Comme un goût d’avant un krach financier…
par Laurent Herblay
samedi 3 mars 2018
Outre l’improbable défense du plan de relance à destination des plus riches de Donald Trump, la lecture du The Economist daté du 10 février, après le grand coup de chaud des marchés du début du mois, donne aussi le vertige sur notre situation économique. Parfois, on se demande s’il ne s’agit pas d’une description des errements qui auraient déjà mené à un nouveau krach financier.
L’improbable synthèse de 2001 et 2008 ?
Il faut déjà rappeler que les projets fiscaux de Donald Trump rappellent fortement ceux de George Bush Jr à la veille du krach de 2001. Après l’assouplissement quantitatif qui nourrit la spéculation, voici une relance budgétaire tout aussi biaisée en faveur de ceux qui n’en ont pas besoin. De quoi entretenir une bulle dont les excès sont particulièrement visibles dans la nouvelle économie de l’époque, d’une manière étonnamment proche de ce qui s’est passé il y a moins de 20 ans, démontrant l’incapacité crasse des marchés financiers à apprendre de leurs erreurs, comme on peut le voir avec Tesla ou Uber, dont l’envolée des pertes en 2017 ne semble pas avoir eu la moindre conséquence sur leur marche…
Bien d’autres aspects rappellent les précédents krachs. On peut penser à la remontée des taux d’intérêts, qui avait pesé dans les krachs de 1987, 2001 et 2008. Le renforcement de l’euro est tout aussi inquiétant, pour qui se souvient qu’il avait frôlé le cap des 1,6 dollars avant le krach de 2008. Après tout, la monnaie unique européenne a progressé de 17% en un an, sans que cela semble inquiéter le moins du monde des dirigeants européens totalement inconscients et passifs sur ses questions monétaires qui font pourtant partie des sujets politiques fondamentaux dans bien des pays, au premier rang desquels ce Japon qui pratique une monétisation accélérée de sa dette publique.
Mais ce n’est pas tout : The Economist revient sur l’effarant parcours du Bitcoin, qui, passé de moins de 1000 dollars début 2017 à près de 20 000 en décembre, est tombé à 6 000 début février. Quel crédit accorder à ce nouveau joujou de casino dont la valeur peut être multipliée par 20 en un an et être divisée par trois en à peine plus d’un mois. Les derniers qui auront le mistigri s’en mordront les doigts. De même, The Economist revient sur les nouveaux joujous de la finance, tel ce fonds de 1,9 milliard créé par Crédit Suisse indexé sur la volatilité des marchés (dont la valeur progresse quand la volatilité est faible), dont la valeur s’est effondrée de 92% le 6 février, quand le Dow Jones a perdu 4,6% !
Plusieurs analystes incriminent les outils d’échange informatisés et les fonds spéculatifs pour la violence des variations de début février, la baisse des marchés nourrissant des ventes qui, dans un cercle vicieux, accentuent la baisse et provoquent des baisses. Bien sûr, la chute des marchés s’est rapidement arrêtée, mais tous les outils d’un nouveau krach semblent déjà en place. Et, pour couronner le tout, un autre papier évoque trois études sur les délits d’initiés qui montrent que « les biens connectés en profitent, même pendant les crises financières » et deux autres suggérant que « l’ensemble du système de cotation des actions est truqué ». Rien ne semble avoir changé depuis 2008.
La conjoncture et l’absence d’un Lehman semblent encore nous protéger malgré le niveau du Dow Jones (60% plus haut qu’avant le précédant krach). Les questions qui restent en suspens sont le moment du prochain krach (2019, 2020 ou 2021 ?) et le facteur déclenchant (faillite de Tesla ou Uber, hausse du pétrole provoquant léger regain inflationniste et hausse des taux, ou crise financière en Italie ?).