Coronavirus US : vers une hausse du taux de chômage de 3,5 à 30 % ?

par karl eychenne
mardi 31 mars 2020

En deux semaines à peine, le coronavirus a contaminé plus de 150000 américains, et mis au chômage plus de 3 millions de personnes. Un tel chiffre anticiperait une remontée possible du taux de chômage de 3,5 % à près de 30 % !... Possible ? 

Elles ont fait l’effet d’une bombe : les inscriptions au chômage hebdomadaires de la semaine du 21 mars ont fait exploser tous les standards historiques : plus de 3 millions alors que les semaines précédentes ces inscriptions s’établissaient à près de 280 000. On avait jamais vu un tel chiffre depuis que la série existe, c’est-à-dire 1967 : il faut remonter à 1982 pour trouver le précédent plus haut à seulement 695 000. Même la crise des Subprimes est loin du compte avec 650 000 début 2009.

Ce chiffre d’emploi est doublement important puisque, d’une part il est le premier publié intégrant des effets tangibles du coronavirus, et d’autre part c’est le meilleur indicateur avancé du taux de chômage. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est très pessimiste puisqu’il pointe déjà vers un niveau de taux de chômage d’au moins 30 %, comme d’ailleurs le craignait déjà cet officiel américain il y a à peine quelques jours.

 

Certes, les conséquences économiques du Coronavirus sont secondaires, mais elles ne peuvent pas être ignorées. En effet, il y a aura un « après Coronavirus », et de l’ampleur du choc dépendra la capacité du pays à relever rapidement la tête et à offrir à ses citoyens des emplois durables et des perspectives encourageantes. Or, si le taux de chômage devait monter à près de 30 %, il pourrait avoir des conséquences dramatiques sur l’économie et les marchés.

 

 

 

 

Croissance économique et taux de chômage : la relation 

Le PIB dépend de deux moteurs : l’emploi et la productivité du travail. Pour comprendre cette décomposition on peut imaginer une production de masques : le nombre de masques produits dépendra du nombre de personnes qui les produisent (emploi), et du nombre de masques produit par chaque personne (la productivité). Depuis 10 ans, le PIB américain a crû en moyenne de 2,3 %, ce qui s’explique aux 2/3 par l’emploi et 1/3 par la productivité.

 

Cette relation simple nous montre à quel point la santé d’une économie dépend de celle de l’emploi, et inversement selon votre école de pensée. D’ailleurs, il existe une relation empirique qui illustre et quantifie cela : loi d’Okun. Lorsque le PIB dépasse son niveau potentiel (l’économie va « trop bien »), alors le taux de chômage devient inférieur à son niveau naturel (l’emploi est trop fort).

 

 

 

 

Un taux de chômage à 30 % est-il réaliste ?

Venons-en maintenant à l’impact du Coronavirus sur le marché de l’emploi américain. D’après le consensus des économistes, le PIB américain pourrait décroitre de près de – 5 % en rythme annualisé au cours du deuxième trimestre. Ce chiffre est d’ailleurs cohérent avec ce que semblent anticiper les marchés financiers. Ce chiffre est donné en rythme annualisé, mais pour les besoins du calcul il nous faut considérer le chiffre non annualisé, c’est-à-dire juste la variation du PIB, on obtient alors – 1,3 %.

 

 

 

 

 

Une inflation en chute libre ?

Intuitivement, une telle hausse du taux de chômage se traduirait par une forte baisse de la croissance des salaires, et donc de la consommation des ménages. C’est sur un tel postulat que repose la fameuse courbe de Phillips qui fonctionna si bien durant les 30 glorieuses : cette courbe dit qu’il existe une relation entre le chômage et l’inflation ; en général lorsque le chômage monte, il est observé que l’inflation baisse (les prix montent moins vite).

 

Et puis il y eut la stagflation liée aux chocs pétroliers, avec beaucoup d’inflation mais aussi du chômage, c’est-à-dire tout le contraire de ce que disait la courbe. Depuis ? A partir des années 90, la courbe de Phillips s’est aplatie : le taux de chômage a beau monter ou baisser, l’inflation baisse tendanciellement. Alors pourquoi cela changerait-il ?

 

 

 

 

Des marchés trop optimistes ? 

La crise du Coronavirus a provoqué à un mouvement généralisé d’aversion pour le risque incitant les investisseurs à délaisser les actifs réputés risqués (actions, crédit…) pour se réfugier sur les actifs refuges (emprunts d’Etats). Résultat : une baisse violente et intense des actions et des taux d’intérêt, historiquement cohérente avec une contraction du PIB de l’ordre de – 5 % (rythme annualisé), et donc de – 1,3 % en variation. On est bien loin des – 25 % suggérés par un taux de chômage à 30 %.

 

 

 

A suivre donc

 


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