Chômage en hausse, quoi de plus naturel en somme

par Bernard Dugué
mercredi 29 juin 2011

Prenez une mélodie de Michel Polnareff et ces paroles, « chômage en hausse, chômage en hausse, quoi de plus naturel en somme ». Vous êtes sûrs de perdre à l’émission de Nagui mais cette mélodie vous rappellera sans doute une époque où le chômage était pour ainsi dire inexistant. Souvenez-vous ce fameux film de Truffaut, avec ce jeune premier joué par Jean-Pierre Léau qui, sitôt licencié de son job de veilleur dans un hôtel, rempile quelques jours plus tard pour devenir vendeur de chaussures. A cette époque, il n’y avait pas de chercheurs d’emploi car c’était plutôt l’emploi qui venait vous chercher. Maintenant, le pôle emploi s’occupe de vous, parfois pendant deux ou trois ans. Le chômage de masse s’est en effet installé depuis les années 1980 et les statistiques sont maintenant obligées de façonner différentes catégories, car les uns ne travaillent même pas à concurrence d’un mi-temps, d’autres s’installent dans un chômage durable et pour finir, la crise de l’emploi ne touche pas les individus de la même manière, selon leur statut socioprofessionnel ou leur âge.

Après une embellie de courte durée, seulement quatre mois de légère baisse, le chômage est reparti à la hausse en mai 2011, avec presque 20 000 inscrits supplémentaires et même 40 000 si l’on inclut les personnes ayant une activité réduite. Au final, plus de 4 millions de personnes ne travaillent pas ou très peu, si l’on en juge par des statistiques que l’on sait en dessous de la réalité en raison des radiations abusives et des lassitudes de certains qui ne se déplacent plus pour être inscrits au pôle emploi. Cette mauvaise nouvelle n’a pas trouvé sa place dans les informations. Dans le bulletin de 9 heures, deux superwomen, Christine et Martine, à la une, puis quelques nouvelles de la bactérie, des orages, des Français à Wimbledon et la météo pour finir. Les vacances approchent, peut-être ne faut-il pas déprimer les Français. Le chômage est devenu habituel mais ces chiffres de mai sont suffisamment significatifs pour justifier une explication de la part des communicants du gouvernement et des analyses des experts journalistes. A moins que ces gens ne soient embarrassés pour expliquer des mauvaises nouvelles sur le front de l’emploi.

Le problème, c’est de raconter régulièrement une contre vérité, à savoir que la croissance produit une baisse de chômage ou à défaut, le stabilise si elle est faible. Il y a peu, les autorités de l’économie ont loué une belle croissance au premier trimestre. Mais en 2010, le PIB n’a augmenté que d’un point et demi. Et les estimations tablent sur deux points pour la période qui vient. Pourquoi une augmentation du chômage alors ? Sans doute, la croissance renoue avec son défaut du trompe-l’œil. La prime à la casse a permis de gonfler les chiffres de la croissance mais d’une manière artificielle, sans qu’il n’y ait une reprise de l’emploi dans le secteur. Il se peut bien aussi qu’un autre effet ait créé quelque biais dans la signification du chiffre. Nous connaissons en effet la distorsion à l’espagnole qui donne une fausse idée de l’économie car la croissance est due pour une bonne part à la bulle immobilière. Notons qu’en France, surtout à Paris et dans les grandes villes, les transactions immobilières ont vu leur niveau augmenter. Et donc au final, le chiffre de la croissance n’est pas vraiment significatif. Par contre, d’autres indices sont en relation directe avec cette montée du chômage. Les investissements industriels de 2010 n’ont pas été terribles, la concurrence globale a produit une désindustrialisation progressive de notre pays. Enfin, les chiffres du déficit commercial sont édifiants. La France importe plus qu’elle ne produit. Et donc, si la production est en berne, il est naturel en somme que les travailleurs soient moins nombreux à produire. Pour 2011, on évoque même, à travers la voix d’experts de la finance, un rebond technique. Traduction : il n’y aura pas d’emplois supplémentaires. D’ailleurs, n’a-t-on pas entendu dire que les incroyables commandes engrangées par Airbus ne créeront pratiquement aucun emploi. Autant dire la vérité en face, le chômage n’est pas près de baisser et l’on ne voit pas de solution miracle pour une économie européenne qui est entrée dans une décennie perdue, comme le Japon en 1990. Seule bonne nouvelle, il n’y a pas de tsunami en France.


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