Comprendre HADOPI, ses enjeux, ses risques (3/6)
par Thomas
jeudi 23 avril 2009
Perpétuellement invoqués comme les principaux (voire les seuls) bénéficiaires du projet de loi, les artistes sont globalement discrets, et pour beaucoup opposés, à ce texte qui risque de criminaliser leurs fans. Demandent-ils vraiment la protection qu’on met en place en leur nom ?
Chapitre III : Et les artistes ?
Les artistes sont le principal alibi des soutiens de cette loi. Perpétuellement mis en avant comme les vrais bénéficiaires du projet, seuls une poignée d’entre eux ont effectivement pris parti en faveur de la loi, un plus grand nombre s’est exprimé contre, en particulier pendant la fin des débats à l’Assemblée, et la grande majorité est restée silencieuse. Il faut dire que le propre des artistes est souvent d’être lié contractuellement à des sociétés de gestions de leurs droits… qui du coup parlent en leur nom.
Christine Albanel revendique une pétition favorable à sa loi signée par 10 000 artistes… mais certains ont protesté d’avoir été intégrés à leur insu sans avoir jamais rien signé, et l’examen attentif en cours de cette liste fait apparaître des noms fantaisistes voire même des employés des sociétés de gestion de droits !
Comment donc des artistes peuvent-ils donc être majoritairement hostiles à une loi censée préserver leurs droits et leurs revenus, alors même que le sens commun suggère que le piratage les affecte négativement ? Réponse : parce qu’en dépit des apparences, l’expérience a prouvé que le piratage augmente leurs revenus plus qu’il ne les diminue. L’explication est simple : les interprétations et les diffusions leur rapportent bien plus que les droits liés aux ventes de disques… dont les artistes ne touchent pas grand chose !
À ce titre, l’exemple le plus éloquent est celui du groupe Metallica : après avoir été franchement hostile, procès à l’appui, aux tous premiers logiciels d’échange de musique, le groupe a présenté ses excuses à ses fans et s’est félicité du piratage de son dernier album.
En effet, avant d’espérer vendre leur premier disque, les artistes doivent préalablement accéder à un début de notoriété. Une poignée d’industriels du disque ont longtemps décidé seuls des artistes dont ils souhaitaient faire la promotion, sur la seule base du succès espéré. Les artistes dont le potentiel n’est pas jugé suffisant demeurent ignorés du public. Et pour les artistes élus, les clauses léonines sont la règle.
Ces dernières années, avec la possibilité donnée aux artistes de diffuser facilement leurs œuvres sur Internet, de trouver leur public, le rôle d’intermédiaire technique des professionnels du disques est apparu nettement moins indispensable, et des artistes improbables ont pu accéder aux revenus du spectacle vivant avant même de réaliser leur premier album pour conforter cette notoriété.
Les rares artistes qui ont embrassé (et eu la liberté d’embrasser) le modèle gratuit n’ont guère eu à s’en plaindre. Le groupe Radiohead a remporté un succès énorme en proposant son dernier album à un prix librement fixé par les acheteurs et a néanmoins gagné plus d’argent qu’avec le précédent album, vendu par le circuit traditionnel. Quelques autres artistes, très ou moyennement connus ont d’ores et déjà décidé de reprendre leur destin en main, ou s’apprêtent à le faire.
Non seulement le téléchargement gratuit affecte plutôt favorablement les revenus des artistes (notamment les moins connus), mais surtout, il les affranchit de la tutelle obligatoire des éditeurs de musiques. Les sites favorisant le téléchargement gratuit commencent d’ailleurs à proposer aux artistes de reprendre le rôle d’intermédiaire technique à leur profit et donc de gagner de l’argent avec le téléchargement P2P.
Enfin, contrairement à ce qu’affirme les soutiens du projet HADOPI, les internautes sont prêts à « payer le gratuit », comme en témoigne la levée de fond de 6 000 000 de dollars de Wikipedia.