragmatisme chinois au lieu de comprendre que cette attitude cynique peut signifier la fin de systèmes économiques respectueux de principes moraux ?

N’y a t’il donc personne pour aller au bout du raisonnement et pour expliquer une chose pourtant évidente et simple, sauf pour ceux qui ne veulent surtout pas la voir car cela dérange : les entreprises chinoises se développent au détriment de leurs salariés. Le sang d’individus honteusement exploités se transforme en moyens financiers dont seule une minorité de patrons bénéficie, avec la complicité de l’Etat Chinois. La complaisance de l’Etat se justifie par une approche propre à se faire retourner Mao dans sa tombe (quoique...) : l’Etat considère que les moyens financiers privés des entreprises sont ses propres moyens de rayonnement économique et politique.

Alors bien sûr, aller faire des courbettes à Pékin permet d’espérer gagner des contrats de TGV et autres centrales nucléaires. Mais à quel prix !! “vendez nous vos centrales et les technologies qui vont avec, achetez en masse nos produits dont les prix défient toute concurrence, et nous serons amis”.

Quelle imposture ! sacrifier les droits de l’hommes, bafouer les principes de l’OIT et réussir à faire croire en un miracle économique relève du prodige, à moins que notre propre crédulité ne soit suspecte. Peut être les dirigeants de nos grands groupes préfèrent-ils laisser penser qu’ils croient en cette version alors qu’en réalité ils savent pertinemment qu’ils échangent un accès à court terme à un marché chinois prometteur (!) contre une colonisation à moyen terme de nos économies par les entreprises chinoises, qui auront entre temps tué leurs concurrents européens pour les raisons de coûts sus-évoquées. Cette histoire n’est pas sans rappeler le mythe faustien...

Si l’on résume, pour conquérir le Monde, les entreprises chinoises violent toutes les conventions relatives au droit du travail et des personnes, développent des pratiques anti-concurrentiellesanti-concurrentielles au vu et au su de tous et affirment haut et fort leur souhait de conquête. Cela rappelle un peu des déclarations que personne ne prenait au sérieux dans les années 30, des pratiques sur lesquelles tout le monde fermait les yeux dans les années qui ont suivi... Tout cela a conduit à l’horreur et au cauchemar.

Laisser se mettre en place des pratiques et des accords commerciaux iniques peut être aussi dangereux pour l’équilibre du Monde que le fait de laisser un pays s’armer et déclarer vouloir annexer ses voisins sans réagir. Le Munich économique n’est plus très loin...

Up&Up Développement achète et revend des produits fabriqués dans des pays dont le taux de développement est similaire à celui de la Chine. A produit équivalent le prix d’achat est 3 fois plus élevé au Bangladesh qu’en Chine, alors que les matières premières coûtent le même prix, et que le coût du travail devrait être le même. Pourquoi ? parce que nous veillons à ce que les produits que nous achetons soient fabriqués dans des conditions équitables, c’est à dire garantissant le respect des droits des personnes qui les produisent. Ce ratio de 1 à 3 illustre bien l’écart entre l’équitable et le non-équitable à la chinoise. Car à l’arrivée, lorsque le client français a le choix entre un produit à 3 € et un produit similaire à 9 €, la raison de son porte-monnaie l’emporte dans 9 cas sur 10, c’est à dire que dans 9 cas sur 10 le client lui-même pérennise un système de fonctionnement dévoyé.

Il est donc urgent de faire cesser ces pratiques. A l’heure où la thématique “développement durable” s’invite plus que jamais dans la campagne présidentielle, il est temps de dire qu’il faut réglementer le commerce et, surtout, les relations contractuelles. Il est anormal de laisser les entreprises s’approvisionner auprès de fournisseurs étrangers qui agissent en totale violation des règles internationales. C’est un peu comme si on laissait des entreprises acheter de l’ivoire pour les besoins de leur activité alors même que le commerce de ce type de matériaux est prohibé. Pourquoi parce qu’il ne s’agit “que” d’êtres humains maltraités personne ne réagit, alors que les défenseurs d’espèces protégées se seraient déjà enchaînés aux grilles du Palais Bourbon et auraient obtenu gain de cause pour la protection des éléphants en moins de 24 heures ?

Il est urgent que le gouvernement rende obligatoire les audit sociaux et interdise de contractualiser avec des partenaires commerciaux qui violent les règles. A minima, il est urgent que le gouvernement “prime” les entreprises vertueuses qui se lancent d’elles-mêmes dans une démarche d’achats responsables en sélectionnant leurs fournisseurs sur la base de leur engagement à ne pas se comporter comme des voyous...


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